Nouvelle éruption dans le Sud de l’Islande

par Brigitte Van Vliet-Lanoë, directeur de Recherche CNRS émérite

Pendant huit siècles, les volcans de la péninsule de Reykjaness étaient restés peu actifs, presque oubliés.  Cette péninsule dans la prolongation directe de la ride médio-atlantique est active au début de la déglaciation et par périodes, durant l’Holocène, la dernière fois en 1210-1240 AD. 

La première réactivation éruptive de la péninsule de Reykjanes a démarré de mars 2021 à 2023 , à l’emplacement d’un ancien volcan sous-glaciaire, le Fagradalsfjall . Elle a marqué, pour la péninsule, le début d’une nouvelle phase d’activité éruptive après un long sommeil.  Les éruptions de la faille Sundhnúkagígar ont pris le relais depuis juin 2023, lors que le site précédent, situé plus à l’Est s’est éteint (Fig.1). Huit éruptions ont déjà eu lieu en 2023-24 : un rythme inédit depuis la présence de l’Homme en Islande, cumulant 114 jours d’activité et produisant environ 216 Millions de m3 de laves. Ce qui rend cette série d’éruptions si particulière, c’est son intensité et sa régularité.  La plupart des 4 000 habitants de Grindavík avaient déjà été évacués dès novembre 2023, avant les éruptions de décembre 2023 et de début 2024.

Figure 1 :  localisation des nouvelles zones éruptives de la péninsule de Reykjanes sur une vue aérienne de 2024 (map.is). Le pointillé jaune marque la zone de propagation actuelle de la fissure éruptive.

L’éruption actuelle du 1er avril 2025 a démarré vers 9h45, après une forte crise séismique faisant rejouer sur 700 m de long   la même ligne de faille de Sundhnúkur et après les fortes marées d’équinoxes ( coef. 115 le 31/03/25). L’éruption s’est produite, puis s’est propagée vers le Sud jusqu’au rempart construit pour protéger la ville de Grindavik, là où 3 maisons avaient déjà brûlés en 2023. La longueur actuelle de la fissure éruptive est d’environ 11 km.

  Figure 2: Vue de la fissure éruptive en cours d’extension vers Grindavik au Sud.

Figure 3 : Etendue de la lave à 12h34 le 1/04/25. La carte est basée sur l’imagerie satellite ICEYE.Noter le rôle des talus barrages

Cette éruption a été également précédée et associée à une forte séismicité à la fois régionale (péninsule de Reykjanes ) et sous-marine, le long de la ride sous-marine de Reykjanes   toujours très actives. L’activité sismique avait augmenté lentement au cours des dernières semaines. Des événements répétés le long de la rangée de cratères du Sundhnúkur, là où des intrusions de magma et des fissures éruptives se sont déjà formées, ont affaibli la résistance mécanique de la croûte basaltique au fil du temps. En conséquence, la fréquence et l’intensité des séismes baissent les jours qui précèdent les phases éruptives. Le délai d’alerte avant le déclenchement d’une éruption est donc souvent très court ; lors des 3 dernières éruptions, 30 à 40 minutes seulement se sont écoulées entre les premiers signes de la reprise puissante de la sismicité et le début effectif de l’éruption. Les indicateurs de mouvement du magma vers la surface sont ici les suivants : essaims de tremblements de terre intenses le long de la rangée de cratères de Sundhnúkur, changements de pression dans les trous de forage de HS Orka  (captage de vapeur d’eau chaude) à Svartsengi, déformation observée dans les câbles à fibre optique et changements de surface saisis par des mesures GPS en temps réel.

Figure 4 : Relevé de de la séismicité régionale en début d’éruption (1/04/25 ; Vedur.Is)

L’ampleur potentielle de l’éruption dépend de la quantité de magma libérée de la chambre magmatique au début de l’éruption.  Les volumes émis sont de plus en plus importants depuis décembre 2023 et depuis le début de la séquence d’éruptive. Ceci signifie que cette éruption pourrait être plus importante que les précédentes en termes de volume, car le magma s’est accumulé dans un réservoir souterrain depuis la dernière éruption, produisant un important soulèvement du sol révélant le volume disponible de laves accumulé en profondeur.  Une petite partie de la fissure s’est propagée le 1/04 au matin à l’intérieur, au sud de la barrière de protection et, la lave s’est écoulée vers la ville.  Les autorités seraient déjà en train de préparer des pompes à eau pour en contrôler l’écoulement. 

