Réflexions sur les ours polaires

par Prof. Dr. Paul Berth

Les ours polaires (Ursus maritimus) sont souvent utilisés dans le débat concernant le réchauffement climatique qui serait provoqué par l’homme. Selon les écologistes et les partisans du GIEC ils sont en grand danger. Mais n’est-ce pas aller un peu vite?

Il y a bel et bien un léger réchauffement des basses couches de l’atmosphère de la planète (entre 0.5 et 1.0°C en 100 ans [1]), cependant :

– On estime que la population mondiale actuelle d’ours blancs compterait de 20 000 à 25 000 individus aujourd’hui [2]. L’ours blanc ne consiste pas en une seule petite population sauvage, son aire de répartition n’est pas restreinte et aucun déclin marqué de la population n’a été observé. Par comparaison, il n’y avait plus que 5000 individus en 1945 en raison de la chasse, près de 4 à 5 fois moins qu’aujourd’hui. L’ours blanc n’est donc pas en voie d’extinction, comme l’a notamment confirmé une étude récente (2016) menée par l’équipe d’un spécialiste canadien des ours polaires (Mitchell Taylor) qui a montré que sur les 13 populations canadiennes d’ours blanc, seule une seule est en déclin [3].

– Les plus anciens fossiles d’ours polaire datent du début de la période glaciaire Würm [4] (il y a 110 000-130 000 ans). L’espèce n’a donc pas été éliminée lors de l’Optimum Climatique de l’Holocène (OCH), période au cours de laquelle le pôle Nord était presque dépourvu de glace en été. En effet, les ours polaires se réfugient sur les terres lorsqu’il n’y a plus de glace! En analysant l’ADN il semblerait même que l’ours polaire soit bien plus ancien, vieux d’au moins 1.2 millions d’années (Ma) ou 2 à 3 Ma, et même 4 à 5 Ma (Cronin & Cronin 2015). Les ours polaires auraient donc (sur)vécu à de nombreuses périodes interglaciaires dont celle de l’Eemien, avec des températures moyennes annuelles des latitudes nordiques de 4°C plus chaudes par rapport à l’interglaciaire actuel (Holocène) [5]. A cette époque, certaines zones nordiques atteignaient même des températures bien plus élevées de 7.5°C par rapport à la température moyenne du dernier millier d’années, et ce pour la même zone [6]. Ceci nous montre que les ours polaires s’adaptent parfaitement au manque de glace, voire à son absence totale. Pour s’en convaincre il suffit d’observer les ours polaires dans les parcs zoologiques en Europe, parcs ne comportant pas de glace (par exemple le zoo de La Flèche dans le département de la Sarthe, en France), mais surtout les populations actuelles de l’archipel arctique canadien, où s’observe la majorité des ours polaires du Canada [7] : sur les 13 populations d’ours de cette zone, 5 vivent dans des endroits complètement dépourvus de glace à la fin de l’été [8]. N’est-ce pas une preuve ultime de la résistance des ours au manque de glace?

– Les écologistes disent souvent que s’il n’y a plus assez de glace et que les ours polaires ne pourront plus se nourrir. En effet, deux espèces de phoques constituent l’essentiel du régime de l’ours blanc: Phoca hispida (le phoque annelé ou phoque marbré), d’un poids moyen de 68 kg, l’espèce la plus nombreuse en Arctique et formant sa proie principale, et Erignathus barbatus (le phoque barbu), pouvant dépasser 400 kg. Aucune de ces deux espèces de phoque ne peut se développer en l’absence de banquise, ce qui semble donc limiter l’aire de chasse de l’ours blanc. Mais l’ours blanc est opportuniste et possède de nombreuses autres proies! Et ceci, on ne vous le dit jamais… Ainsi, d’autre proies communes de l’ours blanc sont le morse (Odobenus rosmarus), le béluga (Delphinapterus leucas) et les poissons. La femelle ourse peut jeûner près de huit mois avant de mettre bas ses petits, habituellement deux oursons pesant moins de 0.9 kg [9]. Elle retourne ensuite rapidement sur la banquise pour chasser le phoque, sa nourriture favorite, ou attraper du poisson. Pour déterminer le régime alimentaire d’un ours on peut l’endormir et prélever un échantillon de graisse au niveau de sa croupe. Chacune de ses proies possède une combinaison très spécifique d’acides gras. En les analysant il est facile de déterminer ce que l’ours a consommé. C’est en utilisant cette méthode que l’on a établi que le phoque annelé représente 70% de la diète des ours blancs dans la Baie Hudson [10]. Le reste de la diète sont des phoques barbus, des phoques communs (Phoca vitulina) qui évitent la glace, des phoques à selle (Pagophilus groenlandicus) ainsi que des bélugas qui migrent dans la baie lorsqu’il n’y a plus de glace. Ailleurs, les ours blancs du détroit de Lancaster consomment autant de bélugas que de phoques annelés. En automne, les bélugas se font fréquemment prendre au piège lorsque la glace se reforme rapidement; en été, de nombreux bélugas chassant le poisson dans des zones peu profondes s’échouent lorsque la marée descend et l’ours blanc peut donc facilement les attraper. Dans le Sud de la Mer de Beaufort, les phoques annelés représentent 15 à 70% de la nourriture des ours blancs, alors que la baleine boréale (Balaena mysticetus) contribue pour 2 à 52% et les bélugas de 1 à 33%, avec des pourcentages variant grandement entre les individus [11]. Le nombre de proies de l’ours blanc est tellement varié qu’il n’est pas étonnant que l’ours blanc ait survécu tout au long de l’Holocène (approximativement les derniers 10 000 ans), période ayant comporté de nombreux moments pendant lesquels la glace avait quasi disparu comme durant l’Optimum Climatique de l’Holocène cité au début de cet article [12]. Il est donc faux de dire que l’ours blanc disparaîtra s’il n’y a plus de glace au pôle Nord.

