Lettre ouverte aux autorités et corps académiques de l’UCL

Michael Mann encensé à l’Université Catholique de Louvain

L’Université Catholique de Louvain (UCL) a décidé de décerner un titre de docteur honoris causa 2022 au climatologue et géophysicien américain Michael E. Mann (ici). Il est vrai que ce chercheur a beaucoup fait parler de lui. En effet, il s’agit du père de la « courbe en crosse de hockey », courbe retraçant l’évolution probable de la température des 2 000 dernières années. Avec cette courbe, qui gomme l’Optimum Climatique Médiéval (OCM) et le Petit Age Glaciaire (PAG) (voir ici et ici), Michael Mann s’est positionné dans le camp des catastrophistes tel qu’il est rapporté ou perçu dans les médias. Sa courbe a d’ailleurs été reprise par Al Gore et apparaît dans les publications du GIEC à partir de son troisième rapport. Nous n’allons pas discuter ici de la validité des résultats obtenus par Michael E. Mann au cours de sa carrière ni de ses procès. Ce sujet a fait couler beaucoup d’encre et nous renvoyons les lecteurs intéressés à d’autres articles (voir ici). Nous voulons simplement vous faire savoir que nous considérons qu’il s’agit d’un geste politique de l’UCL et que Michael E. Mann ne détient pas plus la vérité que les autres équipes de paléoclimatologues, malheureusement moins célèbres. 

Vous justifiez votre décision en invoquant que « Les investigations, recherches et créations de Michael E. Mann se basent sur des faits réels pour nous aider à garder les yeux ouverts à l’heure où le vrai n’a jamais été autant fragilisé »Plus loin, nous trouvons la phrase : « Réputé pour l’excellence de ses analyses et de ses modélisations, Michael Mann défend la véracité des faits scientifiques face aux manipulations des climatosceptiques. »

Une critique scientifique de la courbe réactualisée (2021) de Mann et al. (1998) se trouve sur le site SCE (Science, climat et énergie, ici et ici).

Selon l’UCL, donc, Michael E. Mann détiendrait la vérité vraie et nous sommes face à une sorte de chevalier qui combat sans relâche les climato-réalistes, a priori incompétents malgré la présence de très nombreux professeurs de haut vol y compris des Prix Nobel dans leurs rangs. Michael Mann représenterait donc le raisonnement juste, et les climato-réalistes, le contraire, à savoir l’égarement scientifique, et ce titre de docteur honoris causa 2022 acte cette opposition. Notons également que le climato-réalisme,  concept érigé manu militari par ceux qui détiennent la vérité dans le cadre du GIEC, ne rejette pas le fait qu’un (léger) réchauffement récent existe, mais il en discute surtout son amplitude et la contribution respective de son origine naturelle ou anthropique. Bien d’autres termes encore plus péjoratifs sont régulièrement utilisés par les tenants du réchauffement anthropique pour fustiger ceux qui émettent des critiques sur les travaux du GIEC, et ceci est peu à l’honneur de la communauté scientifique, pour ne mentionner que celle-là.

Michael Mann n’est pas la seule personne au monde qui réalise des analyses paléoclimatiques, mais c’est simplement la plus célèbre. Il l’est devenu grâce au GIEC et Al Gore qui ont mis en avant ses résultats en 2001. Une publication [peer review ] récente, parue dans Earth/MPDI le 3 mars 2022 (Lüning & Lengsfeld 2022) nous rappelle que Michael E. Mann n’est effectivement pas seul : plusieurs autres équipes ont analysé les archives paléoclimatiques et ont également obtenu des courbes retraçant l’évolution de la température des 2000 dernières années (les détails se trouvent dans la page Science-Climat-Énergie susmentionnée). Ces études sont basées sur des mesures de température indirectes, basées sur des proxys (cernes des arbres, etc.) et donc incertaines et imprécises. Précisément pour cela, les différentes reconstructions paléoclimatiques sont toutes différentes les unes des autres. Entre l’an 0 [origine de l’abscisse du graphique de Lüning & Lengsfeld 2022) ] et 1800, toutes les reconstructions paléoclimatiques présentent des oscillations. Ces oscillations sont clairement d’origine naturelle, puisque les émissions anthropiques de CO2 étaient très faibles.

