Réflexions concernant la Déclaration sur l’intégrité de l’information en matière de changement climatique

par Prof. Dr. Jean N., Faculté des Sciences, Université Européenne.

Lors de la 30ᵉ Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP30), plusieurs États – dont la France, la Belgique, l’Allemagne, le Canada et le Brésil – ont signé une Déclaration sur l’intégrité de l’information en matière de changement climatique. Le texte appelle à lutter contre les contenus mensongers diffusés en ligne et à mettre fin aux attaques visant journalistes, scientifiques et chercheurs diffusant des données vérifiées. Selon ONU.info, la désinformation ne se limite plus au déni : « Elle sape l’action climatique en attaquant les chercheurs et les journalistes, en remettant en cause le consensus scientifique et en créant de faux récits autour des solutions ».

L’ONU considère-il donc que remettre en cause le consensus scientifique sur le climat ne devrait pas être permis? Un article paru dans Le Soir nous dit aussi ceci : « A partir de l’année prochaine (2026), les radios et les télévisions belges seront soumises à un examen de leurs contenus en matière de climat et d’environnement. Objectif : traquer les éléments de désinformation, volontaires ou non. »

Qu’entendent-ils donc exactement par « désinformation »? Est-ce que toute information allant à l’encontre d’un consensus en matière de climat est immédiatement une désinformation? Qu’est-ce qu’un consensus en matière de climat et a-t-on le droit de le remettre en cause? Le GIEC et l’ONU se trompent-ils en voulant empêcher ceux qui ne sont pas du même avis de s’exprimer? Qu’adviendra-t-il des contestataires?

Le but du présent article est de tenter de répondre à ces questions. Nous allons voir qu’il y a matière à réflexion. Mais avant toutes choses, il est nécessaire de définir ce que l’on entend par consensus scientifique. On a l’impression que l’on sait, mais lorsque l’on demande d’en donner une définition précise cela devient plus difficile… Nous verrons ensuite ce que devrait représenter un consensus en matière de climat. Et enfin nous répondrons aux questions exprimées ci-dessus.

1. Quelques rappels concernant les consensus scientifiques

1.1. Définition du consensus scientifique

Il existe plusieurs définitions d’un consensus scientifique et voici les quatre points qui reviennent le plus souvent (Popper 1934, Ford 2008, Shwed & Bearman 2010, Merkley 2020) :

– Un consensus scientifique est une opinion collective adoptée par des scientifiques spécialistes. Il est donc évident que les physiciens ne participent pas aux consensus adoptés par les botanistes, ou que les médecins ne participent pas aux consensus adoptés par les géologues.

– Le consensus scientifique concerne une ou plusieurs théorie(s) scientifique(s). Un consensus scientifique ne concerne pas la politique ou la religion.

– L’opinion collective n’est pas nécessairement adoptée à l’unanimité. Certains scientifiques spécialistes ne sont pas d’accord avec leurs collègues (Diamond 2014).

– Le consensus est valable pour une période donnée, a priori de durée inconnue. En effet, les découvertes sont incessantes et peuvent surgir n’importe quand. Un consensus peut donc changer avec le temps, en étant renforcé, en étant fragilisé face à des arguments qui s’avèrent moins pertinents ou en étant abandonné suite à un fait (scientifique) démontrant son impossibilité. Un très bon exemple est la théorie de l’évolution des espèces qui a maintes fois été améliorée depuis l’écriture de l’Origine des Espèces par Darwin en 1859. Un autre exemple est l’impossibilité des quasicristaux, théorie faisant consensus mais abandonnée en 1982. Il en découle, comme l’avait déjà fait remarquer Karl Popper (1934), qu’un consensus scientifique n’est pas une vérité définitive mais seulement provisoire. L’incertitude est inhérente à la science car les théories ne sont jamais prouvées mais seulement réfutées  (falsifiabilité de Karl Popper). Ce processus prend du temps et de nombreux exemples ont rapporté des consensus qui se sont effondrés presque du jour au lendemain suite à de nouvelles observations.

Un consensus scientifique peut s’obtenir par la communication scientifique lors de conférences, par le processus de publication, de la reproduction des résultats par d’autres, des débats scientifiques et de l’évaluation par les pairs (Shwed & Bearman 2010).

