Voitures électriques en Belgique: où sont les bornes permettant une recharge rapide?

Jean-Pierre Schaeken Willemaers, Institut Thomas More ,
Président du pôle Énergie, Climat, Environnement
publié à Trends-tendances, le 16.11.2021

Le gouvernement belge a décidé que, dès le 1er janvier 2026, les voitures de société devraient être plus vertes. Dans ce contexte, la loi Van Peteghem prévoit que ces dernières pourront être déductibles fiscalement à partir de cette date que si elles sont neutres en carbone.

Les voitures électriques (VE) répondant aux critères fixés par la loi, les entreprises et les sociétés de location de voitures sont incitées à remplacer leur parc automobile thermique par un parc électrique pour continuer à bénéficier des avantages fiscaux précités. La vente des VE devrait connaître un avenir d’autant plus prometteur que le marché automobile des particuliers a tendance à suivre le marché des flottes automobiles avec quelques années d’écart, les voitures de société étant la source d’approvisionnement principal du marché de l’occasion en Belgique.

Toutefois, pour que de telles projections puissent devenir réalité en Belgique, il faudrait qu’il y ait suffisamment de bornes permettant une recharge rapide, bien répartie sur le territoire et que leur approvisionnement en électricité soit assuré, condition essentielle vu le caractère énergivore d’une telle mutation.

En Belgique, comme en Europe d’ailleurs, le déploiement de l’infrastructure de recharge publique n’est pas à la mesure des ambitions d’électrification du parc automobile, tant s’en faut.

Sans la mise en place rapide d’une telle infrastructure, les automobilistes ne sont pas incités à adopter la voiture électrique ce qui met le projet en péril.

Aucun calendrier précis n’est disponible ni en Flandre (30 000 bornes supplémentaires, à quelle échéance ?), ni à Bruxelles (7500 bornes, quand ?), ni en Wallonie où aucune politique structurelle ne semble avoir été mise en place [1].

Le facteur le plus important pour une recharge rapide de batteries est la capacité des bornes.

Force est de constater que sur les 8482 points de recharge publique que comptait la Belgique, début 2021, seulement 476 étaient pourvus de bornes d’une puissance de 50 kW offrant 80% de charge en une trentaine de minutes (cette limitation de la charge résultant de la durée proportionnellement nettement plus longue pour les 20% restants)[2]. Cette durée reste encore supérieure (file d’attente!) aux quelques minutes requises pour faire le plein d’une voiture thermique.

Outre les bornes rapides publiques que l’on trouve le plus souvent dans les stations-service ou sur les aires d’autoroutes, de telles bornes pour VE se trouvent également dans certains parkings ou à proximité de centres commerciaux. Elles affichent des puissances relativement modestes jusqu’à présent, avec un temps de charge qui varie en fonction de la puissance supportée par le véhicule.

Dans un premier temps, ce sont les voitures de société et des agences de location qui devraient contribuer principalement à la croissance du parc de voitures électriques.

La masse des particuliers n’est susceptible de s’engager dans l’électrification complète de leurs déplacements automobiles que progressivement en fonction des conditions du marché (coût et technologie), la plupart d’entre eux disposant de leur propre installation de recharge, du moins au début du processus.

Il y a deux façons de recharger son véhicule à domicile.

La plus simple recharge consiste à brancher le VE directement sur une prise de courant domestique à courant alternatif (par exemple : 2,3 kW/ 8à10 A). Cette méthode peu coûteuse est lente (de nombreuses heures), voire très lente selon les cas, vu la puissance d’alimentation limitée.

Une option plus rapide est d’installer une Wallbox (boîtier fixé au mur relié au tableau électrique via un circuit dédié), plus performante (temps de recharge de 3 à 4 heures) qu’une prise standard, mais également plus chère. La puissance et le choix du modèle de Wallbox dépendent des caractéristiques de la VE, notamment sa capacité à tolérer la charge rapide.

