Comment bêtifier le citoyen en Belgique

A. Berger, E. Mund, Professeurs UCLouvain ; S. Furfari, P. Kunsch, Ch. Leclercq‐Willain, Professeurs ULB ; J. Marlot et G. Van Goethem, Ingénieurs, membres de 100TWh.

Faire croire que l’éolien et le photovoltaïque peuvent remplacer le nucléaire en confondant volontairement capacité installée (en W) et production (en Wh) et en ignorant simultanément l’intermittence de ces renouvelables est un mensonge éhonté dont la finalité est la bêtification du citoyen.

En 2019, la Belgique a produit 89,85 TWh d’électricité. Elle l’a fait à partir du nucléaire pour 41,78 TWh (46,5% du total), du gaz pour 26,87 TWh (29,9%), des énergies renouvelables intermittentes non pilotables (vent pour 9,16 TWh (10,2%) et solaire photovoltaïque pour 3,77 TWh (4,2%), de la biomasse pour 7,19 TWh (8%) et de l’hydraulique pour 1,08TWh (1,2%). 

Rien n’est prêt ni ne pourra l’être pour remplacer les 46,5% de notre production d’électricité par le nucléaire, ce qui sera nécessaire avec la fermeture des centrales nucléaires actée par Engie avec l’appui des politiques belges et européens. Même si on inonde la Belgique d’éoliennes ou de panneaux voltaïques, ceux-ci ne fonctionnant qu’un quart du temps, la sécurité d’approvisionnement ne sera jamais garantie. La capacité installée d’éoliennes est de 3,83 GW (soit 15,7% du total de 24,34 GW) et celle du photovoltaïque de 4,82 GW (19,8%), ce qui donne en moyenne un fonctionnement de 6,6 hrs par jour (9160/3.83/365) et 2,1 hrs/jour. Pour les centrales nucléaires leurs 5,94 GW (24,4%) produisent 41,78 TWh c.-à-d. qu’elles fonctionnent pendant 19,2 hrs par jour.

https://www.febeg.be/fr/statistiques-electricite

En ce qui concerne la différence entre capacité installée en Watt (qui est une puissance, ce sont des Joules par seconde) et la production en Wh (Watt heure, qui est une énergie égale à 3600 J), les figures ci-dessus parlent d’elles-mêmes. Les 15 % de la capacité installée totale de l’éolien ne produisent que 10% de la génération totale d’électricité (pour le solaire c’est pis : 20% de la capacité installée totale ne produisent que 4% de l’électricité). Ce rendement n’a rien de comparable avec celui des centrales nucléaires qui avec leur 24 % de la capacité totale installée produisent 46% de l’électricité. En augmentant le nombre d’éoliennes et/ou de panneaux photovoltaïques on augmente certes leur production totale, mais seulement pendant 6 ou 3 heures par jour respectivement. Que ferons-nous le reste du temps et que devrons-nous faire de l’énergie excédentaire produite par le vent et le soleil si on augmente leur capacité installée immodérément?

Le remplacement des 41,78 TWh produits par les centrales nucléaires par 14,18 TWh de renouvelables intermittentes et 27,6 TWh de centrales au gaz qui émettent 490 ktCO2/TWh produirait une émission supplémentaire de 14,3 Mt CO2(Marlot, 2020.Accord de Paris et pacte énergétique). Comme la production d’électricité en Belgique émet 15,6 Mt CO2(données de 2019), cela représentera une augmentation de 91% ou encore, comparée aux émissions totales belges qui sont de 105 Mt CO2, une augmentation de 13,6%. Dans le même temps, la Belgique a confirmé son objectif de réduire de 55 % ses émissions de CO2 d’ici 2030, ce qui implique de ramener aux environs de 7 millions de tonnes par an ses émissions de CO2 dues à sa production d’électricité !

