L’UE rejette le gaz, le reste du monde l’adopte !

par Jean-Pierre Schaeken Willemaers
Institut Thomas More, Président, Pôle Energie, Climat, Environnement

Alors que la Commission européenne et la majorité des Etats membres ont décidé, dans le cadre de la politique bas carbone, de renoncer aux combustibles fossiles, y compris le gaz, dans les plus brefs délais et au plus tard en 2050, les autres pays dans le monde, à part quelques rares exceptions, se gardent bien de prendre pareils engagements. Ils considèrent, en effet, que ces carburants contribuent à leur prospérité et, pour nombre d’entre eux, à l’amélioration de leur condition de vie.


Le gaz apparaît de plus en plus comme une source d’énergie de choix pour les décennies à venir et est susceptible de le rester au-delà de 2050.

Trois facteurs dominent le marché gazier : les importations chinoises de gaz, la demande croissante de l’industrie pour cette matière première et la production américaine de gaz de roche-mère en forte hausse.

Selon l’IEA (International Energy Agency [1]) , la consommation globale de gaz en 2018 a connu sa plus grande expansion depuis 2010, dominée par les Etats-Unis et la Chine (ces deux pays représentant environ 70% de la croissance du marché mondial) et dans une moindre mesure par certains pays émergents.

En 2018, le gaz a contribué, dans le monde, à plus de 40% de la croissance de la consommation énergétique et représentait environ 24% des besoins énergétiques [2]. Sa consommation globale continuera de croître. Elle atteindrait, toujours d’après l’IEA, environ 4100 milliards de m3 d’ici à 2023 avec une progression annuelle de 1,6% dont plus de la moitié est due aux pays asiatiques conduits par la Chine [3]. Quant à la production mondiale, elle n’a cessé d’augmenter ces dernières décennies. La part des Etats-Unis a crû de manière quasi continue, surtout grâce au gaz de roche-mère depuis une dizaine d’années.

Le Qatar, premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL), a annoncé une importante augmentation de la production de celui-ci de 77 millions t/an, en 2019, à 126 millions t/an en 2027, ainsi qu’une hausse de ses réserves prouvées de gaz [4].
D’une manière générale, le Moyen-Orient poursuit, depuis une décennie, sa transition de pétrole vers le gaz pour satisfaire ses besoins énergétiques domestiques.

La croissance de la consommation de gaz dans les pays émergents est soutenue par une forte expansion économique et par une politique de réduction de la pollution de l’air conduisant, notamment, au remplacement progressif du charbon par le gaz nettement moins polluant.

L’Afrique et l’Inde comptent parmi les régions de forte croissance de la consommation de gaz. Cette tendance n’est pas susceptible de s’inverser dans un avenir prévisible d’autant plus que son utilisation dans la production de chaleur et dans le secteur industriel s’est fortement développée ces derniers temps. En revanche, en Amérique centrale et du sud la consommation de gaz est plutôt stagnante.

L’Accord de Paris de 2015 sur la transition énergétique dans le cadre de la réduction drastique des émissions de GES (gaz à effet de serre) requise pour maintenir, selon le GIEC, la température moyenne globale de l’atmosphère bien en-dessous de 2°C, devrait contribuer de manière significative à l’expansion de l’utilisation du gaz en Europe, vu que :

– le gaz jouit d’une souplesse d’utilisation dans le système électrique et   de production de chaleur dans une mesure que ne peuvent atteindre d’autres combustibles ou technologies;
sa combustion n’émet quasi pas de particules ni de dioxyde de soufre et bien moins de CO2 que celle du charbon et de l’essence;
– une centrale à gaz à cycle combiné émet 350 grammes de COpar kWh, moins de la moitié des émissions d’une centrale à charbon supercritique, pour la génération de la même quantité d’électricité ;
– les centrales à gaz offrent des caractéristiques techniques et économiques qui leur permettent de compenser au mieux l’intermittence de la production éolienne ou photovoltaïque.

Il y a d’autant moins d’urgence de renoncer au gaz dans la production d’électricité européenne que :

– Les ressources gazières sont abondantes (les gisements de gaz de roche mère y contribuent de manière significative) et bien distribuées du moins en ce qui concerne le gaz conventionnel. De nouveaux gisements sont régulièrement découverts. Des régions à haut potentiel sont encore très peu prospectées ;
– Les centrales à gaz sont indispensables encore pour des décennies, dans le cadre d’une politique bas carbone conduisant à une pénétration croissante du renouvelable intermittent, pour compenser à moindre frais la discontinuité de production électrique de l’éolien et du photovoltaïque ;
– les développements technologiques permettront de limiter encore davantage les émissions de gaz indésirables résultant de la combustion;
– les centrales thermiques brûlant du gaz permettent de gérer beaucoup plus facilement l’équilibre du réseau électrique, en particulier en ce qui concerne les réglages de fréquence. Les productions éoliennes et photovoltaïques sont de peu, voire d’aucune utilité pour les réglages secondaires et tertiaires.
– les centrales à gaz ne contribuent pas à l’explosion des prix de l’électricité, comme c’est le cas pour une pénétration croissante de l’éolien et du photovoltaïque.
– la production thermique d’électricité ne requiert pas de stockage d’énergie pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande, contrairement à la génération éolienne et photovoltaïque.