Les résultats de Mann et al. (1998) effacent la période chaude du Moyen-Âge, pourtant connue bien avant l’intérêt pour le changement climatique anthropique comme « Optimum Climatique du Moyen-Âge » ; l’étude de Lüning & Lengsfeld montre qu’à l’époque la température était semblable, voire plus élevée que celle d’aujourd’hui. Il y a pourtant de très nombreux témoignages historiques concernant ces périodes, portant sur la culture de la vigne, la production  des céréales, etc.,  dont les zones d’occupation géographiques en fonction des fluctuations climatiques ont été minutieusement reconstituées en Europe par Emmanuel Le Roy Ladurie (ici pour un résumé). De même avec l’arrivée des Vikings au Groenland traduisant à nouveau une fluctuation climatique (ici). Les historiens de votre université savent qu’il y a eu une période chaude qui a conduit à une grande prospérité au cours du 13e siècle, ce qui a notamment permis à la population de mieux se nourrir, mais ensuite cette population plus nombreuse a été soumise à des crises lors de la première moitié du 14e siècle, précisément à cause du brusque refroidissement du climat qui provoqua des famines (voir ici).

Non, Michael E. Mann ne détient pas la vérité absolue concernant l’évolution de la température du passé, et les autres équipes de paléoclimatologues non plus. La vérité du passé sera toujours incertaine, car nous sommes face à des mesures de température indirectes et par définition imprécises.

Encencer Michael Mann est donc un geste politique des autorités de l’UCL qui, par ce signal, se positionnent clairement dans le camp des « réchauffistes ». Ce n’est pas une surprise, car en avril 2012 feu Istvan Marko, professeur dans cette même université, avait déjà fait l’objet d’attaques ignobles par d’autres enseignants de l’UCL, une pétition demandant de lui interdire le droit de parole a même circulé (ici et ici). 

Dans cette pétition, on lit cette phrase « En 2007, l’Université catholique de Louvain a choisi d’honorer le Professeur Steve Schneider en lui décernant le titre de docteur honoris causa. Jusqu’à sa mort, le regretté professeur Schneider s’est battu pour que les enjeux scientifiques autour de notre climat soient communiqués honnêtement et avec rigueur auprès du public. »

Or voici ce que Stephen Schneider déclarait publiquement en 1989 :  

On the one hand, as scientists we are ethically bound to the scientific method, in effect promising to tell the truth, the whole truth, and nothing but — which means that we must include all the doubts, the caveats, the ifs, ands, and buts. On the other hand, we are not just scientists but human beings as well. And like most people we’d like to see the world a better place, which in this context translates into our working to reduce the risk of potentially disastrous climatic change. To do that we need to get some broadbased support, to capture the public’s imagination. That, of course, entails getting loads of media coverage. So, we have to offer up scary scenarios, make simplified, dramatic statements, and make little mention of any doubts we might have. This ‘double ethical bind’ we frequently find ourselves cannot be solved by any formula. Each of us has to decide what the right balance is between being effective and being honest. I hope that means being both[1]. 

L’UCL ne s’honore pas en décernant cette reconnaissance à un chercheur qui publie des résultats contredits de manière flagrante par l’histoire.

Veuillez agréer Monsieur le Recteur, l’expression de nos sentiments respectueux.

Le 26 avril 2022

Berth Paul, Prof., Université Européenne

Geuskens Georges, Prof. émérite, Université Libre de Bruxelles

Furfari Samuel, Prof ESCP London, Prof. émérite, Université Libre de Bruxelles

Masson Henri, Prof. SSM_R,  émérite Universiteit Antwerpen

Mund Ernest, Dir de rech. hon. FNRS, Prof. Extraord. Émérite, Université Catholique de Louvain

Préat Alain, Prof. émérite, Université Libre de Bruxelles

Schaeken Willmaers, Président du Pôle Energie Climat et Environnement et Membre Advisory Board, Institut Thomas More, Paris

Van Vliet Brigitte, Directeur de recherche CNRS, émérite, Bretagne


[1] Quoted in Discover, pp. 45–48, Oct. 1989. For the original, together with Schneider’s commentary on its misrepresentation, see also American Physical Society, APS News August/September 1996.