SCE-info : Un éditorial très alarmiste qui ne vous dit pas tout

Les éditeurs de plus de 230 revues médicales, dont le célèbre journal The Lancet, ont publié en ce lundi 6 septembre 2021 un éditorial commun, de seulement 2 pages, pour nous avertir qu’un réchauffement global de +1.5°C pourrait être catastrophique pour la santé humaine. Selon cet éditorial alarmiste, il faudrait que les gouvernements accélèrent les réformes pour combattre le réchauffement climatique prétendument causé par l’homme.

L’éditorial souligne par exemple les liens établis entre la crise climatique et une série d’impacts néfastes sur la santé au cours des 20 dernières années : parmi eux, il y a une augmentation des décès dus à la chaleur, la déshydratation et la perte de la fonction rénale, le cancer de la peau, les infections tropicales, les problèmes de santé mentale, les complications de grossesse, les allergies, les maladies cardiaques et pulmonaires, et les décès qui leur sont associés. L’éditorial mentionne également qu’il y aurait des effets néfastes sur la production agricole et donc que la famine nous guette. Bref y aurait-il encore quelques problèmes de santé qui échapperaient au climat ?

Mais avant de sombrer dans une profonde dépression nerveuse lisez les six remarques ci-dessous. Sachez que l’on ne vous révèle pas le dessous de toutes les cartes !

Six remarques concernant l’éditorial

1) Tout d’abord, l’éditorial alarmiste est publié au bon moment. En effet, le Royaume-Uni accueillera la 26e Conférence des Parties des Nations Unies sur le changement climatique (COP26) à Glasgow du 1er au 12 novembre 2021. Cet éditorial commun tombe donc à pic pour influencer les décideurs qui devront voter, tout comme pour l’AR6 du GIEC sorti fin août 2021. L’éditorial ressemble donc beaucoup plus à une manœuvre politique qu’à un article scientifique.

2) L’éditorial se base sur la rhétorique bien connue du GIEC : les émissions humaines de CO2 seraient responsables de tous les maux. La Nature, et en particulier le soleil ou la couverture nuageuse n’y sont pour rien. Les médecins signataires font donc confiance au GIEC. Mais on ne peut pas trop leur en vouloir, la climatologie n’est pas leur spécialité. Il suffirait donc selon eux d’arrêter toutes les industries émettrices de CO2, ainsi que tous les véhicules thermiques, pour que tout s’arrange comme par magie. Rappelons (encore et encore) que la lente augmentation de la température globale moyenne de la basse atmosphère pourrait très bien ne pas être causée par le CO2 (ici).

3) Il est ensuite écrit : « The risks to health of increases above 1,5°C are now well established« . Remarquons d’abord que depuis l’invention des congés payés, les européens du nord vont généralement en vacances dans le sud, où la température moyenne est de plusieurs degrés supérieure à celle des régions nordiques (comparez par exemple la Grèce ou l’Espagne avec la Belgique). Un être humain en bonne santé peut donc vivre avec une température moyenne un peu plus élevée (ici). Mais passons ce détail. Remarquons ensuite que selon le rapport spécial du GIEC « Global Warming of 1.5°C » publié fin 2018 (le SR15), nous avons déjà subi une augmentation de ± 1,0°C depuis le début de l’ère industrielle. Et jusqu’à présent, le monde se porte pas trop mal : en effet, en 1800 la population mondiale était de 1 milliard d’individus et nous sommes actuellement à plus de 7 milliards en 2021… Si une augmentation de 1°C était si problématique la population mondiale n’aurait pas augmenté.

Comme nous avons déjà subi une augmentation de +1.0°C depuis le début de l’ère industrielle, le GIEC pense qu’en toute vraisemblance la température pourrait encore augmenter de +0.5°C. Oui, vous lisez bien, c’est le GIEC qui nous le dit, voici d’ailleurs une figure (Figure 1) extraite de son rapport spécial paru fin 2018 (le SR15). Nous voyons qu’en 2040 nous aurons probablement un demi degré de plus par rapport à aujourd’hui (+0,5°C) et qu’après la température pourrait très bien se stabiliser, même si l’on ne réduit pas nos émissions (Figure 1, zone pourpre entre 2020 et 2100). Dans le pire des cas on aurait +1,0°C par rapport à aujourd’hui en 2100. Ne nions pas que les personnes fragiles pourraient en souffrir, les médecins le savent mieux que nous, mais la plupart des gens ne se rendront compte de rien car +0,5 à +1°C de différence est peu perceptible (peu de gens meurent en allant en vacances dans le sud, si ce n’est sur la route à cause des accidents de voiture).

Figure 1. Extrait de la Figure SPM.1 du rapport SR15 du GIEC (page 6), publié fin 2018. En ordonnée l’augmentation de température par rapport à la période préindustrielle, en abscisse les années de 1960 et 2100. La partie gauche du graphique rassemble les observations, la partie droite présente des projections basées sur différents scénarios d’émission de CO2.

