par Ernest MUND, FNRS et Université catholique de Louvain
Résumé : L’approvisionnement continu en énergie électrique est vital pour le fonctionnement de la société. En certaines circonstances cet approvisionnement peut faire défaut à grande échelle. On parle alors de blackout. Un blackout survient lorsque les conditions d’équilibre du système électrique ne sont plus respectées. La production centralisée est pourvue d’inertie qui atténue les risques d’interruption. Mais le système électrique va bientôt connaître une transformation considérable avec l’arrivée massive d’énergies renouvelables intermittentes (EnRI). Ces énergies totalement dépourvues d’inertie pourront-elles adéquatement faire face à des déséquilibres du système qui risquent d’être plus fréquents ? Nous passons en revue les principaux éléments du phénomène et les mettons en perspective compte tenu des options d’avenir.
0. Introduction
L’approvisionnement en énergie électrique est vital pour le fonctionnement harmonieux de la société. À ce jour sûreté et continuité de cet approvisionnement sont largement garanties en Europe. Mais le système électrique va bientôt connaître une mutation profonde qui rendra la situation plus délicate. L’objectif de l’European Green Deal est de libérer intégralement le système électrique européen d’émissions de CO2 à l’échéance 2050, par un recours massif aux énergies renouvelables intermittentes et variables éoliennes et solaires (EnRI). Certains vont jusqu’à recommander une électricité renouvelable à 100%, ce qui pose de sérieux problèmes pour le maintien de la stabilité du réseau. C’est la raison pour laquelle les interruptions prolongées d’alimentation électrique – communément appelées blackouts – font l’objet d’une grande attention. Si les options en question sont poursuivies, des blackouts risquent d’être plus fréquents. L’objectif de ce travail est de rassembler les caractères essentiels du phénomène. Qu’appelle-t-on blackout ? Que nous dit l’histoire de ces événements ? Par quoi sont-ils provoqués et quelles en sont les conséquences ? Enfin, nous tenterons d’éclairer les raisons pour lesquelles des interruptions d’alimentation électrique pourraient être plus fréquentes dans l’avenir[1].
Une interruption d’alimentation sur le réseau électrique – ou sur partie de celui-ci – n’est pas forcément un blackout (voir [1]). Pour qu’elle le soit, il faut qu’elle réunisse quelques conditions : ne pas avoir été provoquée par le gestionnaire du réseau, avoir affecté un minimum de 1 000 individus pendant au moins une heure, avec les conséquences d’un million d’hommes-heures au moins. Dans les autres cas, on parle d’interruption d’alimentation ou de ‘brownout’ pour qualifier les baisses temporaires de tension. Le terme ‘blackout’ a une connotation forte et fait peur. Pour ceux que l’événement surprend dans une situation délicate – métro, cage d’ascenseur… – l’ignorance a priori de la durée de la panne est source d’une profonde angoisse, car, à l’instant du blackout il y a arrêt total de tous les services nécessitant une alimentation électrique ; seuls les organismes disposant de moyens de production autonomes peuvent poursuivre leurs activités.
La Figure 1 est une représentation simplifiée à l’extrême du système électrique avec des unités de production alimentant la demande d’énergie électrique. Cette dernière, extrêmement diversifiée, car englobant toutes les activités de la société, regroupe grosso modo des éléments dissipatifs par effet Joule (R), des systèmes à induction (L) et de mise en charge (C). La tension V(t) aux bornes du réseau est périodique, de fréquence ν. Les composants de la demande induisent un courant I(t) de même fréquence, déphasé d’un angle
expressions dans lesquelles, VE et IE sont les valeurs efficaces [2]. La puissance développée dans le système revêt deux composantes, la puissance active P liée à la dissipation de chaleur et la puissance réactive Q liée aux éléments non-résistifs (L et C) de la demande. Elles s’écrivent :
Dans le système électrique, la production (P) suit continuellement la demande (D). Les puissances P et Q doivent donc – à chaque instant – être telles que :
La stabilité du système exige que ces deux contraintes soient satisfaites en permanence. Intervient ici l’acteur essentiel qu’est le Gestionnaire du Réseau de Transport GRT[2] en charge du lien entre ‘production’ et ‘demande’. L’existence des GRT remonte à la création du marché intérieur de l’électricité en 1996 qui a mis fin à l’intégration verticale de l’industrie électrique dans l’Union européenne.
Chaque pays de l’UE dispose d’un ou plusieurs GRT[3] pour la gestion et la maintenance des infrastructures du réseau, pour son équilibre au sens des relations (2) et pour le fonctionnement du marché de l’électricité à travers les calculs de capacité. Le système électrique européen est caractérisé par le couple fréquence-tension (50Hz-240V). Tous les gestionnaires sont en contact étroit avec leurs homologues voisins pour l’équilibrage des échanges. Les GRT de la zone européenne Centre-Ouest (France, Benelux, Allemagne, Autriche) sont intégrés dans une entité plus vaste, l’UCTE représentée en bleu sur la partie gauche de la Figure 2. S’y ajoutent quatre groupes régionaux plus petits, interconnectés eux aussi. Couronnant le tout, les gestionnaires des réseaux interconnectés du continent (au nombre de 43) sont réunis au sein du gestionnaire de réseau de transport d’électricité (le REGRT-E – ENTSO-E en anglais). Créée par l’article 5 du Règlement (CE) No 714/2009, cette association accompagne la transformation du système électrique, ce pour quoi elle dispose de pouvoirs réglementaires [3].