– Malgré toutes les évidences concernant la résistance des ours polaires au manque de glace, le GIEC, les médias, les écologistes et certains scientifiques continuent leur désinformation. Un article récent publié fin novembre 2017 par des chercheurs hollandais associés à deux spécialistes des ours polaires (Steven C. Amstrup et Ian Stirling) ainsi que Michael Mann (alarmiste et père de la tristement célèbre « courbe en crosse de hockey ») semble même confirmer la vision alarmiste du GIEC  [13]. Cependant, en lisant attentivement l’article, on se rend assez vite compte qu’il ne s’agit que de propagande. En effet, l’article ne présente aucune donnée de terrain et ne fait que dénombrer – des blogs parlant des ours polaires sur internet…

– La dramatisation par l’image est une technique bien connue des propagandistes. De nombreuses photos d’ours polaires isolés sur des glaçons flottants circulent. Le magazine « Science » a ainsi été pris la main dans le sac après avoir diffusé la photo d’un ours polaire isolé sur un morceau de glace à la dérive, faisant ainsi croire à l’urgence climatique [14] (voir figures ci-dessous). Il s’agissait d’un montage réalisé avec Photoshop. Le magazine l’a reconnu et s’est même excusé [15].

Article originellement publié dans « Les contre-vérités biologiques », Arguments — Revue européenne de science, vol. 3, n°1, hiver 2018.

Références

[1] Seneviratne et al. 2018. Nature 558:41–49.

[2] Environnement Canada : https://www.ec.gc.ca

[3] York Y, Dowsley M, Cornwell A, Kuc M, Taylor M (2016) Demographic and traditional knowledge perspectives on the current status of Canadian polar bear subpopulations. Ecology and Evolution 6:2897–2924.

[4] Cronin TM, Cronin MA (2015) Biological response to climate change in the Arctic ocean: the view from the past. Arktos 1:4  doi 10.1007/s41063-015-0019-3.

[5] Müller, UC (2009) Eemian (Sangamonian) Interglacial. Pp. 302–307. Encyclopedia of Paleoclimatology and Ancient Environments. Springer, Netherlands.

[6] Dahl-Jensen, D., M. R. Albert, A. Aldahan, N. Azuma, D. Balslev-Clausen, M. Baumgartner, et al. (2013) Eemian interglacial reconstructed from a Greenland folded ice core. Nature 493:489–494.

[7] Obbard, M. E., G. W. Thiemann, E. Peacock, and T. D. DeBruyn. (2010) Polar Bears: Proceedings of the 15th Working Meeting of the IUCN/SSC Polar Bear Specialist Group, 29 June-3 July 2009, Copenhagen, Denmark, vii +235 pp.

[8] Lunn, N. J., S. Schliebe, and E. W. Born. (2002) Proceedings of the 13th Working Meeting of the IUCN/SSC Polar Bear Specialist Group, 23–28 June 2001, Nuuk, Greenland, vii +155 pp.; Aars, J., N. J. Lunn, and A. E. Derocher (2006) Polar Bears: Proceedings of the 14th Working Meeting of the IUCN/SSC Polar Bear Specialist Group, 20–24 June 2005, Seattle, Washington, USA, v + 191 pp.; Obbard et al. 2010 (op cit).

[9] Rosing, Norbert (1996). The World of the Polar Bear. Willowdale, ON: Firefly Books Ltd.

[10] Steele J (2013) Landscapes & Cycles. 331 pp.

[11] Thiemann et al. (2011) Oikos 120: 1469–1478; Thiemann et al. (2008) Ecol Monogr 78:591–613; Cherry et al. (2011) J Appl Ecol 48:373–381; Bentzen et al. (2007) Can J Zool 85:596–608.

[12] Ovsyanikov & Menyushina (2008) Marine Mammals of the Holarctic. Odessa, pp. 407–412.

[13] Harvey JA et al. (2017) Internet Blogs, Polar Bears, and Climate-Change Denial by Proxy. BioScience, bix133, https://doi.org/10.1093/biosci/bix133.

[14] Marko I et al. (2013) Climat: 15 vérités qui dérangent. Texquis, Bruxelles, Belgique. 270 pp.

[15] http://science.sciencemag.org/content/suppl/2010/05/09/328.5979.689.DC2

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