4) L’éditorial du Lancet dit encore : « In the past 20 years, heat-related mortality among people older than 65 years has increased by more than 50%. » Nous pouvons faire confiance aux médecins, s’ils le disent c’est que c’est vrai ! Mais ils ne disent pas que, dans la même revue (The Lancet), un article de 2015 (Gasparrini et al. 2015) nous démontre que les vagues de froid tuent 17 fois plus de personnes que les vagues de chaleur. Cette étude internationale de 2015 est basée sur plus de 74 millions de décès dans 384 endroits et 13 pays différents, entre 1985 et 2012. Elle donne des chiffres clairs : « More temperature-attributable deaths were caused by cold (7.29%, 7.02–7.49) than by heat (0.42%, 0.39–0.44). Extreme cold and hot temperatures were responsible for 0.86% (0.84– 0.87) of total mortality.« 

5) Lorsqu’il fait référence aux vagues de chaleur, l’éditorial alarmiste nous dit qu’elles augmentent globalement et que donc plus de gens vont en souffrir. Mais l’éditorial ne précise pas que la définition des « vagues de chaleur » diffère d’un auteur à l’autre, qu’il est donc très difficile d’établir une moyenne globale, et qu’in fine, il est hasardeux de dire si la variation temporelle observée au niveau global est significative ou non. L’éditorial fait référence à l’article de Xu et al. 2015, mais si on lit bien cet article on voit que les auteurs sont très prudents et on découvre la complexité de l’exercice. Voici deux paragraphes extraits de Xu et al. 2015 :

« Within the same study, heatwave effect on mortality normally increased while using heatwave definition of greater intensity or longer duration. However, across studies, we found that for those studies using the same duration (≥2 days) but different intensities (95th, 98th, or 99th percentile of mean temperature), heatwave effect on mortality did not show an appreciable increasing trend with the increase in intensity (RR: 1.04, 1.03 and 1.07, respectively) (Fig. 2b). Similarly, for those studies using the same heatwave intensity (e.g., 95th percentile of maximum temperature) but different durations (e.g., 3, 4 or 5 days), no apparent increasing trend in the heatwave effect on mortality was observed (RR: 1.20, 1.14 and 1.24, respectively) across the different studies (Table 1).« 

« Within the same region, mortality risk increased with increases in heatwave intensity/duration. However, across different regions, heatwave pooled effect on mortality did not show an appreciable increasing trend with the increase in intensity/duration.« 

6) Finalement, il est également fait référence aux effets de la chaleur sur les rendements agricoles. L’éditorial alarmiste nous dit : « Global heating is also contributing to the decline in global yield potential for major crops, falling by 1·8–5·6% since 1981« . En lisant cette phrase, un lecteur peu informé pourrait croire que le léger réchauffement global risque de causer des famines. La phrase n’est pas fausse en soi, car en effet les rendements de plusieurs plantes cultivées ont stagné ces dernières années. Mais l’éditorial ne mentionne pas que la production mondiale de plantes cultivées ne cesse d’augmenter! En effet, rendement et production sont deux choses différentes. Selon la FAO et l’OCDE, dans leur récent rapport « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2021‑2030« , il est écrit page 45 que : « Au cours des dix années à venir, la production agricole mondiale devrait augmenter de 1.4 % par an ; ce qui représente un ralentissement par rapport à la croissance de la production enregistrée au cours de la décennie précédente (1.7 % par an). » Nous ne sommes donc pas sur le point de mourir de faim, car la production augmente. Rappelons ici qu’il n’y a pas que la température qui est importante pour les cultures, il y a aussi l’eau, l’ensoleillement, le taux de CO2, les pesticides, les techniques culturales, etc. Dans le futur, l’augmentation de la production végétale sera liée à une intensification de l’utilisation d’intrants, aux investissements dans les technologies et à l’amélioration des techniques culturales, principalement dans les pays à bas revenus.

Conclusion

L’éditorial du Lancet, tout comme le résumé pour décideurs du dernier rapport du GIEC (SPM AR6) est destiné à faire peur au public et à influencer les décideurs politiques qui devront voter à la COP26. L’éditorial ne mentionne pas que l’augmentation de température sera modeste, que la définition des vagues de chaleur utilisée influence les résultats, que la production agricole mondiale est en train d’augmenter.

En ne présentant qu’un aspect des choses il est facile de déformer la réalité! Cette déformation semble être devenue une marque de fabrique de tout ce qui touche au climat… On ne change pas une recette qui semble si bien porter ses fruits ! A nous de revenir aux fondamentaux et chaque fois d’aller vérifier à la source ce qui a exactement été publié et ne pas se contenter des publications médiatiques et sensationnelles, résultat du grand prisme de la déformation… et qui s’apparentent plus à de la désinformation.