Le système nord-américain couvre les États-Unis et le Canada (voir [4]). Il présente des analogies et des différences avec son homologue européen, la différence la plus notable étant celle du couple fréquence-tension (60Hz-120V). Comme le système européen, le système nord-américain est libéralisé et régulé. Mais, contrairement à son homologue, les relations entre producteurs, opérateurs de transport et de distribution y sont beaucoup plus étroites. Ainsi FirstEnergy est une société qui assure production, transport et distribution de l’énergie électrique dans l’Ohio, à travers plusieurs filiales. Cette situation n’existe plus en Europe. Le territoire nord-américain est subdivisé en cinq régions d’interconnexions : les régions Ouest, Est, le Texas, le Québec et l’Alaska. Chaque région comporte un ou plusieurs Independent System Operator (ISO) correspondant aux couleurs de la figure et dont les sigles sont indiqués au côté inférieur gauche. Ces organismes, plus ou moins équivalents aux GRT européens, surveillent et coordonnent les opérations du système avec une attention particulière à la fiabilité d’approvisionnement. Il est à noter que le Texas fait cavalier seul. Premier producteur éolien aux USA avec une part importante de solaire, les Texans ont été privés d’électricité ces deux dernières années, car, face à des conditions météorologiques difficiles, leur système électrique – fortement teinté d’EnRI et assez isolé – a manqué de robustesse. L’argument sera examiné plus en détail ultérieurement.
La tâche des gestionnaires est de faire en sorte que les contraintes (2) du système soient satisfaites à tout instant. Le synchronisme implique une fréquence permanente de 50Hz. En tout endroit du réseau, de légers écarts sont inévitables, mais ils doivent être impérativement limités à une plage de ± 1%. Tout écart supérieur est proscrit et peut conduire à la perte d’alimentation du réseau. Si, pour l’une ou l’autre raison, la demande d’électricité vient à excéder la production, il y a une baisse de fréquence, les forces électromagnétiques exercées par la charge ralentissant les machines tournantes. Si, au contraire c’est la production qui l’emporte, la fréquence augmente. Des écarts locaux peuvent être réduits grâce à l’interconnexion des réseaux.
La tension doit, elle aussi, être maintenue à sa valeur nominale, toute baisse (comme toute hausse) pouvant conduire à des dommages d’équipements. Tension et puissance réactive sont étroitement liées. Un déficit important de puissance réactive donne lieu à une chute de tension et peut conduire à la panne d’électricité. Le contrôle de la puissance réactive est donc essentiel et revêt différentes formes dont les plus courantes utilisent des bancs de condensateurs sur lignes ou une électronique de puissance dénommée FACTS (Flexible Alternating Current Transmission System) décrite dans les références [5,6].
L’interconnexion est un garant de solidarité dans l’instant. Mais celle-ci a des limites. Si des conditions locales mettent l’équilibre du système global en difficulté, la zone problématique est isolée pour assurer la protection de l’ensemble. L’histoire des blackouts offre de nombreux exemples de cette situation.
Dans un passé proche, la production était assurée en totalité par des alternateurs, puissantes machines tournantes. Une fraction importante de cette production – en particulier celle dont les coûts variables étaient les plus faibles – fonctionnait en base pour répondre à une demande permanente de puissance. La production dont les coûts variables étaient les plus élevés ne fonctionnait qu’une partie du temps pour répondre à la demande de moyenne utilisation et de pointe. Le concept exigeait beaucoup d’attention, mais sa gestion était parfaitement maîtrisée depuis longtemps. Il n’empêche que, de temps en temps des blackouts survenaient. L’arrivée des EnRI a compliqué le problème : intermittence et variabilité, priorité d’accès au réseau, décentralisation, diversité des productions et des producteurs (avec apparition des prosumers, les producteurs consommateurs) rendent le système plus fragile et donc beaucoup plus difficile à maitriser. Les progrès fulgurants des technologies numériques et de l’intelligence artificielle permettront-ils de garantir la robustesse du système électrique ? Et à quel prix ? Les incertitudes règnent ici en maîtres.
1. Grands blackouts du passé
L’examen de grands blackouts passés permet d’en découvrir les causes et les développements qui suivent. Le Tableau 1 énumère des ruptures d’approvisionnement célèbres rangées par ordre décroissant du nombre d’individus affectés. Il montre que de grands blackouts surviennent dans des pays dont les systèmes électriques ne sont pas nécessairement très robustes (Asie, Amérique du Sud). Mais ils surviennent aussi dans des pays mieux équipés, en Amérique du Nord et en Europe.
On retiendra aussi que tout ne se réduit pas au nombre de victimes (décès ou autres) : la dernière ligne fait état du blackout de 2017 à Porto Rico et aux îles Vierges, provoqué par l’ouragan Maria. Des habitants de ces régions ont été privés d’électricité pendant plus d’un an. En nombre d’hommes-heures privés d’électricité, c’est le blackout le plus important jamais survenu dans le monde.
La typologie des événements présente des aspects communs. Un blackout a toujours une cause initiale. Celle-ci est souvent météorologique. Il peut y avoir des combinaisons de causes, par exemple, météorologiques et techniques.