Figure 5 : l’étude photogrammétrique du 13/12/24 (Vedur et Landmælingar Íslands )  a permis de d’évaluer une émission de 49,3 millions de m3 de laves  sur une superficie de 9,0 km2avec une épaisseur moyenne de de 5,5 m. La zone jaune représente le champ de lave le plus récent et la zone violette les champs de lave formés lors des éruptions antérieures récentes. Depuis, 7 éruptions au total ont produit environ 216 millions m3 de laves.

Figure 6 : Comparaison entre la durée (bleu) et le volume émis (orange) des éruptions depuis le 12/2023, basée sur des données collectives provenant  surtout de la protection civile islandaise, de Náttúrufræðistofnun et de l’Office Metéorologique islandais Vedur).

Figure 7 :  Les mesures de déplacement de la station GPS dans la région de Svartsengi  depuis le 11 /11/23 montrent des mouvements dans les directions N, E et verticale (panneaux du haut, du milieu et du bas, respectivement). Le panneau inférieur montre le soulèvement vertical en millimètres, la mesure la plus récente (24 /03/25) étant indiquée par un point final vert (à droite). Les lignes verticales rouges indiquent les dates de début des sept dernières éruptions (18/12/2023, 14/01/24, 8/02/24, 16/04/24, 29/05/24, 22/09/24 et 20/0/11/24). Les lignes bleues indiquent les dates des intrusions de magma qui n’ont pas donné lieu à des éruptions (10/11/23, 2/03/24).

Les émissions superficielles de lave se sont calmées le 2/04. L’injection d’un dyke vers le NE se poursuit probablement en profondeur étant donné qu’un affaissement de 90 % du magma accumulé dans la chambre magmatique sous Svartsengi depuis la fin de l’éruption précédente (décembre 2024) a déjà été injecté vers le NE . Le phénomène s’est déjà produit à 2 reprises (nov. 2023 et mars 2024). Il est possible que ce phénomène reprendra probablement plus au N NE, au sud de Vatnsleysuvik et de la route nationale . Cette  zone inhabitée a été le siège d’une importante sismicité en début d’éruption 2025 (Fig.4; ouverture de la faille en profondeur).

Pour conclure, cette reprise de l’éruption était attendue depuis au moins un mois et s’est déclenchée dans un contexte d’activité de la ride océanique atlantique, et en période de grandes marées lunaires, comme dans le cas des éruptions précédentes. L’accroissement progressif des volumes de lave émis à Sundnujkur pourrait être un indice que ces épisodes éruptifs comme d’autres épanchements effusifs holocènes en Islande, devrait culminer bientôt avec un très gros épanchement au cours de l’année actuelle, ou éventuellement reprendre sur une autre ligne de faille de la péninsule, comme l’a suggéré une très forte sismicité observée en mars dernier à la pointe sud de Reykjanes, comme cela s’est déjà produit entre la zone de  Sundhnúkur  et celle de Fagradalsfjall en 2023.

Dernières nouvelles: ‘Island news’ 7/07/25

Tandis que la séismicité a baissé sur le SW et le long de la ride océanique depuis l’injection du dyke depuis le 2/04, toujours en cours , le gonflement du réservoir magmatique a repris , comme le montre cette faille béante affectant  les coulées du 1/04/25. Certains volcanologues attendent la formation d’une nouvelle zone éruptive propagée par le nouveau dyke, en raison de la séismicité au NE de la zone éruptive du  Fagradalsfjall .

11 réflexions sur « Nouvelle éruption dans le Sud de l’Islande »

  1. Merci, Madame, de ce rappel des « instabilités naturelles » de notre globe !

    Instabilités aux effets notables, liés à la tectonique des plaques et au volcanisme associé.

    Ayant relu naguère des écrits de Haroun Tazief [1] ceci m’interpelle sur le double aspect des énormes pollutions et autres effets collatéraux engendrés (dont ceux météo et climatiques). Aspects régulièrement minimisés ou relatés anecdotiquement par nos médias et ces scientifiques adeptes des ‘thèses réchauffistes anthropiques’ !

    Or, ces plusieurs dizaines de « plaques en mouvements de tous les temps » contribuent à des troubles majeurs et d’horribles drames humains…
    Dernier en date : le séisme du Myanmar (Birmanie), fort médiatisé.
    Naguère aussi, cette éruption du Hunga Tonga en 2022 sur une île volcanique dans l’archipel des Tonga [2] ! Un Nième cas, où les premières observations montrent que la colonne d’éruption a éjecté une grande quantité de matériel volcanique dans la stratosphère. Et où un scientifique de l’université d’Auckland la décrit comme un événement unique depuis 1.000 ans.
    Pollution atmosphérique ? Ce sont plus de 400.000 tonnes de (SO2) qui ont été relâchés dans l’air !