Pour pallier l’effet dissuasif des manquements et lacunes précités, l’exploitation des réseaux de bornes de charge peut être grandement améliorée par une approche fondée sur le big data [3]. Utilisant les données historiques de charges et de comportements des usagers, les algorithmes ML (machine learning) peuvent être utilisés, après apprentissage à partir de ces données, afin d’élaborer des programmations efficaces de planification de la recharge et pour le guidage du véhicule vers la borne la plus proche.

Il y a, cependant, des défis majeurs à surmonter, entre autres, le caractère aléatoire et incertain du comportement des utilisateurs, l’évolution des VE, de la demande électrique future et de la pénétration de l’énergie renouvelable. C’est la raison pour laquelle, il faut développer des algorithmes permettant de prendre en compte ces incertitudes lors de prises de décision en temps réel. En outre, la recharge à grande échelle des VE requiert des mécanismes de contrôle plus complexes afin de réduire les retards opérationnels et le coût des investissements en équipements.

Encore faut-il s’assurer, dans l’optique des opposants aux véhicules thermiques, que la conversion accélérée des voitures thermiques à la motorisation électrique réduise effectivement l’empreinte carbone. Une étude approfondie de l’université impériale de Kyushu a montré que pour diminuer cette dernière, il est préférable de maintenir en circulation le plus longtemps possible les voitures thermiques que de précipiter leur remplacement par des voitures électriques. En effet, l’empreinte carbone ne se résume pas aux émissions sur la route, mais aussi aux déchets après usage et à la fabrication des voitures. Les chercheurs de Kyushu estiment qu’au Japon la part de cette dernière s’élève même à 24%[4].

L’étude conclut que si les voitures, immatriculées au Japon entre 1990 et 2016, avaient roulé 10% de plus avant d’être envoyées à la casse, les émissions globales de CO2 auraient diminué de 30,7 millions de tonnes, l’empreinte de fabrication des nouveaux véhicules électriques dépassant largement celui lié aux véhicules dont la durée de vie aurait été prolongée [5].

NOTES

[1] « Voiture électrique : les bornes de recharge publiques en Belgique », Vincent Hayez, Touring blog, 15 mars 2021.

[2] ibidem

[3] Le big data est un concept permettant de structurer un nombre considérable d’informations sur une base numérique. Il désigne l’ensemble des données numériques produites par l’utilisation des nouvelles technologies à des fins professionnelles ou personnelles.

[4] Nathalie Mayeur, Futura Planète, 31 octobre 2021.

[5] Ibidem.

Une réflexion sur « Voitures électriques en Belgique: où sont les bornes permettant une recharge rapide? »

  1. Très bon article.

    3 remarques

    – les britanniques semblent se diriger vers l’obligation d’avoir une borne de recharge dans les nouvelles habitations (avant de l’étendre à toutes?)
    https://gocar.be/fr/actu-auto/electrique/la-borne-de-recharge-a-domicile-bientot-obligatoire
    – Le VE n’aura pas de marché de l’occasion, car qui va acheter une voiture dont le coût de remplacement de la batterie est exorbitant ? Cela ressemble à un système pyramidal, où les premiers du jeu pourront remplacer leur tesla rapidement jusqu’au moment où les acheteurs de seconde main se rendront compte qu’ils ont été bernés. La seule alternative sera le leasing privé, mais qui sera inévitablement onéreux puisque le véhicule n’aura pas de 2ème ni 3ème vie.
    – l’imposition du VE va annihiler le marché de l’occasion thermique, même à l’exportation hors UE. Les derniers à passer au VE verront leur valeur de revente de leur véhicule thermique réduite à rien.

    Bref, tout cela est tout bon pour les verts. Face ils gagnent (verdissement apparent), pile on perd (effondrement du marché automobile, qu’ils détestent comme incarnation de la société industrielle ET de l’individualisme) et d’une partie de la société industrielle… bien joué…

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