1.1 Blackout d’Inde (2012).
Le blackout le plus important est celui qui a affecté l’Inde en juillet 2012, près d’une moitié de la population ayant été privée d’électricité durant près de deux jours [9]. Un grand blackout s’y était déjà produit en 2001, mais les conséquences en avaient été moins graves. L’Inde est le troisième producteur mondial d’énergie électrique après la Chine et les États-Unis. La consommation moyenne annuelle y est de 1,14 MWh/hab, environ un sixième de celle d’un résident européen.
Les 30 et 31 juillet 2012, le pays subit deux blackouts de grande ampleur, une petite moitié de la population dans les États du Nord et de l’Est (Rajasthan, Haryana, Madhya- et Uttar Pradesh) subissant les conséquences d’un effondrement du système électrique. L’été étant très chaud et la mousson, en retard, la demande d’électricité est forte dans le Nord pour du pompage d’eau dans les rizières. A cette date elle provient de l’Ouest et de l’Est où la demande est plus faible. Les lignes THT sont très chargées. Le déclenchement en milieu de nuit de la ligne Bina-Gwalior-Agra (Madhya-Pradesh) engendre une cascade d’événements avec perte en moins d’une minute de 32 GWe sur les 110 GWe de l’ensemble du pays. Trois cents millions d’habitants de la région Nord sont privés d’électricité. Le maintien de 6 GWe permet toutefois à des services publics de fonctionner plus ou moins. Les installations du réseau sont progressivement remises en route et la situation redevient normale en milieu d’après-midi.
Le lendemain vers 13h00, un incident sur la même ligne THT aboutit au décrochage de 48 GWe, privant d’électricité 620 millions d’habitants dans 22 des 28 états de l’Union. Les systèmes de transport sont affectés de même que certaines exploitations minières, des ouvriers étant bloqués dans des ascenseurs. Comme la veille, la situation va progressivement être rétablie. Services de secours et transports redeviennent disponibles au bout de deux heures trente. Tout rentre dans l’ordre en fin de soirée.
Au niveau des causes de ces effondrements CERC, régulateur indien de l’électricité, en note plusieurs, parmi lesquelles en ordre principal l’inadaptation des réserves de puissance réactive du système [10]. C’est, avec la défaillance de mécanismes de défense des grands équipements, une des raisons essentielles des blackouts de grande ampleur.
1.2 Blackout USA-Canada (2003).
Un blackout affecte le Nord-Est des États-Unis et l’Ontario à l’été 2003 [11]. Les réseaux de ces deux régions sont interconnectés, ce qui est loin d’exclure une panne de vaste étendue. Celle de 2003 a fortement marqué les esprits et obligé les autorités de régulation à prendre des mesures, comme l’explique un rapport conjoint américano-canadien publié en 2004 [12]. Un blackout avait eu lieu en 1965 dans la même région, sur une étendue plus réduite, équivalent à 7 fois la Belgique. Trente millions d’habitants avaient été privés d’électricité pendant 13 heures. En 2003, ce sont 55 millions d’habitants qui sont être privés d’électricité. Pour les mieux lotis, la panne est de deux jours alors que pour les plus éloignés des centres urbains, elle durera près de deux semaines.
L’événement a lieu le 14 août en milieu d’après-midi. En l’espace de trois minutes, plusieurs dizaines de GWe sont déconnectés du réseau, lignes et postes de transformation étant mis hors-circuit pour des raisons de surcharge ou de protection des équipements. Le blackout est l’aboutissement d’une situation qui a commencé à se dégrader deux heures plus tôt dans les environs de Cleveland-Ohio. La consommation d’électricité est importante, l’été étant chaud. FirstEnergy est responsable des événements initiateurs d’une panne qui, très localisée au départ, va peu à peu s’étendre et affecter par effet d’avalanche une très large région des États-Unis et du Canada. Vers 13h30 une centrale thermique située au bord du lac Érié est mise à l’arrêt. La demande restant inchangée, certaines lignes HT atteignent leur charge limite. Sous l’effet de la dissipation résistive, la flèche d’une ligne augmente et celle-ci finit par heurter des arbres le long du couloir de passage. Il en résulte un court-circuit et une mise hors service. Le remède consiste à gérer la demande en pratiquant des délestages. Si rien n’est fait, la charge est reportée sur d’autres lignes qui tôt ou tard seront confrontées à la même situation.
Les opérateurs de FirstEnergy n’ont pas conscience de la défaillance du système d’alarme de leur salle de contrôle pour cause de bug dans le software de gestion. L’alarme aurait dû les avertir de l’état de surcharge du réseau. La situation va durer plus d’une heure et dans l’intervalle six lignes THT auront été mises hors service (dont trois par contact avec des arbres). Si, à la dernière mise hors service, 1.5 GWe de charge avaient été délestés, le blackout aurait pu être évité. Mais ce n’est pas le cas et l’avalanche est déclenchée vers 16h05 (voir figure 4 partie droite). En quelques minutes, plusieurs dizaines de GWe dans 265 centrales subissent un délestage touchant 55 millions d’habitants dans la zone Nord-Est du territoire américain. Le rapport officiel des autorités de régulation est sévère à l’égard de FirstEnergy et pour l’ISO de la région Nord-Est (voir [12]). Il lie l’événement à quatre causes en rapport avec la gestion du système électrique. Les conséquences de cette panne sont évaluées à 12 décès et un coût compris entre 6 et 10 milliards de dollars.