    Ceci sans tenir compte des innombrables volcans marins et terrestres. [3]

    Quelles comparaisons chiffrées sérieuses faudrait-il donc établir avec les émanations (d’origines socio-économiques) en CO2 – SO2 – NO2 – et autres échanges thermiques ? Sont-ce des chiffres tellement insignifiants aux yeux et au mental de nos ‘réchauffistes’ ?

    Ceci afin de ramener un peu de rationalité dans le mental de nos gouvernants idéologisés et/ou apeurés, dont l’UE en tête du cortège ?
    ………………………………………………………………….

    [1] pour nos « tous jeunes » et tout esprit curieux :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Haroun_Tazieff

    [2] L’éruption du Hunga Tonga en 2022
    https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ruption_du_Hunga_Tonga_en_2022

    [3] La Smithsonian Institution recense 1.432 volcans actifs dans le monde, dont une soixantaine en éruption chaque année. Mais cela ne tient pas compte de la plupart des volcans sous-marins qui ne sont pas accessibles à l’observation, qui sont plus nombreux. Un grand nombre a été mis en évidence ailleurs dans le système solaire.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Volcan

      1. C’est même bien plus !, voir par exemple l’IRD (2023)

        https://www.ird.fr/plongee-au-coeur-des-volcans-sous-marins#:~:text=Des%20études%20estiment%20à%20un,terrestres%20considérés%20comme%20potentiellement%20actifs.

        Des études estiment à un million et demi le nombre de volcans sous-marins, contre 1500 volcans terrestres considérés comme potentiellement actifs. Les observations nous montrent en outre que l’activité des volcans sous-marins est plus intense que celle enregistrée à terre : les éruptions sont plus fréquentes et la lave rejetée représente ¾ du volume émis par l’ensemble des volcans !

        Voir aussi ici

        https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-billet-sciences-du-week-end/19-000-volcans-sous-marins-viennent-d-etre-decouverts_5785406.html

        et
        https://www.rmg.co.uk/stories/topics/submarine-volcanoes

        Also known as seamounts (underwater mountains), submarine volcanoes can be just as violent and in some cases larger than those on land. Some oceanographers estimate that there may be as many as one million volcanoes on the Pacific Ocean floor alone – roughly 750 times the number on dry land.

  2. 1. frederic Sommer dit :
    Un peu d’humour !!!!!!!!!!!!!!!!!
    Bernnard dit :
    10/04/2025 à 9:36
    https://www.skyfall.fr/2024/01/01/le-bistrot-2025/
    Un peu de lucidité ?
    Le vrai problème est la croyance que seul l’homme agit sur le climat et que c’est à cause de l’homme que le ciel va nous tomber sur la tête.
    Alors évidemment l’homme émet du gaz carbonique quoi qu’il fasse et c’est ce gaz qui est diabolisé.
    Alors on le taxe en oubliant que taxer ce gaz on taxe l’air qu’on respire donc on taxe la respiration et on admet qu’on doit mourir pour sauver la planète.
    C’est une croyance diabolique qui tue l’humanité.
    https://tinyurl.com/4bw7r33v
    Il faut donc éliminer la majorité des humains pour le plus grand bonheur de ceux qui resteront!
    ———————————
    fritz dit
    faut commencer par les vers de terre
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    est ce qu’un ver de terre respire?
    ——————————-
    copié je ne sais plus où
    Il respire par la peau ! Sur une grande partie de son corps, elle est extrêmement fine. On appelle cela une respiration cutanée. Cependant il faut que la peau reste humide pour que l’oxygène de l’air se mélange et puisse passer (on dit diffuser) à travers sa peau.
    ——————————
    Une étude de l’Observatoire Participatif des Vers de Terre (Université de Rennes 1) pour l’Observatoire national de la biodiversité trouve des chiffres d’individus par mètre carré allant de 149 dans les forêts à 421 dans les prairies en passant par 163 dans les vignes et 280 dans les jardins
    Est-il vrai que les vers de terre représentent 80% de la biomasse terrestre ?
    Non. Les vers de terre peuvent représenter 80 % de la biomasse animale terrestre, «en zone tempérée» seulement.
    ————————
    Que représente la biomasse humaine par rapport à celle des vers de terre ?