La volonté obsessionnelle de l’UE de sortir le gaz du mix énergétique, d’ici à 2050, ne relève-t-elle pas d’une idéologie de la décroissance dont une des conséquences néfastes est d’affaiblir l’économie européenne (et donc d’appauvrir la population) par rapport à celle d’autres pays dont la Chine, les Etats-Unis et la Russie qui se gardent bien de s’engager dans une aventure aussi délétère ?

Les centaines de milliards d’euros dépensés dans le cadre de la politique bas carbone européenne seraient plus utiles s’ils étaient consacrés à des projets énergétiques efficaces et profitables à l’ensemble de la population au lieu de subventionner le secteur du renouvelable intermittent aux dépens de la plupart des citoyens.

NOTES

[1] IEA, Gas 2019, Analysis and forecast to 2024.

[2] BP Statistical Review of World Energy, 2019.

[3] Gas 2018, analysis and forecasts to 2023, International Energy Agency, gas market report 2018.

[4] L’Orient-Le Jour, « Le Qatar va augmenter sa production de gaz », 25/11/2019.

6 réflexions sur « L’UE rejette le gaz, le reste du monde l’adopte ! »

  1. Nous allons droit dans le mur et à grande vitesse! Que faire pour endiguer ces choix idéologiques ineptes ou on veut « laver plus blanc » que le reste de la planète mais à nos dépends ?

  2. Mr. Schaeken Willemaers vous êtes dans l ‘ erreur ! Si la production renouvelable — éolien + PV — n ‘ est pas continue , la consommation non plus . Allez donc voir un diagramme de consommation journalière . En Belgique nous possédons un système de stockage d ‘ énergie à Coo . Au départ ce site se composait de deux bassins supérieurs et un bassin inférieur , il était destiné à lisser la consommation électrique du pays , afin de laisser les centrales nucléaires tourner en palier à 100 % la nuit . Le jour , cette énergie stockée était utilisée selon les besoins . Alors que l ‘ eau était remontée UNIQUEMENT la nuit au départ , depuis quelques années elle est également pompées pendant le jour , grâce au renouvelable , et concomitamment des centrales au gaz sont arrêtées et fermées . Actuellement un troisième bassin supérieur est à l ‘ étude , il augmentera de 50 % la capacité de stockage d ‘ énergie — 1.200 à 1.800 MW — soit quasi la production de deux centrales nucléaires . Il existe d ‘ autre technologies de stockage d ‘ énergie , la Belgique est très bien pourvue en ce domaine .
    Il n ‘ est pas correct de dire : « la production thermique d’électricité ne requiert pas de stockage d’énergie pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande, contrairement à la génération éolienne et photovoltaïque. » . La preuve , en Belgique on ferme des centrales au gaz comme je le citai plus haut , stocker de l ‘ énergie ne consomme pas de combustible et ne pollue pas .En faisant la promotion du gaz , vous aggravez les POLLUTIONS qui nous empoisonnent .
    Vous ne cachez pas votre croisade pour la croissance économique , puisqu ‘ une décroissance appauvrirait nos populations , selon vos dires . Pourtant , si nous voulons léguer une planète habitable pour nos enfants , une saine logique voudrait que l ‘ on passe par une décroissance de la population mondiale et un bridage de notre boulimie consumériste .

    Vladimir Scharapow
    40 ans en centrales électriques , dont 30 en centrale nucléaire

    1. @Scharapow
      Faire un rapprochement entre la discontinuité de la production d’électricité renouvelable et celle de la consommation n’a pas de sens ! La fourniture d’énergie électrique doit, effet, répondre à temps et en tout temps à la demande relativement peu élastique des consommateurs, et pas uniquement lorsque le vent souffle ou que le soleil brille.
      Une des déficiences des générations éoliennes et solaires, outre le coût indirect très élevé qu’elles induisent, est leur intermittence. La compensation de celle-ci requiert, pour assurer la sécurité d’approvisionnement voire pour éviter les black-out, une production continue d’électricité, le stockage d’énergie ne permettant toujours pas d’y pourvoir.
      Dans les pays dont la géologie ne permet pas de production d’électricité hydraulique continue, les centrales à gaz et/ou nucléaires conçues pour le suivi de charge (c’est le cas en France mais pas en Belgique) sont, encore pour longtemps, les systèmes les plus adéquats pour compenser l’intermittence.
      Quant aux centrales de pompage personne ne conteste qu’elles constituent un excellent système de stockage quoique lui aussi intermittent.
      Pour ce qui concerne la comparaison nucléaire/renouvelable, vous confondez puissance et énergie, un comble pour un électricien.
      A capacité égale, l’énergie électrique produite annuellement par les centrales nucléaires (les centrales belges existantes génèrent une électricité bon marché, sans émettre de gaz à effet de serre) est, en temps normal, nettement plus élevée que celle générée par l’éolien ou le photovoltaïque !!