1.3. Blackout d’Italie (2003).
Peu de temps après le blackout nord-américain, un événement d’ampleur comparable a lieu en Italie, dont le déroulement offre de fortes similitudes [13]. A l’aube du 28 septembre, tout le pays – hormis la Sardaigne et l’île d’Elbe – est privé d’électricité pour des durées allant de 3 à 16 heures.
L’Italie importe 6 GWe de Suisse et de France lorsqu’à 03h00 un court-circuit avec des arbres a pour effet de déclencher la ligne THT du col de Lukmanier dans les Alpes suisses. S’ensuit une réduction de puissance avec report sur des lignes voisines. Très rapidement d’autres courts-circuits avec des arbres provoqués par la dilatation thermique des câbles, font baisser la fréquence à 49Hz. A cet instant le réseau italien est isolé du réseau européen. Une réduction de charge par arrêt de stations de pompage est insuffisante. La fréquence chute à 47.5Hz. Le phénomène est amplifié par le fait que cette nuit-là à lieu « la nuit blanche », initiative qui invite les gens à vivre la nuit. En une demi-heure tout le réseau italien s’effondre. Le retour à la normale prendra 16 heures dans la partie Sud du pays et en Sicile. L’événement est analysé dans un rapport UCTE publié en 2004 (voir [14]). Nous reviendrons sur cet événement plus loin dans la section 4 consacrée à l’évaluation des conséquences économiques de grands blackouts.
1.4. Blackout d’Europe occidentale (2006)
Le 4 novembre 2006, une interruption de fourniture d’électricité affecte une grande partie de l’Europe occidentale, suite à un événement initiateur en Allemagne (voir [15,16]). Un paquebot de croisière doit remonter la rivière Ems et passer sous la ligne à 380 kV Conneforde-Diele. Pour des raisons de sécurité cette ligne est désactivée, ce qui est une opération de routine. Mais, les conditions météorologiques sont telles que l’Ouest européen est en forte consommation, tandis que la région Nord-Est est en surproduction éolienne. La désactivation de la ligne reportant la charge sur d’autres lignes, celles-ci finissent par déclencher. Une demi-heure après l’événement initiateur, le réseau UCTE est divisé en trois régions : la région Ouest en surconsommation avec une fréquence de 49Hz, la région Nord-Est en surproduction avec une fréquence de 51Hz et la région Sud-Est en légère surconsommation avec une fréquence de 49.75Hz.
Des délestages en série dans la région Ouest – avec répercussions au Maroc – affecteront 15 millions de personnes. Le réseau revient à l’équilibre au bout d’une heure et demie de pannes dont la responsabilité incombe largement aux difficultés de contrôle des EnRI.
1.5. Blackout du Royaume-Uni (2019).
Le 9 août 2019 en milieu d’après-midi, une interruption d’alimentation en électricité a lieu en Angleterre. Selon le critère rappelé plus haut, cette interruption mérite à peine le nom de blackout puisqu’elle n’a affecté qu’un million de personnes pendant un peu plus d’une heure. Mais, pour les personnes concernées, elle a dû être ressentie comme un événement majeur. Qui plus est, son association avec les énergies renouvelables en fait un prototype d’événement à venir.
L’événement initiateur – impact de foudre sur une ligne THT – a lieu près de Cambridge. Le déclenchement de la ligne prive le réseau de 500 MWe de production. L’événement n’est pas isolé. A peu près au même instant, un arrêt de centrale TGV (641 MWe) et le décrochage de l’éolien off-shore de Hornsea entraînent une perte de puissance qui s’élève au total à 1,9 GWe. Environ 1,1 million de résidents anglais sont privés d’électricité, en particulier dans les transports publics (figure 6). Les conséquences se font fait sentir des Cornouailles jusqu’aux frontières de l’Écosse en passant par le pays de Galles. La panne va durer un peu moins d’une heure grâce à l’efficacité du GRT anglais ESO (Electricity System Operator).
La Figure 7 montre l’évolution temporelle de la fréquence du réseau. Comme on peut le voir, l’excès de demande provoque une chute assez rapide de celle-ci en dessous de la valeur de 49 Hz, ce qui est inadmissible. Le gestionnaire prend deux décisions : le délestage d’une partie de la consommation pour éviter l’effondrement complet du système et la mise en route d’une réserve de puissance de 1,24 GWe. La fréquence remonte aussitôt et repasse à la valeur nominale après un léger excédent passager, résorbé par la restitution progressive de la demande délestée.
L’événement est analysé en détail dans un rapport officiel du ministère anglais de l’industrie (BEIS), résultat de l’enquête menée par un comité ad-hoc dénommé E3C (voir [18]).
2. Blackout et production électrique décentralisée
La mutation en cours du système électrique européen avec une part fortement croissante des EnRI dans la panoplie de production présente de nombreux défis, dont des risques accrus d’instabilité de fourniture. Ces défis sont analysés en détail dans une étude d’EDF [19]. L’ambition de l’UE et des producteurs d’EnRI étant d’aller jusqu’à couvrir la totalité des besoins en électricité d’ici 2050, il est certain que ceci aura des conséquences sur la capacité du réseau à résister à des déséquilibres. Évaluer les conséquences en termes de fréquence et de taille d’incidents est difficile. Les développements qui suivent vont tenter d’y répondre le mieux possible.
La Figure 8 illustre la différence entre une production centralisée à l’aide de machines tournantes et une production décentralisée combinant éoliennes, panneaux solaires photovoltaïques et production pilotable. L’équipe de cyclistes pédalant de concert symbolise le synchronisme du système. Celui-ci possède une inertie considérable due aux masses en rotation qui garantissent la stabilité de la fréquence face aux chutes de cette dernière provoquées par un excès temporaire de la demande. Les installations thermiques et nucléaires ont la caractéristique de former le réseau. Ce n’est pas le cas de la production décentralisée qui est dépourvue de cette inertie[4]. Transmission de puissance et mise en synchronisme se font ici au travers d’électronique appropriée. Des compensateurs synchrones facilitent la liaison, mais, au total, la production décentralisée ne forme pas le réseau, elle le suit : là gît une différence essentielle qui s’ajoute aux caractéristiques de variabilité et d’intermittence.
L’accroissement de la proportion d’EnRI rend donc le réseau beaucoup plus fragile. Des ruptures de fourniture – pas nécessairement des blackouts – peuvent survenir plus fréquemment. La gestion du blackout anglais de 2019 montre que si une réserve de puissance pilotable de 1,92 GWe n’avait pas été disponible, le retour à la normale aurait été beaucoup plus long. Le maillon faible des EnRI en matière de blackout se trouve là : avec des proportions plus élevées d’EnRI le retour à la normale après un incident risque d’être notablement plus long.
Le gestionnaire de réseau français RTE et l’Agence Internationale de l’Energie (IEA) ont publié récemment une analyse de l’impact d’une forte pénétration des renouvelables sur la robustesse du système [20]. Quatre points ont fait l’objet d’une attention particulière : la stabilité du réseau, sa sécurité d’approvisionnement, la disponibilité de réserves d’équilibrage et le développement du réseau de transport.
Pour les deux premiers points, le ton est particulièrement prudent. Le rapport prend acte avant tout du besoin de démonstration industrielle des solutions proposées par les promoteurs de ces technologies. Pour les deux autres points (réserves d’équilibrage et moyens de transport et distribution), il souligne l’importance des chantiers futurs pour la création des infrastructures nécessaires. Le rapport soulève également un point particulier à propos du solaire PV moins facile à intégrer au réseau que l’éolien, ce qui n’est pas anodin si on songe au rôle attribué au PV dans l’avenir comme on le verra plus loin.
L’élément le plus important réside peut-être dans la gestion de la demande. Cette expression floue (pour les non-initiés) désigne des ruptures délibérées d’approvisionnement, organisées par les GRT de façon à gérer au mieux l’équilibre du réseau et éviter un effondrement total de ce dernier.
Ainsi, les blackouts de Californie dont on a parlé en août 2020 n’étaient pas exclusivement des blackouts au sens strict, mais en partie de la gestion de demande ; c’est-à-dire des ruptures de fourniture permettant d’éviter le pire sur un réseau électrique à la limite de ses réserves. De même, face au décrochage du site Hornsea en août 2019, le gestionnaire anglais ESO a procédé de cette façon. On peut multiplier les exemples : certains parmi les nombreux blackouts d’Australie du Sud – région à 51% d’EnRI – en 2016 et 2017, ont été gérés de façon assez semblable (voir [21]).
La gestion de la demande d’énergie électrique est une nécessité. La question se pose toutefois de savoir s’il faut s’engager aveuglément dans un système électrique dont la gestion impliquera de plus en plus de mises à l’arrêt volontaires, en des circonstances pas forcément exceptionnelles si on songe aux caractéristiques physiques de l’intermittence ? Le rapport RTE-IEA mentionne de façon déguisée les difficultés prévisibles à venir (voir [20]). La fréquence des grands blackouts ne sera probablement pas plus élevée que précédemment. Mais la gestion de la demande donnera lieu à des ruptures [interruption d’alimentation ?] plus fréquentes qui affecteront des composantes sélectionnées de la demande.
3. L’utopie des 100% renouvelables
Certains prétendent que l’on peut à arriver à 100 % d’électricité renouvelable. Par exemple, une équipe de l’université de Stanford avance la possibilité pour 139 pays de se passer totalement d’énergies fossiles, de nucléaire et de combustibles biologiques en 2050 [22,23]. La solution consiste en l’électrification complète du système énergétique à l’aide du WWS (Wind, Water, Sun). Les auteurs de l’étude vont jusqu’à affirmer que 80% de l’objectif pourrait être atteint en 2030 et avancent une baisse d’environ 50% de la puissance installée nécessaire par rapport à celle d’un scénario ‘Business As Usual’ (BAU). Cette vision est partagée par d’autres chercheurs et par J. Rifkin, chantre de la troisième révolution industrielle basée sur l’hydrogène [24,25].
Les travaux de l’équipe de Stanford et les ouvrages de Rifkin ne décrivent rien d’autre que le Green New Deal du parti démocrate américain, et la version européenne de cette charte baptisée European Green Deal. Le projet est profondément utopique comme plusieurs critiques n’ont pas manqué de le montrer [26-28]. De nombreux indices (comme, par exemple, l’insistance sur les créations d’emplois) inclinent à penser que le projet WWS est autant – sinon plus – un projet de transformation de société qu’un projet de mutation technologique, avec toutes les conséquences (sous-évaluées) que ceci peut entraîner.
