Le verdissement des océans

Par Prof. Dr. Paul Berth, mars 2018.

Comment vont réagir les communautés phytoplanctoniques des océans lorsque plus de CO2 se dissout dans l’eau? Une expérience réalisée en mésocosmes nous apporte la réponse (Riebesell et al. 2007) [1]. Dans cette expérience, 9 cuves flottantes (dits « mésocosmes ») contenant 27 m3 d’eau de mer naturelle ont été placées dans un fjord du sud de la Norvège. Trois cuves ont été traitées par bullage (pendant 3 jours) avec un air enrichi en CO2 de manière à obtenir de l’eau à 350 micro-atmosphère de CO2 (1 x CO2); trois cuves ont été traitées de la même façon de manière à obtenir 700 micro-atmosphère (2 x CO2) et trois autres pour obtenir 1050 micro-atmosphère (3 x CO2). Au plus la pCO2 était élevée, au plus le pH de l’eau de mer était bas. Les mésocosmes ont ensuite été recouverts de membranes imperméables aux gaz et la pCO2 de l’atmosphère au-dessus de l’eau des mésocosmes a été placée à la même valeur que celle de l’eau. La membrane recouvrant les mésocosmes était transparente et la lumière solaire pouvait donc atteindre l’eau des mésocosmes. Pour favoriser le développement du phytoplancton dans les mésocosmes, du nitrate et du phosphate ont été ajoutés à l’eau de mer. Le développement et le déclin du phytoplancton a ensuite été suivi pendant 24 jours.

Les résultats de l’expérience sont spectaculaires. On constate que la pCO2 des mésocosmes diminue en fonction du temps et que le phytoplancton prolifère avec un maximum observé après 12 jours, juste après un pic de chlorophylle a. La diminution de la pCO2 est d’autant plus rapide que la pCO2 initiale est élevée. La diminution de la pCO2 est bien entendu accompagnée d’une hausse du pH de l’eau de mer. Contrairement à de l’eau dans laquelle il n’y aurait pas d’organismes phytoplanctoniques nous voyons que l’acidité diminue au cours du temps. Il faudrait bien entendu répéter cette expérience en d’autres endroits du monde, mais nous pouvons penser que le résultat sera le même. Comme pour le verdissement observé par satellite, lorsqu’il y a plus de CO2 dans l’eau de mer les micro-organismes autotrophes du picoplancton (bactéries phototrophes) réagissent à cette situation et prolifèrent. Ceci consomme le CO2 venant de se dissoudre dans l’eau. A leur mort, les cellules sédimentent en provoquant un transfert de carbone vers les zones profondes des océans. Une partie de ce carbone sera par la suite enfoui dans les sédiments.

Références

[1] Riebesell U, et al. (2007) Enhanced biological carbon consumption in a high CO2 ocean. Nature 450:545–548. 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *