Disparition des espèces

Par Prof. Dr. Paul Berth

Citer comme P. Berth, « Les contre-vérités biologiques », Arguments — Revue européenne de science, vol. 3, n°1, hiver 2018, http://revue-arguments.com/articles/index.php?id=91.

Nous entendons souvent que les espèces animales et végétales disparaissent à une vitesse sans précédent. Ceci semble confirmé par ce que nous voyons dans les médias, mais également par notre propre expérience personnelle. Par exemple, si vous aviez l’habitude d’aller en vacances en méditerranée et plonger pour voir les poissons, vous avez peut-être constaté qu’il y a beaucoup moins de poissons dans certaines zones par rapport au passé proche (10-15 ans). Mais attention, il s’agit des zones fréquentées par les plongeurs… N’aurions-nous pas une vision biaisée des choses? De même, face aux égouts arrivant en mer, il semble évident qu’il devrait y avoir moins de poissons à ce niveau… Mais que nous disent les études scientifiques?

Dans une étude publiée dans Science en 2014 [1], les données d’une centaine de suivis temporels réalisés dans divers écosystèmes de la planète ont été analysées. La plupart de ces suivis temporels concernent des mesures de richesse spécifique (également appelée diversité alpha) effectuées entre 1960 et aujourd’hui. Ces mesures ont été réalisées dans tous les types d’écosystèmes (marin, forestier, etc.). Ces suivis couvrent la planète entière, du Pôle Nord au Pôle Sud. Dans l’introduction de l’article, les auteurs mentionnent qu’avant de réaliser l’étude ils s’attendaient à trouver des valeurs décroissantes pour tous les écosystèmes avec des nombres d’espèces plus élevés pour les périodes passées. En effet, l’homme est bien connu pour ses effets néfastes sur les écosystèmes, non? Et puis, il y a le fameux réchauffement…

Contrairement aux attentes des chercheurs, la tendance globale dans les valeurs de diversité spécifique est une droite parfaitement horizontale entre 1960 et aujourd’hui ! Ceci signifie que globalement, le nombre d’espèces a été maintenu dans tous les écosystèmes depuis plus de 50 ans… Etonnant, n’est-ce pas? Il y a bien entendu des écosystèmes ou la diversité spécifique a chuté, et il y a évidemment les quelques 700 espèces qui ont complètement disparu depuis les derniers 500 ans (essentiellement à cause de la chasse et de la destruction des écosystèmes) [2], mais tout ceci est corrigé par les écosystèmes ou la diversité alpha augmenté. Et oui, il existe des endroits sur Terre ou la diversité augmente, et globalement la diversité spécifique est maintenue!

Les chercheurs ont même été plus loin et ont mesuré la diversité bêta. Il s’agit d’une mesure utilisée pour détecter les variations au cours du temps dans les assemblages d’espèces (en effet, deux écosystèmes peuvent paraître identiques s’ils comportent chacun 10 espèces, mais ces espèces peuvent être complètement différentes : par exemple nous aurions 10 espèces de poissons dans l’écosystème A et 10 espèces de méduses dans l’écosystème B). En analysant la diversité bêta, les auteurs démontrent que les écosystèmes tendent à garder le même nombre d’espèces total au cours du temps, mais que les types d’espèces changent légèrement. En d’autres termes, nous voyons clairement que les écosystèmes s’adaptent sans cesse. Les auteurs notent également que les services offerts par ces écosystèmes peuvent également changer. Par exemple, un récif corallien comportant 10 espèces de coraux pourra être remplacé par 10 espèces d’algues. La diversité alpha est inchangée, le service offert en termes de photosynthèse sera probablement plus grand, mais pas en termes de tourisme. Les plongeurs préfèrent en effet voir des coraux que des algues…

En conclusion, dire que les espèces disparaissent au niveau global à cause du réchauffement est faux. Ce n’est vrai qu’au niveau local, et dans ce cas de multiples causes peuvent être évoquées. En effet, de très nombreux facteurs jouent en même temps : température bien évidemment, mais aussi pollution, nutriments, lumière, prédateurs, virus, chasse, etc. Par exemple, il semblerait qu’une température plus élevée de l’eau de mer puisse causer la migration de certains poissons vers d’autres endroits [3]. Les pêcheurs locaux ne sont alors pas contents, c’est évident. Mais les poissons changent simplement leur aire de répartition. Les écosystèmes nous montrent donc qu’ils s’adaptent à chaque chaque fois. Actuellement, ils doivent s’adapter à une planète avec 7 milliards d’humains et une température globale de 0.7°C plus élevée qu’en 1880. Les écosystèmes le feront. Oui, nous vivons dans un environnement qui n’est pas stable et qui ne l’a jamais été. Il n’y a qu’au paradis des écologistes alarmistes que l’environnement est éternellement stable!

Références

[1] Dornelas M, Gotelli NJ, McGill B, Shimadzu H, Moyes F, Sievers C, Magurran AE (2014) Assemblage time series reveal biodiversity change but not systematic loss. Science 344:296–299.

[2] www.iucnredlist.org

[3] Auth TD, Daly EA, Brodeur RD, Fisher JL (2017) Phenological and distributional shifts in ichthyoplankton associated with recent warming in the northeast Pacific Ocean Global Change Biology 2017:1–14. 

 

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