La Figure 9 illustre de manière synthétique les conclusions de l’étude pour les 139 pays concernés. En 2012, la puissance délivrant l’énergie finale de ces pays s’élevait à 12,105 TW, essentiellement au départ de combustibles fossiles. Dans le scénario BAU avec ces mêmes combustibles, en 2050 la puissance devrait s’élever à 20,604 TW. L’adoption du 100% WWS accompagné de mesures d’efficacité énergétique et d’économies d’énergie pourrait abaisser cette puissance à 11,840 TW, avec une production d’énergie finale de 1,037 105 TWh.
La Belgique étant comprise dans la liste de ces pays, il est intéressant d’examiner les chiffres qui la concernent. Ils permettent de réaliser tout ce que le projet implique : ampleur et coût probable de cette mutation avec fragilité du système face aux blackouts.
Selon le scénario WWS, le pays devrait disposer de 328,7 TWh d’énergie finale, un montant en recul de 38% par rapport à celui du scénario BAU (527,98 TWh). En admettant que le pays n’ait recours qu’au solaire photovoltaïque (69,2%), à l’éolien terrestre (8%), à l’éolien en mer (22%) et à l’hydroélectricité (0,8%) comme le suggère la figure 9, on peut facilement évaluer l’infrastructure que le scénario implique. Les résultats sont inclus au Tableau 2.
L’importance de la part du solaire dans ce scénario et la faiblesse du facteur de charge de cette énergie variable et intermittente en Belgique (~10%) explique la multiplication par 43 de la taille du parc à installer. En ce qui concerne les productions éoliennes, les investissements à opérer seront eux aussi très élevés. Le scénario 100% WWS étant impossible à réaliser sans accompagnement de moyens considérables de stockage, la possibilité de ruptures d’alimentation est bien réelle si on s’en tient aux remarques de l’étude RTE-AIE [19]. Même à une échéance de 30 ans, une pareille mutation du système énergétique est difficile à concevoir et sera très coûteuse. Elle renforce la qualification du projet en tant que ‘projet de société’ comme on l’a suggéré plus haut.
Dans l’immédiat c’est l’éolien qui domine. Aux critiques formulées par les techniciens à l’égard de l’intermittence, les partisans des renouvelables opposent l’idée de ‘foisonnement’. Pour ceux qui l’invoquent, le vent absent en un endroit donné est disponible à une certaine distance et l’énergie produite peut être délivrée là où on en a besoin. La distribution instantanée du vent sur un secteur peut donc être ‘lissée’ si on élargit ce secteur.
De nombreux chercheurs ont montré que ceci est faux. La Figure 11 montre la distribution horaire pour 2012 de la puissance éolienne (en MWe) dans six régions du continent européen avec des régimes de vents assez dissemblables. Si lissage il y a, ce lissage est relativement limité, le régime des vents étant essentiellement aléatoire avec de fréquentes périodes où le vent est quasi absent de l’Espagne au Danemark et de l’Irlande à l’Allemagne. En quelques heures la puissance éolienne peut être réduite d’un facteur compris entre 5 et 11. Une telle volatilité peut avoir un sérieux impact sur l’impératif de stabilité exprimé à travers les relations (2) d’égalité des puissances actives et réactives. Ces deux contraintes seront infiniment plus difficiles à réaliser avec un système électrique dont les sources sont aléatoires et intermittentes à 100% qu’avec un système dans lequel elles sont pilotables. Des blackouts ont lieu dans le second cas. Ils seront plus fréquents dans le premier.
Le quasi-blackout européen du 8 janvier 2021 et les difficultés du réseau allemand début août de cette année ont rappelé le côté indispensable de la production pilotable. Sans moyens de stockage colossaux, interconnexions étroites entre les réseaux nationaux voisins, pour le système à 100% d’EnRI, l’équilibre sera extrêmement difficile à garantir et le coût en sera considérable.
4. ‘Blackout Simulator’ outil d’évaluation économique
Les risques accrus d’instabilité de fourniture d’énergie électrique poussent au développement d’outils économétriques souples et très documentés pour évaluer les coûts de blackouts. L’Energie Institut de la Johannes Kepler Universität Linz (Autriche) a développé une grande expertise dans ce domaine. Ce sujet – pluridisciplinaire – est très complexe. Comment attribuer une valeur marchande à des pertes essentielles au fonctionnement d’activités économiques ou d’activités sociales qui échappent à l’évaluation marchande ?
Dans un premier temps l’équipe de chercheurs a élaboré une méthodologie pour l’évaluation des coûts indirects et à long terme d’un blackout en Autriche, nommé APOSTEL (Austrian Power Outage Simulation of Economic Losses), décrit dans la référence [31]. Sur base de cette méthodologie, l’équipe a développé ensuite un outil de calcul intitulé Blackout-Simulator pour l’estimation des conséquences d’un événement majeur à l’échelle de l’UE des 28, dans le cadre du projet européen SESAME[5] de protection des infrastructures [32]. L’outil est disponible à l’adresse http://www.blackout-simulator.com/.
Méthodologie et base de connaissance ayant servi à la réalisation du logiciel sont exposés dans un volumineux rapport datant de 2013 [33]. On y trouve une synthèse de l’enquête publique qui a conduit à des interviews de 250 ménages dans chacun des pays de l’Union. Une étude très fouillée sur les conséquences d’un blackout réalisée par l’Office for Technology Assessment (D) à la demande du parlement allemand mérite elle aussi une lecture attentive [34].