A lire également : Un consensus scientifique qui ne veut plus rien dire.

1.2. Acceptation des consensus dans la sphère publique

La sphère publique peut être définie comme regroupant  toutes les personnes ne faisant pas partie des scientifiques spécialistes, c’est-à-dire le public général non scientifique mais également les autres scientifiques travaillant dans d’autres domaines, c’est-à-dire la communauté scientifique au sens large.

Certains consensus scientifiques sont bien acceptés par toute la sphère publique comme par exemple l’héliocentrisme ou le caractère cancérigène du tabac.

Mais certains consensus scientifiques peuvent être considérés comme controversés par le public général, alors qu’ils sont acceptés par la communauté scientifique générale. Nous trouvons ici la théorie de l’évolution, remise en cause par divers courants religieux, l’absence de liens entre la vaccination et l’autisme, ou la consommation de plantes OGM.

Les consensus scientifiques ne sont pas toujours acceptés rapidement. De nombreux consensus scientifiques ont été largement débattus lors de leur théorisation pendant des dizaines d’années avant d’être largement acceptés. C’est le cas de l’héliocentrisme, du modèle standard en physique ou de la dérive des continents en géologie.

1.3. L’impact socio-économique des consensus scientifiques

Tous les consensus scientifiques n’ont pas le même impact socio-économique. Il est évident que le consensus obtenu sur la dérive des continents en géologie a moins d’impact sociétal que le consensus obtenu sur la cancérogénicité du tabac ou le bienfait des vaccins.

1.4. Utilisation des consensus scientifiques par le monde politique

Lorsqu’un consensus scientifique a un grand impact socio-économique le monde politique peut s’y référer pour justifier ses décisions.

Mais comme nous l’avons dit plus haut, l’incertitude est inhérente à la science et les consensus mettent parfois plusieurs années avant de s’établir. Cela pose évidemment problème aux responsables politiques, aux décideurs, aux juristes et aux professionnels du monde des affaires. Alors que les questions scientifiques peuvent souvent demeurer dans l’incertitude pendant des décennies au sein de leurs disciplines respectives, les décideurs sont confrontés à la difficulté de prendre rapidement des décisions éclairées sur la base des données disponibles, même si celles-ci ne constituent probablement pas la « vérité » définitive. La difficulté réside alors dans la capacité à discerner ce qui s’approche suffisamment de cette « vérité définitive ». Par exemple, la lutte contre le tabagisme est peut-être intervenue trop tard, après que la communauté scientifique ait atteint un consensus quasi unanime.

2. Les consensus scientifiques en matière de climat

Un consensus scientifique en matière de climat doit avoir exactement la même définition que celle donnée au point 1, avec une précision supplémentaire : le consensus en matière de climat est d’abord élaboré par des scientifiques spécialisés en climatologie. Ensuite, et comme pour tous les autres consensus, il peut être bien ou mal accepté dans la sphère publique. Ce type de consensus, comme nous pouvons l’imaginer, a généralement une grande importance socio-économique, et c’est pourquoi le monde politique s’y intéresse.

Admettons maintenant que les consensus scientifiques en matière de climat existent bel et bien, comme par exemple le consensus scientifique disant que c’est l’homme qui est responsable du réchauffement climatique. Ce dernier consensus est aussi appelé consensus sur le réchauffement anthropique. Remarquons que certains personnes (appartenant au monde scientifique) nient la réalité de ce consensus alors que d’autres disent qu’il est soutenu par 97% des spécialistes du climat.

Donc, si l’on admet que le consensus sur le réchauffement anthropique est bien réel, il doit obéir à la définition du consensus scientifique. Cela veut dire que ce consensus n’est pas une vérité définitive mais seulement provisoire, car l’incertitude est inhérente à la science. Comme les découvertes sont incessantes et peuvent surgir n’importe quand, le consensus sur le réchauffement anthropique est donc lui aussi un consensus qui peut changer avec le temps ou s’avérer faux. Notons qu’une analyse détaillée de la situation actuelle permet sérieusement de douter du bien-fondé de ce consensus (voir ici).

3. La réponse aux questions posées

Venons-en maintenant aux questions posées dans l’introduction :

• Qu’entendent-ils donc exactement par « désinformation »? Est-ce que toute information allant à l’encontre d’un consensus en matière de climat est immédiatement une désinformation?

La désinformation est généralement définie comme un ensemble de pratiques et techniques de communication visant à influencer l’opinion publique en diffusant volontairement des informations fausses, faussées ou biaisées.

Le GIEC et l’ONU disent qu’il y a un consensus sur le réchauffement anthropique. Cela veut donc dire par définition (point 1) qu’il ne s’agit pas d’une vérité définitive mais seulement provisoire et qui peut donc changer avec le temps. Puis le GIEC et l’ONU nous disent que la « science est dite » et qu’on est certain que c’est l’homme qui est responsable du réchauffement climatique. Cette dernière phrase n’est-elle pas la définition même d’une désinformation? On pourrait en conclure que le GIEC et l’ONU diffusent donc volontairement une information fausse et biaisée : en effet, on ne peut pas utiliser le concept de consensus scientifique et en même temps dire que la science est dite!

On peut aussi en conclure que le GIEC et l’ONU utilisent une autre définition du consensus scientifique. Pour le GIEC et l’ONU, consensus scientifique = dogme immuable.

• A-t-on le droit de remettre en cause un consensus en matière de climat?

Toute personne disposant des connaissances nécessaires peut bien évidemment remettre en cause n’importe quel consensus scientifique (tel que défini au point 1) et c’est grandement souhaitable. Il faut bien sûr apporter des preuves et proposer un autre raisonnement. En général, les physiciens ne remettent pas en cause les consensus obtenus par les botanistes ou inversement, mais ils pourraient le faire s’ils avancent les bons arguments. Libre ensuite aux botanistes de valider ou non leurs objections et de modifier l’hypothèse sur laquelle est basé leur consensus. Le fait d’écouter les contestataires, peu importe leur formation scientifique spécifique, fait progresser la science. Les consensus s’en trouvent solidifiés ou affaiblis.

Mais malheureusement l’ONU et le GIEC n’emploient pas la même définition de « consensus scientifique »… Pour eux, personne n’a le droit de remettre en cause un consensus en matière de climat. Et il en va de même de la grande majorité des médias qui répètent comme des perroquets les conclusions du GIEC tout en refusant désormais de donner la parole aux contestataires. Et pour couronner le tout, les universités suivent le mouvement et les scientifiques contestataires osant utiliser des arguments scientifiques sont vite repérés, particulièrement par les étudiants dont le cerveau a préalablement été lavé par les médias. L’auto-censure fait le reste.

Soulignons que la science climatique actuelle est particulière, et ce pour deux raisons :

(1) La science climatique est une science très pluridisciplinaire. En effet, elle repose sur la physique, la chimie, les mathématiques et l’informatique. Cependant, un physicien connaît bien mieux la physique qu’un climatologue, tout comme un chimiste pour la chimie ou un mathématicien pour les mathématiques. Or, dans le monde d’aujourd’hui, ces physiciens et ces chimistes, qui ne publient bien évidemment rien en climatologie, sont fustigés par les thuriféraires du GIEC lorsqu’ils s’expriment. On leur dit : « vous n’avez rien publié en climatologie et vous n’êtes pas climatologue ». La science est dite et seuls les climatologues peuvent s’exprimer! Ceci est évidemment contraire à la logique et à la définition d’un consensus donné au point 1. Notons qu’Alfred Wegener était un astronome et un météorologue et fut en son temps le seul à émettre une hypothèse fondamentale dans un domaine qui n’était pas le sien, à savoir la géologie avec la dérive des continents validée 50 ans après (tectonique des plaques).

Ce qu’il faut réaliser est qu’un physicien, un chimiste, un informaticien ou un mathématicien ont parfaitement le droit et sont tout à fait aptes à remettre en cause un consensus scientifique obtenu par des climatologues. Rappelons que de nombreux articles présentés sur SCE contestent le consensus établi par le GIEC (concernant l’origine du réchauffement climatique) et sont rédigés par des spécialistes de physique, de chimie, de géologie, d’énergie ou de mathématiques.