  3. @Mr Vladimir Scharapow (14 février)
    Cher Monsieur, votre longue carrière de « technicien centrales électriques » semble ici vous confiner à une vue belgo-belge un peu étriquée. Devant le futur, vos années d’expérience passée ignorent superbement l’évolution de la DEMANDE … autant que l’évolution chiffrée de l’OFFRE énergétique dans l’UE … C-à-d des institutions SUPRAnationales qui sont profondément subordonnées à des considérations de politiciens (élus généralement peu visionnaires sur le long terme), en outre des gens lourdement influencés par des milieux d’idéologues (verts et autres), soit des gens « démocratiquement irresponsables » devant notre futur toujours flou d’européens » !

    Comme vous le soulignez, le stockage en Bassins à Coo est utile …pour lisser une FRACTION des déséquilibres de production-consommation (uniquement en ‘peak hours’)… Ce ne sera jamais la panacée !
    De surcroît, vous passez sous silence les interconnexions SUPRA de nos réseaux ? Un rôle où des experts d’ELIA et autres pays se cassent la tête pour surmonter nos errements politiciens d’Europe et le leur expliquer !
    Voudriez-vous intégrer ces considérations en vos réflexions futures ?

    Puisque vous êtes d’origine russe, avez-vous porté une attention suffisante sur ce qui se dit et s’élabore là-bas en Russie moderne, avec leurs scientifiques certainement d’un aussi bon gabarit que nos « fonctionnaires et experts divins au sein d’organes paperassiers tels que Commission et Parlement UE » ?

    Enfin, vos propos dans les dernières lignes de ce commentaire 14/02 démontrent une forme d’intoxication idéologique : « aggravation de pollution » ; soutien aux « théories de la décroissance » ; «  réduire la population mondiale  »… Je crois avoir lu cela dans des pamphlets et gazettes sacrément idéologisés, d’alternatives économiques, etc. !
    Par exemple, en matière de démographie mondiale, je vous invite à réfléchir les défis posés à l’Afrique, à l’Asie et Amérique du Sud HORIZON 2150-2100. Solution à concevoir comme le fit la Chine de Mao ’70s d’un enfant unique par famille, en lieu et place des 5 à 8 marmots actuels dans ces milieux défavorisés ?
    A quoi sert-il de nous tuer « socialement » en Europe pour exaucer les voeux de quelques gens à oeillères ?

  4. Ah oui j’oubliais de mentionner (à l’attention de tous les tenants de thèses EnR volontiers euphoriques), l’intéressant article de la dernière livraison LE MONDE DE L’ENERGIE, ce magazine français incliné à publier toute thèse et ses contraires…

    «  » Eolien : foisonnement et stockage ne remplaceront jamais le pilotable «  »
    https://www.lemondedelenergie.com/eolien-foisonnement-stockage-pilotable/2020/02/14/
    DONT :
    Certains, comme Nicolas Hulot, croient encore que le foisonnement éolien en France et en Europe, associé au stockage d’énergie, permettra d’alimenter la France en électricité à tout moment. Nicolas hulot participe à une illusion soigneusement entretenue par des idéologues qui refusent de voir la simple réalité.
    A lire parmi les têtes de chapitres (doublées de bons graphiques) comme suit :
    – L’Europe au secours de la France ?
    – Une nouvelle organisation de la société ?
    – Anticiper avec des prévisions ?
    – Absence de foisonnement éolien en France
    – Absence de foisonnement éolien en Europe de l’Ouest
    – Les fluctuations de puissances restent très fortes
    – Le faux foisonnement
    – Et le stockage d’énergie ?
    – Foisonnement et stockage sont des leurres
    … Et les dernières tentatives honteuses et pitoyables des promoteurs du vent pour attendrir les Français avec de « l’éolien caritatif » n’y changeront rien…

    Merci à l’auteur Mr Michel Gay pour ses études toujours (im)pertinentes !

  5. De très nombreux pays mettent en place des systèmes de stockage d’énergie, pour pallier l’absence de production des PV la nuit par exemple; le vent, lui, souffle aussi bien le jour que la nuit…suivez la presse mondiale (PV Tech, Solar Power Portal, Energy Storage…). Vous verrez que la Belgique est DRAMATIQUEMENT en retard dans ces domaines!

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