3 réflexions sur « SCE-info : Un éditorial très alarmiste qui ne vous dit pas tout »

  1. Si le climat se résumait à l’effet de serre les températures au-dessus des mers seraient caniculaires puisque la vapeur d’eau est de loin le plus puissant gaz à effet de serre (60%) , pourtant on mesure exactement l’inverse !

    Le climat c’est d’abord l’effet parasol des gaz et de l’eau (nuages) qui bloque 50% de l’énergie qui vient du soleil, ensuite la chaleur latente de l’eau qui évacue 60% de l’énergie qui arrive jusqu’au sol et vient en tout dernier l’effet de serre qui empêche le refroidissement nocturne. Les canicules ne se produisent que sur les zones sèches par manque d’effet parasol et manque d’évaporation, l’absence d’eau a un effet pervers : plus il fait chaud plus il fait sec et plus les sols reçoivent d’énergie ! Et inversement, en présence d’eau (ou de végétation) plus il fait chaud plus il y a d’évaporation donc de vapeur d’eau qui diminue la puissance du rayonnement solaire :

    Les inondations et les sécheresses ne sont pas les conséquences du dérèglement climatique mais bien les causes, c’est en retenant l’eau en amont des bassins versants qu’il n’y aura plus d’inondation et donc mathématiquement plus de sécheresse et plus de canicule !

  2. Merci pour l’article. Il est fort dommage (mais assez prévisible) que The Lancet soit devenu si alarmiste sur ce sujet. J’ai toutefois quelques précisions à apporter à cet article :
    – Vous dites « nous avons déjà subi une augmentation de ± 1,0°C depuis le début de l’ère industrielle ». C’est vrai, mais rappelons que ceci est la température de surface terrestre ET océanique. Comme l’homme n’habite pas sur l’océan, il est préférable de considérer uniquement la température de surface terrestre : celle-ci est de +2°C depuis le début de l’ère industrielle. Les conséquences terrestres (qui impactent donc directement les humains) sont donc en réalité doublement plus fortes, sans toutefois être catastrophiques, je vous l’accorde.
    – La figure 1 de votre article est tirée du « Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C ». Or, vous dites que « dans le PIRE des cas on aurait +1,0°C par rapport à aujourd’hui en 2100 ». Mais ce dernier rapport spécial n’a qu’une portée d’étude très limitée puisqu’il concerne volontairement et uniquement le réchauffement planétaire à 1,5°C ! Le GIEC considère dans d’AUTRES rapports que dans le réel PIRE des cas le réchauffement peut augmenter jusqu’à +- 4°C par rapport à aujourd’hui en 2100 (voir figure 4 et 8 de :https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_SPM.pdf). Évidemment ce seuil de +4°C est invraisemblable, mais je ne comprends pas pourquoi vous dites que dans « le pire des cas », selon le GIEC, c’est +1°C…

    1. Merci pour vos remarques. Vous avez entièrement raison pour la première remarque, la température moyenne au dessus des terres émergées a augmenté de plus de 1,0°C. Par exemple, pour la station de Uccle en Belgique nous avions une température moyenne annuelle de ± 9,0°C entre 1880 et 1900, alors qu’aujourd’hui nous avons dépassé les 11°C (selon les données GHCN). Et beaucoup de belges aimeraient probablement avoir une température moyenne encore un peu plus élevée…

      Pour votre 2e remarque, le SR15 dit clairement au point A1 : « Global warming is likely to reach 1.5°C between 2030 and 2052 if it continues to increase at the current rate (high confidence) ». Comme nous ne pensons pas que les émissions anthropiques de CO2 diminuent prochainement, nous avons donc écrit qu’en 2040 le GIEC prévoit 0,5°C en plus par rapport à aujourd’hui. Ensuite, vous avez raison, nous aurions dû peut-être écrire : « Dans le pire des cas nous aurons +2,0°C par rapport à aujourd’hui en 2100. » Pour être clair, voici ce que l’AR6 prédit au point B.1.1 du SPM : « Compared to 1850–1900, global surface temperature averaged over 2081–2100 is very likely to be higher by 1.0°C to 1.8°C under the very low GHG emissions scenario considered (SSP1-1.9), by 2.1°C to 3.5°C in the intermediate scenario (SSP2-4.5) and by 3.3°C to 5.7°C under the very high GHG emissions scenario (SSP5-8.5). »

      Bref, que cela soit +1°C, +2 ou +3°C en 2100, n’oublions pas qu’il s’agit de projections « selon les modèles GIEC » qui considèrent le CO2 comme le moteur principal du réchauffement (ce avec quoi nous ne sommes pas d’accord). Et il ne faut pas oublier non plus que l’on parle de « température moyenne globale », une notion qui a peu de sens comme nous l’avions écrit ici :
      https://www.science-climat-energie.be/climat-mais-de-quelle-temperature-parle-t-on/

      Finalement, concernant l’éditorial alarmiste, consultez également les remarques publiées ici :
      https://wattsupwiththat.com/2021/09/12/medical-journals-committing-malpractice-with-climate-change-public-health-crisis-misdiagnosis/

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