Cette figure « Production mix 2020 » est extraite de Kunsch P., 2021. Elle donne l’évolution journalière de la production d’électricité en 2020 en Belgique et montre qu’aucune transition électrique ne peut y avoir lieu avec des éoliennes et des panneaux photovoltaïques. On y voit clairement que les limites des productions éolienne et photovoltaïque sont respectivement de 13 et 5 % du total de la consommation alors que ces énergies renouvelables intermittentes non pilotables représentent plus de 35% de la puissance active sur l’ensemble du réseau.

Il est plus qu’urgent et impératif de demander l’abolition de la loi de 2003 sur l’abandon du nucléaire et de restaurer une production d’électricité digne du 21ème siècle.

Ce sujet a été traité dans le cadre d’un cycle de conférences et d’une Table Ronde au Collège Belgique, intitulé ‘Enjeux Climatiques et Politiques de la Transition Electrique’, en 2020 et 2021. Les quatre exposés du cycle et les échanges de la Table Ronde seront disponibles au complet sur le site web (Académie-TV) de l’Académie royale de Belgique. Nous recommandons vivement leur lecture aux personnes que le sujet intéresse.

6 réflexions sur « Comment bêtifier le citoyen en Belgique »

  1. En espérant que nos décideurs acceptent de vous écouter ( de mon côté, je connais le ministre Collignon qui n’a pas voulu m’entendre et m’a dit  » la loi c’est la loi  »
    Triste …

  2. Je suis assez surpris par la proportion de l’éolien dans la consommation versus la puissance installée… On m’a toujours dit que le taux de charge était de 25% à tout casser, et qu’il avait baissé. Cela ne semble pas se voir dans les chiffres, à ma grande surprise…

    1. Par définition le facteur de charge est le rapport entre l’énergie électrique effectivement produite sur une période donnée et l’énergie qu’elle aurait produite si elle avait fonctionné à sa puissance nominale durant la même période.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Facteur_de_charge_(%C3%A9lectricit%C3%A9)

      Les faits étant plus dignes de confiance que ce qu’on a toujours dit, mieux vaut se référer aux données des dernières années telles qu’on les trouve sur le site de la FEBEG (Fédération des Entreprises Belges de l’Électricité et du Gaz) sur https://www.febeg.be/fr/statistiques-electricite.

      Les facteurs de charge varient suivant les conditions imposées, les conditions météorologiques et les disponibilités : pour l’année 2020 on a relevé les données suivantes :

      – Éolien terrestre : 20,3 %
      – Éolien en mer : 43,5 %
      – Solaire : 9,4 %

      On ne peut pas comparer les facteurs de charge des énergies éolienne et solaire (qui sont intermittentes, aléatoires et qui ont un accès prioritaire sur le réseau) avec celui du gaz qui est déterminé surtout par l’appel à la production lorsque le renouvelable ou/et le nucléaire ne produisent pas ou pas assez.

    2. Le facteur de charge est effectivement de 25%, les croissants sur la puissance installée/production annuelle n’a pas pour objectif d’être représentatif du facteur en question.
      Il suffit de regarder la part du nucléaire en puissance installée qui est inférieure à la production annuelle par rapport aux croissants.

    3. En fait cela vient du fait que les parts dans les deux graphiques ne portent ni sur la même valeur physique ni sur le même montant total: le premier est la production réelle en TeraWattheure et le second la puissance maximale installée en GigaWatt. Il ne faut pas comparer directement une part de la même couleur du graphique de gauche avec celle du graphique de droite. Mais la conclusion tirée dans l’article est bonne: en Belgique (et ailleurs), la part dans la production réelle de l’éolien est très inférieure à sa part dans la puissance totale installée (largement subventionnée par le contribuable belge, si cela peut vous consoler, c’est pareil ailleurs). Pour passer du deuxième au premier il faut multiplier par 24 (h/jour) et par 365 (jours/an), c’est pour cela que l’on passe de Giga (millards) à Tera (trillards) et on retombe bien sur le facteur de charge au max à 25% pour l’éolien terrestre.

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