  3. Bonjour.
    Pourriez-vous m’expliquer comment les marées lunaires affectent cet événement ?
    Que pensez-vous de l’article de Courtillot-Le Mouël sur la corrélation des activités solaire et volcanique ?
    Cdt

    1. La discussion marée est en partie dans https://www.science-climat-energie.be/2024/02/08/lislande-l-ile-de-tous-les-dangers/ (Sur ce champ fissural,le facteur principal est l’infiltration latérale d’eau de mer dans le substrat perméable, générant un bouchon de vapeur sur le réservoir géothermique de Svartsengi (Figure 8B) proche de la surface (1200m) (Receveur et al., 2019), permettant un gonflement topographique suivi par interférométrie. Cette zone volcanique semble se préparer à une autre éruption alors que plus de magma s’accumule sous la surface (120 m d’altitude pour Svartsengi) et que le substratum dans ce secteur continue de s’élever. L’analyse des dates d’éruption de ce complexe volcanique montre leur relation marquée avec les coefficients de marée, ce qui laisse craindre une reprise de l’éruption le 12/02, et aux mois de mars et en avril).

      La marée terrestre est contrôlée mécaniquement par la gravité du système solaire dans son ensemble et plus particulièrement celles des planètes comme Jupiter et influence les contraintes dans les réservoirs magmatiques. Elle a été confirmé par l’activité récente de ce volcan fissural le 1er avril 2025 après un coefficient de 115 le 31/03/25 avec injection d’un dyke
      De plus, l’activité solaire gère directement et indirectement le climat et donc la répartition des masses d’eau et de glace à sa surface donc influe indirectement sur la gravité.

      Pour le magnétisme : rôle du noyau terrestre et vent magnétique solaire se reporter ci-dessous :
      https://www-usgs-gov.translate.goog/observatories/hvo/news/volcano-watch-magnetics-magma-and-monitoring-new-technology-old-questions?_x_tr_sl=en&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr&_x_tr_pto=rq

      Pour l’ un des articles Courtillot & Le Moël, duquel s’agit-il ?

      1. Merci Madame pour votre réponse détaillée.

        Je pensais à l’article de 2023 « on the external forcing on the global eruptive activity » et j’ai remarqué hier que M. Courtillot avait contribué à un article tout récent sur « on planetary forcing of global seismicity ».

        Donc si je comprends bien, (mes cours sont loins), l’attraction soleil-lune-jupiter produit un surplus local d’eau, donc de pression, ce qui augmente le débit d’infiltration dans une chambre magmatique, d’où l’augmentation de vapeur et de l’activité volcanique ? De l’autre côté, plus d’activité solaire implique plus de vent solaire qui pénètre la croûte si la protection magnétique terrestre faiblit ?

        Comment prendre l’argument des moqueurs qui disent que l’effet de marée de Jupiter est trop faible par rapport à Soleil et Lune ? Y a-t-il des contre propositions ? (Variation de la rotation terrestre ? Non linéarité d’une Terre comme système hybride ?)

        1. Bonjour,
          Je voudrais répondre à votre commentaire relatif aux effets de marée.
          Sur Terre, les forces de marée sont notables (10^-6 m/s² à comparer à la pesanteur de 9,8 m/s²) et causées par la Lune (70%) et le Soleil (30%), l’effet de Jupiter étant négligeable. La raison est simple: Jupiter a une masse 1000 fois plus faible que le Soleil et sa distance à la Terre est 3 à 5 fois supérieure à la distance Terre-Soleil. Quant à la Lune, elle a une influence directe sur la Terre à travers le volcanisme et indirecte à travers la génération du champ géomagnétique. Voir Google « volcans système solaire ».
          Sur le Soleil par contre, les forces de marée sont beaucoup plus faibles (de l’ordre de 10^-10 m/s²), dues par ordre décroissant à Jupiter, Vénus, la Terre, Mercure et Saturne: ces forces influencent la circulation de l’atmosphère solaire et déterminent l’activité solaire d’une manière encore mal expliquée.

          1. Bonjour et merci beaucoup JVV

            Je me rends compte que j’ai mélangé le cas soleil et le cas Terre. Vos précisions corrigent mes questions en même temps qu’elles y répondent.

            Je rajoute sur ma pile de lecture l’interaction indirecte Lune champ BT. J’imagine qu’elle modifie légèrement la circulation des métaux liquides dans le noyau.

            Cela fait beaucoup de sujets d’études passionnants ! Je trouve difficile parfois de trouver des fichiers csv de mesure astroclimatique, mais dès que j’en obtiens un, je m’amuse à tracer une FFT pour voir apparaître ces belles fréquences revenantes.

            Si vous êtes dans le milieu, il y a un papier sympa de Ian Edmonds, inspiré des recherches de Michael Briwn

          2. (Et zut j’ai cliqué sur le bouton)

            …d’un papier de Michael Brown étudiant la position de l’hypothétique planète 9. Elle rapprocherait dans le bon sens selon Edmonds les harmoniques planétaires et les harmoniques solaires.

            Je n’ai pas encore simulé cela toutefois.

            Bonne continuation !

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