La beauté est dans l’œil de celui qui regarde

par J.C. Maurin, Professeur agrégé de physique

« Assurons-nous bien du fait avant que de nous inquiéter de la cause » (Bernard de Fontenelle, Histoire des oracles 1687)

Une science mal assurée, un milliardaire américain comme héraut de la cause, des médias unanimes, des observations biaisées, éparses, qui ne démontrent pas grand-chose : il faut raconter aux lecteurs de SCE cet épisode instructif de l’histoire des sciences.    

Il est bien connu que les instruments des astronomes sont limités en résolution angulaire par le diamètre D : on ne peut distinguer 2 points dans un angle inférieur à 1,22 λ/D  (diffraction, loi d’Airy).

Vers 1880, cette limitation dans la résolution des lunettes et télescopes n’empêcha nullement certains observateurs (motivés) de distinguer, à la surface de la planète Mars, des « canaux », de les décrire, de les dessiner, d’en dresser même des cartes

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Des modélisateurs (optimistes) réussirent rapidement (sur Terre) à donner l’explication évidente (very likely) des canaux martiens : des climatologues (sur Mars) avaient prévu le climat (la sécheresse dans un siècle) et préconisé le creusement de canaux salvateurs.

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Le sage gouvernement planétaire martien avait écouté les experts (sélectionnés par le gouvernement), prélevé les impôts (indispensables) et organisé les travaux (il y avait urgence) qui devraient sauver la planète (ici Mars).

Des astronomes (sur Terre) dénoncèrent l’absence de preuves, des physiciens rappelèrent la résolution insuffisante (tache d’Airy).
 « Mais les moyens d’observations ne permettent pas de voir des angles aussi faibles » argumentèrent-ils.
Peine perdue ! Ces physiciens ignorants (incapables de prouver l’inexistence des Martiens) n’ont pas à avoir voix au chapitre.

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Les journaux s’emparèrent de l’affaire  (il faut dire qu’elle gonflait leurs ventes) et vinrent en renfort d’un milliardaire américain qui s’improvisa « astronome, spécialiste des canaux de Mars ». 

Les journaux, concurrents, mais unis dans la défense de la jeune science, rivalisaient dans la description des canaux ainsi que dans des illustrations à la précision étonnante.

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Percival Lowell, l’homme d’affaires américain, réussit ainsi à soutirer de l’argent à de nombreux donateurs afin d’établir un observatoire dédié à cette nouvelle « science ». 
Un aréopage de spécialistes de la jeune science (Groupe International d’Etude des Canaux) publia régulièrement les progrès dans l’avancée des connaissances.
La « science » perdurera environ 80 ans : elle débute vers 1880 (travaux de Schiaparelli), et, malgré l’absence totale de la moindre preuve, elle ne s’éteindra que vers 1960 (les engins spatiaux Mariner ne trouvent, hélas, ni canaux, ni Martiens, pas même de gouvernement collecteur d’impôts).

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La presse, comme toujours, fit preuve de délicatesse : elle épargna à ses lecteurs un tardif mea-culpa.  
Les journaux, pour maintenir les ventes, durent chercher un mythe de rechange, un nouveau mirage à promouvoir avec le même enthousiasme que celui manifesté pour les défunts canaux martiens.

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Cet épisode historique montre qu’il fut donc jadis possible que le désir des observateurs ait pu influencer (à ce point et si longtemps) leur vision et même leur jugement.
L’illusion (ici seulement d’optique) a bel et bien réussi à perdurer pendant 80 ans : la beauté est surtout dans l’œil de celui qui regarde.

Ce texte est inspiré par cet ouvrage de B. Rittaud. Un lecteur SCE, désireux de séparer mythe et science,le lira avec profit.

3 réflexions sur « La beauté est dans l’œil de celui qui regarde »

  1. Cher monsieur Maurin,

    Votre article constitue un fantastique clin d’oeil pour ceux qui peuvent le percevoir.
    S’il est un sujet où l’humour est perçu comme un blasphème, c’est bien celui du climat.
    Les canaux martiens nous font à postériori bien rigoler. De la même façon, je voudrais rire du soi-disant effet de serre causé par le CO2 et des ours polaires amaigris.

    A ceux qui ne comprennent pas le clin d’oeil – ils sont plus de 97% – nous raconterons le plus sérieusement du monde que le GIEC fondé en 1988 n’est qu’une moderne réincarnation au sens bouddhiste du GIEC fondé en 1888 en tant que Groupement International d’Etude des Canaux. Sainte Greta confirmera. Le Plan Vert d’Ursula ne peut bien sûr venir que des petits hommes de la même couleur.

    Au milieu d’une pandémie qui nous condamne à l’incarcération, je ne puis assez vous remercier pour ce morceau d’humour et de dérision climatique .
    Jean

    1. Le CO2 a été il y a très longtemps des milliers de fois plus important qu’aujourd’hui (12%) et la planète n’était pas plus chaude.
      ça chauffe, OK, et alors? plus de terres cultivables en Sibérie, en Alaska, au Groenland…
      Plus de CO2, OK, c’est très bien, c’est l’aliment des plantes qui elles même sont celui des animaux, qui sont celui des humains de plus en plus nombreux (+200.000 par jour, + 66.000.000 depuis le 1° janvier), il faudra bien les nourrir.

  2. le grand sociologue de la connaissance, Raymond Boudon, rappelle la sage et « humbling » réflexion de Pareto: »L’histoire de la science est un cimetière d’idées fausses auxquelles l’humanité a cru sur la foi des hommes de science »…

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