On trouvera une description plus complète de l’outil de calcul dans ‘Evaluation du coût de blackout dans l’Union Européenne’ publié sur ce site. Cette description est accompagnée d’un certain nombre d’exemples numériques relatifs aux coûts des blackouts en Italie (2003), en Europe occidentale (2006) ainsi qu’à ceux de blackouts hypothétiques en Belgique.
5. Conclusion
Il semble que la production d’électricité soit un secteur dans lequel le slogan bien connu des gens avisés ‘On ne met pas tous ses œufs dans le même panier’ n’ait plus cours. Ceci montre à quel point la posture officielle est de nature idéologique. La robustesse du système électrique face à des événements extérieurs diminue fortement avec la pénétration des renouvelables intermittentes et variables dans la production. Avec des moyens pilotables de plus en plus réduits, la robustesse est gravement compromise. Des ruptures auront donc lieu. Avec quelle fréquence ? Il est impossible de le dire !!
L’engouement de milieux officiels – voire même de milieux économiques – pousse vers un système électrique beaucoup plus fragile. C’est lui seul vers lequel on se dirige. Il est temps de réaliser que ceci est une profonde erreur. Ce système n’est pas le seul à répondre aux impératifs de défense du climat. Il faut en prendre acte et admettre que sans l’introduction de moyens de production pilotables, la robustesse – garante d’un approvisionnement à la demande – est un leurre. Il est essentiel d’éviter un retour très désagréable vers un âge antérieur.
Références
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Panne_de_courant
[2] M. Jufer, Y. Perriard, ‘Electro-Technique – Base de l’électricité’, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, Lausanne, 296pp (2014),
[3] Règlement (CE) No 714/2009 du 13 juillet 2009 sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité et abrogeant le règlement (CE) no 1228/2003 –
https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:211:0015:0035:FR:PDF
[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/North_American_Electric_Reliability_Corporation
[6] Y. Besanger, ‘Etude des FACTS (Flexible AC Transmission System) et de leur comportement dans les réseaux de transport et d’interconnexion’, Thèse de doctorat en Génie Electrique, INPG (1996),
[7] https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_pannes_de_courant_importantes
[9] https://fr.wikipedia.org/wiki/Panne_de_courant_de_juillet_2012_en_Inde
[10] CERC, ‘Report on the grid disturbances on 30th and 31st July 2012’ – http://www.cercind.gov.in,
[11] https://en.wikipedia.org/wiki/Northeast_blackout_of_2003
[12] U.S.-Canada Power System Outage Task Force, ‘Final Report on the August 14, 2003 Blackout in the United States and Canada: Causes and Recommendation’, USDOE, April 2004
[13] https://en.wikipedia.org/wiki/2003_Italy_blackout
[14] UCTE, ‘Final Report of the Investigation Committee on the 28 September 2003 Blackout in Italy’, April 2004
[15] RTE, ‘Eléments factuels sur les coupures d’électricité en Europe le 4 novembre 2006’
https://www.econologie.com/fichiers/partager2/12778300338nypiX.pdf
[16] UCTE, ‘Final Report System Disturbance on 4 November 2006’, Brussels, 84pp, 2007
[17] P.-F. Bach, ‘The Accident waiting to happen: Lessons Learned after British Power Disruptions’, 24/09/2019
[18] BEIS Department, ‘GB power system disruption on 19 August 2019’, E3C Committee final report, Jan 2020.
[19] V. Silva et al. ‘Analyse technico-économique d’un système électrique européen avec 60% d’énergies renouvelables’, REE N°5, 40-53, 2016,
[20] IEA et RTE ‘Conditions et prérequis en matière de faisabilité technique pour un système électrique avec une forte proportion d’énergies renouvelables à l’horizon 2050 – Synthèse’, 2021
[21] M. Warren, ‘Blackout : How is Energy Rich Australia running out out of energy ?’ CIGRE (2019)
https://www.cigre.org/article/GB/blackout-how-is-energy-rich-australia-running-out-of-energy
[22] M.Z. Jacobson, M.A. Delucchi et al. ‘100% Clean and Renewable Wind, Water, and Sunlight All-Sector Energy Roadmaps for 139 Countries of the World’, Joule 1, 108-121, (2017)
[23] M.Z. Jacobson, M.A. Delucchi, M.A. Cameron, B.V. Mathiesen, ‘Matching demand with supply at low cost in 139 countries among 20 world regions with 100% intermittent wind, water, and sunlight (WWS) for all purposes’, Renewable Energy, 123, 236-248 (2018),
[25] J. Rifkin, ‘La troisième revolution industrielle’, LLL, 412p (2012)
[26] C.T.M. Clack et al., ‘Evaluation of a proposal for reliable low-cost grid power with 100% wind, water, and solar’, PNAS, 114, 6722-6727 (2017)
[27] W. Zappa, M. Junginger, M. van den Broek, ‘Is a 100% renewable European power system feasible by 2050 ?’, Applied Energy, 233-234 (2019) 1027-1050
[28] S.Furfari, E.Mund, ‘Is the European green deal achievable ?’, Eur. Phys. J. Plus, 136 : 1101 (2021)
[29] M.Z. Jacobson, M.A. Delucchi et al. ‘100% Clean and Renewable Wind, Water, and Sunlight All-Sector Energy Roadmaps for 139 Countries of the World – Supplemental Information’, Joule 1, 122 (2017)
[30] H. Flocard, J-P. Pervès, ‘Intermittence et foisonnement de l’électricité éolienne en Europe de l’Ouest’, SLC
https://www.sauvonsleclimat.org/fr/base-documentaire/intermittence-et-foisonnement
[31] J. Reichl, M. Schmidthaler, F. Schneider, ‘Power Outage Cost Evaluation: Reasoning, Methods and an Application’, J. Sci. Res. Rep. 2:249-276 (2013).
