Le meurtre de l’Europe par l’Allemagne 

par Drieu Godefridi
PhD, Sorbonne

Dans un rapport préparatoire dont le Financial Times s’est procuré la copie et qui sera diffusé la semaine prochaine, la Commission européenne estime que pour atteindre l’objectif de réduire de 90% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040, l’Europe devra investir 1500 milliards par an à partir de 2031 jusque 2050.

1500 milliards par an. C’est équivalent à 10% du PIB européen. Par an ! Hors l’effort de guerre, il n’existe aucun objectif d’aucune sorte qui ait jamais commandé le détournement de 10% du PIB d’un continent, par décret politique.

La nouvelle utopie allemande

Ce qui nous montre que, si l’Allemagne a dû baisser pavillon dans le dossier nucléaire, elle est bien décidée à surenchérir pour le surplus, c’est-à-dire dans l’imposition de l’utopie écologiste sur l’Europe.

Vous me direz : la Commission européenne, ce n’est pas l’Allemagne. Certes, mais toute personne qui a travaillé au sein de la Commission vous le confirmera : il existe à ce niveau deux lobbys dont l’accord est insurmontable : celui de l’Allemagne, de loin la première puissance européenne, et celui des ONG écologistes telles Greenpeace, Friends of the Earth, qui ont des bureaux permanents au sein du Berlaymont. Le fait que l’actuelle présidente de la Commission, von der Leyen, soit allemande, n’est que la cerise sur l’apfelstrudel.

Pourtant, dans ce rapport délirant de la Commission allemande, tout est faux.

Les calculs pseudo-savants de la Commission

Le rapport affirme que le coût de l’inaction serait bien plus élevé. En effet, explique le rapport, conformément à l’Accord de Paris (2015), le plan européen permettra d’économiser jusqu’à 2400 milliards de dommages liés aux événements climatiques extrêmes. Notons que ce chiffre démentiel va à l’encontre de toutes les projections du GIEC, et qu’il reste au demeurant fort inférieur à 1500 milliards par an pendant vingt ans = 30.000 milliards.

Surtout, l’Accord de Paris dont se revendique ici la Commission ambitionnait de limiter le réchauffement mondial à 1.5° à l’horizon 2100. Atteindre cet objectif supposait une réduction drastique et mondiale des émissions humaines de gaz à effet de serre. Or, depuis 2015, ces émissions mondiales n’ont cessé de croître et il n’existe aucun scénario réaliste dans lequel ces émissions mondiales vont décroître. 

Car, le climat est bien entendu une affaire mondiale et si l’Europe réduit à néant ses émissions, tandis que le reste du monde continue de les accroître, l’effet sur le climat sera nul. Par conséquent, le plan allemand ne permettra pas d’économiser un seul centime en termes de dommages liés au réchauffement et aux événements extrêmes (dont le lien au réchauffement reste par ailleurs fort contesté).

Ce n’est donc pas 1500 milliards investis (par an !) pour économiser 2400 milliards. C’est 30.000 milliards investis pour économiser 0. Il n’existe plus aucun analyste sérieux qui soutiennent encore que l’objectif de l’Accord de Paris sera atteint ; l’Accord de Paris est caduc et s’en revendiquer, comme le fait la Commission allemande, est irrationnel et mensonger.

En outre, poursuit le rapport, la réduction des importations européennes d’énergies fossiles permettrait des économies pouvant aller jusqu’à 2800 milliards d’euros entre 2031 et 2050. Ce calcul est dénué de fondement scientifique. À l’heure actuelle, il n’existe aucun horizon technique ni scientifique qui permette de dépasser le caractère intermittent des énergies renouvelables (vent, soleil). Par conséquent, le mix énergétique européen devra persister à faire droit, en plus du nucléaire, aux énergies fossiles, comme le montre fort bien le cas de l’Allemagne championne du lignite et des émissions de CO2 — dix fois plus que la France, par unité d’énergie produite, en 2024. Par ailleurs, ce calcul pseudo-savant suppose de connaître par avance les prix du pétrole ; et de persister à interdire l’exploitation des gaz de roche-mère qui se gisent dans le sol européen, etc. Bref, du vent.

Ce rapport de la Commission allemande témoigne d’une affolante fuite en avant. En effet, la situation de l’Europe est déjà dramatique. Depuis 2008, le PIB américain a doublé, ie les Américains gagnent deux fois plus qu’en 2008. Depuis 2008, le PIB européen a stagné, ie les Européens sont toujours davantage taxés, brimés, interdits, tandis que leurs revenus ne progressent pas. Concrètement, des pans entiers de nos populations sont entrés dans un schéma qui est le rêve ultime des écologistes : la décroissance. C’est-à-dire leur appauvrissement.

Scénarios

Trois scénarios se dégagent.