Et il faut savoir qu’avant 1980 environ il n’y avait pas de « climatologues » dans les universités (et pas d’enseignement dans ce domaine) mais seulement des physiciens de l’atmosphère et des météorologues. Certains diplômés avant 1980 se sont ensuite auto-proclamés «climatologues».

(2) La deuxième raison pour laquelle la science climatique actuelle est particulière est le fait qu’elle a un très grand impact sociétal. En effet, l’un des dogmes du GIEC repose sur la diabolisation du CO2, gaz qu’il faudrait combattre par tous les moyens. En raison de cela, le monde politique peut s’y référer pour justifier toute une série de décisions visant à réguler ce taux de CO2 (limitations dans le domaine de l’énergie, captations de CO2, Net Zero, etc.).

• Le GIEC et l’ONU se trompent-ils en voulant empêcher leurs opposants de s’exprimer? 

Nous pouvons ici répondre par l’affirmative : il se trompent car ils n’utilisent pas la bonne définition de consensus scientifique, pourtant basée sur des principes énoncés clairement depuis au moins 1934 (Karl Popper). C’est donc l’ONU et le GIEC qui pratiquent la désinformation. Ils empêchent leur consensus d’évoluer et se privent de potentielles améliorations qu’un processus évolutif pourrait apporter à leur consensus. La raison est simplement d’éviter une éventuelle fragilisation de leur consensus ou plutôt de leur dogme climatique. Pour cela, comme mentionné dans l’introduction, l’ONU et le GIEC incitent désormais à l’examen du contenu des radios et des télévisions en ce qui concerne le climat et l’environnement, afin de traquer les éléments de « désinformation ». Le terme de « désinformation » doit ici être compris comme toute idée allant à l’encontre des dogmes climatiques du GIEC.

• Qu’adviendra-t-il des contestataires?

Nul ne le sait pour l’instant, mais on peut imaginer qu’ils seront encore plus pointés du doigt qu’aujourd’hui, ce qui aura un effet encore plus dissuasif sur les autres. Certains auront peut-être des amendes et risqueront de perdre leur financements ou leur travail. Ceci est évidemment inacceptable car la contestation est souhaitable pour faire évoluer un consensus scientifique, sauf lorsque l’on confond dogme et consensus scientifique. Il faut espérer que la liberté académique, déjà menacée aujourd’hui, ne passe pas à la trappe. Si tel est le cas, alors oui le Moyen-Âge est de retour…

3. Conclusions

• Un consensus scientifique digne de ce nom doit pouvoir évoluer car les découvertes sont incessantes.

• Les consensus scientifiques de l’ONU et du GIEC ne sont pas de vrais consensus scientifiques. Dans leur cas le terme de dogme scientifique convient mieux.

• le GIEC et l’ONU diffusent volontairement une information fausse et biaisée : en effet, on ne peut pas utiliser à la fois le concept de consensus scientifique et dire que la « science est dite »! Ces institutions font donc de la désinformation. Pour des exemples plus précis voir ici.

• Clairement, avec sa déclaration sur l’intégrité de l’information en matière de changement climatique, l’ONU démontre qu’elle possède un agenda politique. La science en elle-même ne l’intéresse pas et le concept de consensus scientifique évolutif lui est inconnu. La science est simplement utilisée par le GIEC et l’ONU pour justifier toute une série de mesures impopulaires telles que l’abandon des combustibles fossiles, l’abandon des moteurs thermiques, la généralisation des énergies dites « renouvelables », le « Net Zero », etc.

Références

Diamond IR et al. (2014) Defining consensus: A systematic review recommends methodologic criteria for reporting of Delphi studies. Journal of Clinical Epidemiology 67:401–409.

Ford M (2008) Disciplinary authority and accountability in scientific practice and learning. Science Education 92:404–423.

Merkley E (2020) Are Experts (News)Worthy? Balance, Conflict, and Mass Media

Coverage of Expert Consensus. Political Communication 37(4):530–549.

Popper K (1934) Logique de la découverte scientifique (titre original : Logik der Forschung, Logique de la recherche ; The Logic of Scientific Discovery, 1934). Tr. fr., Paris, Payot, 1973.

Shwed U, Bearman PS (2010) The Temporal Structure of Scientific Consensus Formation. American Sociological Review 75(6):817–840.

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