Dans le premier scénario, l’UE persistera dans l’utopie écologiste allemande, ce qui ne manquera pas de jeter l’ensemble de l’Europe dans cette récession où croupit déjà l’Allemagne. Les révoltes populaires iront se multipliant, en comparaison desquelles l’actuelle révolte des agriculteurs passera pour un zakouski. Il devrait être évident que nos démocraties ne résisteront pas, dans la durée, à l’appauvrissement sciemment organisé par des ‘élites’ devenues folles et ivres d’idéologie.

Dans le deuxième scénario, L’UE reviendrait à davantage de raison, sans toutefois défaire le European Green Deal, dont l’entrée en vigueur serait simplement rééchelonnée dans le temps (partiellement différée). Ce scénario condamne l’Europe à une « stagnation séculaire », sur le modèle du Japon, donc une régression constante sur le reste du monde.

Un troisième scénario verrait une nouvelle majorité prendre le pouvoir à la faveur des élections européennes de juin — après tout, quel est l’objet des élections démocratiques, si ce n’est permettre un changement de cap ? — et déconstruire (abroger) chacune des législations d’un European Green Deal devenu sans objet dans le contexte mondial actuel.

Car, et c’est l’ironie ultime, si l’on en croit les projections du GIEC, le réchauffement aura bien lieu, et nous devrons nous y adapter. Tout ce que l’Europe brûle de ressources dans une fantasmatique ‘transition énergétique’ qui a échoué et échouera, sera autant d’argent qui nous manquera pour nous adapter. Que pourra l’Europe, quand des idéologues malades auront définitivement cassé le dos de son économie ?

8 réflexions sur « Le meurtre de l’Europe par l’Allemagne  »

  1. Monsieur Godfridi Votre brillante synthèse laisse bien peu d’espoir, sinon celui du troisième scénario que vous évoquez. Mais là encore, une majorité différente de l’actuelle serait-elle suffisamment homogène sur le sujet de la politique énergétique pour conduire à un changement aussi radical que celui que vous préconisez ? Si ce n’est le cas nous pourrions être ramené au second scénario de la « stagnation séculaire ». Un vrai changement ne pourrait-il pas venir plutôt d’un affrontement direct entre la France et la commission européenne, analogue à la fameuse politique de la chaise vide du général de Gaulle ,ce qui suppose évidemment un « renversement de table » dans le paysage politique de notre pays ?

    1. Monsieur, je crains que nous n’allions vers un scénario de chaos et d’anarchie, à mesure que les prétentions de la Commission se radicaliseront in concreto, et que des pans entiers de nos sociétés iront se révoltant parce qu’ils ne sont plus en mesure de subsister. D’importantes réductions des émissions de CO2 seront atteintes en Europe par la destruction de notre industrie. Laquelle industrie sera simplement reconstruite ailleurs, dans de moins bonnes conditions, avec un bilan carbone mondial — le seul qui compte — finalement négatif, et un effet nul (zéro) sur l’évolution du climat.

      1. Bonjour, c’est en craignant le pire qu’on finit par mettre en oeuvre les bonnes solutions.

        La stagnation séculaire est hautement improbable. Elle relève d’un fantasme crypto-marxiste de fin du monde capitaliste copiant la mort thermique de l’univers. Je pense plutôt que votre premier scénario est le bon. Mais il finira par une sortie conflictuelle rapide par exemple de la France ou de l’Italie de l’Europe, ou encore de la Pologne tombée sous contrôle des USA pour remplacer l’Ukraine défaite dans son rôle de vecteur d’affaiblissement de l’empire russe. A la fin du conflit, l’Union ayant disparu sous sa forme actuelle, le troisième scénario plus pacifique deviendra possible.

        J’ai été agréablement surpris ce samedi soir dernier lors d’une réunion entre amis, où des pro-européens se sont pourtant révélés ardemment opposés à la politique écologique de l’Union, notamment l’échéance 2035 d’interdiction des moteurs thermiques, qui fait désormais l’unanimité contre elle. Entre deux imprécations, la plupart se sont persuadés que l’Europe changera de politique avant l’échéance. Je n’ai pas manqué de les avertir qu’ils se trompaient, que le pouvoir de l’idéologie sur l’Europe était trop fort et que leur vote n’avait pas le pouvoir de changer cela. Au fond, chacun espère votre troisième scénario, sans parvenir à concevoir que sans conflit préalable, sans disparition de l’Union telle qu’elle existe, il est impossible. Qu’il est difficile de brûler les idoles qu’on a adorées !

        Il existe toutefois un quatrième scénario, celui où les dirigeants actuels de l’Europe abandonnent soudainement leurs délires climatiques, aussi rapidement démodés que l’épidémie imaginaire de covid a été oubliée. Mais pour cela, il leur faut trouver une menace encore plus puissante pour contrôler les populations européennes. Dans cet objectif, la terrible menace des ovnis ne faisant pas recette, quoi de mieux qu’une guerre contre la Russie ?

  2. Si être populiste c’est respecter la volonté des peuples, alors je serai fier de soutenir les populistes aux prochaines élections.
    Au-delà de ça, le réel finira par l’emporter. Il n’y aura pas d’argent pour les absurdités climatiques car il en faudra dans d’autres domaines, par exemple pour la défense face à la Russie de Poutine si les USA se retirent ou, comme le dit l’article, les dépenses d’adaptation au réchauffement ou au contraire au refroidissement, la seconde hypothèse étant aussi possible si l’on en croit l’arrivée prochaine du minimum d’Eddy (début du basculement à partir de 2030)..

  3. Monsieur, je crois en effet qu’il faut donner sa voix aux seuls partis qui votent systématiquement contre tout ce qui relève de ce délirant European Green Deal, fanatique et mortifère. Il n’y a pas d’alternative sérieuse. Je partage également votre avis sur le fait qu’on ne pourra pas investir trente mille MILLIARDS en vingt ans (soit deux fois le PIB actuel de toute l'(Europe!) ET s’armer face à l’impérialisme russe. Ce sera l’un, ou l’autre.

  4. Au-delà des divagations idéologiques de soi-disants « experts de la Commission » (qui ne vivent – de fait – que sous inspiration d’activistes/lobbyists/ONG ( = fort Verts) et d’une minorité VERTE, très influente au sein du Parlement européen aux « 705 missi dominici » votant en une forme de doxa mimétique … (Green Deal à 1000 mds d’€)…

    Tous ceux-ci et ceux-là pensant en boucle fermée, loin des réalités chiffrées de terrain, le citoyen censé être érudit doit réfléchir les estimations et avis (chiffrés aussi) :

    1 – de l’IREF calculant que pour rééquilibrer la balance commerciale largement déficitaire de leur France, il s’agirait de booster la production industrielle actuelle de 56% (ce qui frise l’irréalisme – ou pire – relève des utopies vertes européennes)…
    2 – dans le même temps où les gouvernants français actuels sont plus soucieux de museler la liberté d’expression des médias d’esprit indépendant (CNews, et bien d’autres non subventionnés) via un « filtrage » de la très sectaire Arcom !!!

    A ce propos, il est pertinent d’écouter Philippe de Villiers (ex-ministre, ex-député européen, entrepreneur lucide) qui sur CNews 16/02 explicite ces considérations (juridiquement indéfendables) et en cul de sac (politique et économique), à cause de CENSURES autant édictées par Macron que par l’UE ! (cfr. les dispositions UE décrétées par le commissaire Thierry Breton, jouissant là de prérogatives questionnables sur l’économie mais aussi sur le digital (filtré… via organes ad hoc):
    https://www.cnews.fr/emission/2024-02-16/face-philippe-de-villiers-emission-du-16022024-1454676

    Bien sûr ces considérations sont politiques, mais ceci ne doit-il pas interpeler et soucier des scientifiques (muselés) que nous sommes, autant que le citoyen ordinaire qui devrait pense le futur à 360° de créativité et découvertes potentielles à venir ???
    VERS où nous emmène une telle Union Européenne ???

  5. L’observation historique des masses électorales européennes établirait vite une analogie entre la 2e loi de Newton (principe de l’INERTIE) et les comportements moutonniers de celles-là.
    Tous les apparatchiks aux gouvernes de l’Union Européenne parient sur ce principe physique de toujours. Tandis que de multiples signaux humains devraient leur donner à réfléchir. Est-ce encore à leur portée ? Car eux mêmes (par un orgueil mal réfléchi ou par leur cupidité carriériste perturbée) auront bien du mal à accepter cet autre principe fondamental : celui de la démocratie (gouvernnement par les peuples de l’Union), nous diffusera t-on quotidiennement jusqu’en juin !
    Leur subtile parade s’établit grâce à des mesures parfois peu légitimes : octroyer p.ex. la liberté de vote à des jeunes dès 16 ans, ce bel âge d’une adolescence pleine de rêves mais largement dénuée d’une maturité politique acquise par l’expérience .
    Et hop, les quelques % de votes conformistes préalablement imprégnés par Greta et ses affidés pourraient-ils suffire à museler ceux % d’adultes à l’esprit critique qui veulent contrarier les desseins macabres de roués apparatchiks.
    Alors , lequel des trois scénarios vaudra ? Sciences humaines à l’épreuve.

    Le leitmotiv trentenaire de l’apprentissage tout au long de la vie va t-il équilibrer les suffrages européens de juin 2024? Espérons-en la survenue.

    GIEC et ses 1,5°C atteints avant 2050: certaines rumeurs de médias subventionnés viennent de déclarer l’avoir déjà atteint en 2023 ! L’objectif de l’absurdité européenne est donc déjà atteint.
    Ainsi, Messieurs-Dames les apparatchiks, restons-en donc là, avec d’évidentes économies sur les dépenses publiques et privées évitant un appauvrissement de nos masses moutonnières.

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