[32] M. Schmidthaler, J. Reichl, ‘Assessing the socio-economic effects of power outages ad hoc – An application of BLACKOUT-SIMULATOR.com covering 266 European regions, 9 economic sectors and households separately’, Comput. Sci. Res. Dev. 31:157-161 (2016).
[33] F. Gutierrez et al, ‘Public Effects Knowledge Base’, Project SESAME, 381p (2013)
https://www.researchgate.net/publication/273042535_Public_Effects_Knowledge_Base
[34] Th Petermann et al. ‘What happens during a blackout – Consequences of a prolonged and wide-ranging power outage’, Final Report – Technology Assessment Studies Series-4, German Bundestag, 252p, Sigma Ed (2011).
[1] Internet regorge d’informations parcellaires sur ce vaste sujet, auxquelles nous faisons référence. Ceci n’exclut pas l’intérêt d’un exposé synthétique qui est le but recherché.
[2] appelé Transmission System Operator TSO dans la terminologie anglo-saxonne
[3] Elia (Belgique), RTE (France), TenneT (Pays-Bas), TenneT, 50Hertz, Amprion, TransnetBW (Allemagne)
[4] On notera à cet effet sur la figure les liaisons symboliquement beaucoup plus lâches entre les productions décentralisées et le réseau que celles entre ce dernier et la production centralisée.
[5] Securing the European Electricity Supply Against Malicious and Accidental Threats
Article absolument remarquable et très bien documenté.
Comment se fait-il que nos gouvernants nationaux et européens si bien prévenus n’en tiennent aucun compte ?
Cher Monsieur,
Merci pour votre commentaire élogieux à propos de mon texte sur les blackouts.
Je me pose souvent la même question que vous à propos de décisions des dirigeants politiques nationaux et européens qui sont difficiles à comprendre étant donné les enjeux qu’elles impliquent. J’y vois principalement deux raisons.
En premier lieu, la méconnaissance des sujets en cause et un manque d’humilité à admettre cette méconnaissance qui implique de recourir à des avis autorisés pour prendre les bonnes décisions. Et de savoir quels sont les avis autorisés, ce qui n’est pas nécessairement chose facile.
En second lieu, nous ne sommes plus aux temps passés des grands hommes d’Etat. Les dirigeants actuels sont plutôt des suiveurs d’opinion et des gestionnaires du quotidien. C’est le triste revers de la démocratie qui par ailleurs offre d’immenses bienfaits que l’on ne peut remettre en question.
Dans la question que j’ai traitée, le nucléaire apparaît plus qu’en filigrane : rares seront les politiciens (en général ‘analphabètes’ sur ce sujet) à vouloir s’y mouiller, si ce n’est en parfaite connaissance de cause.
C’est ce qu’après mûre réflexion je pense profondément.
https://www.economiedenergie.fr/les-emissions-de-co2-par-energie/
https://www.economiedenergie.fr/les-emissions-de-co2-par-energie/
Les émissions de CO2 par énergie de chauffage pour la consommation d’1 kilowattheure
Système de chauffage Emission de CO2
Chaudière à bois 30 gCO2e/kWh
Pompe à chaleur 49 gCO2e/kWh
Réseau de chaleur 100 gCO2e/kWh
Radiateur électrique 147 gCO2e/kWh
Chaudière gaz 227 gCO2e/kWh
Chaudière fioul 324 gCO2e/kWh
Source : Ademe et Carbone 4 (2018)
Ces données mettent en évidence que les systèmes de chauffage au fioul et au gaz sont beaucoup plus nocifs pour l’environnement ; ils émettent bien plus de gaz à effet de serre qu’un chauffage électrique ou une pompe à chaleur.
C’est bien pour cette raison que les systèmes de pompes à chaleur sont particulièrement favorisés par des aides, et que l’Etat souhaite interdire l’installation de chaudières au fioul d’ici 2023.
A propos de Carbone 4
Fondé en 2007 par Alain Grandjean et Jean-Marc Jancovici, rejoints en 2017 par un dirigeant de grandes entreprises, Laurent Morel, Carbone 4 est un cabinet de conseil indépendant, leader de la stratégie climat, de la transition énergétique et de l’adaptation au changement climatique. Notre équipe accompagne les entreprises dans la transition vers une économie bas carbone et résiliente au changement climatique. « Téléchargez le communiqué » align= »center »
https://www.carbone4.com/communique-haut-conseil-climat
https://www.carbone4.com/communique-haut-conseil-climat
Et puis il y a aussi ce tableau
Les émissions des énergies pour la production d’électricité en équivalent CO2 (CO2e) en gramme par kilowattheure d’énergie finale :
Combustible Emission de CO2
Centrale à nucléaire 6 gCO2e/kWh (France)*
Eolien (en mer) 9 gCO2e/kWh
Eolien (en terre) 10 gCO2e/kWh
Hydroélectrique 10 gCO2e/kWh
Biomasse (déchets de bois avec turbine à vapeur) 32 gCO2e/kWh
Géothermie 38 gCO2e/kWh
Electricité (chauffage) 210 gCO2e/kWh
Gaz naturel 443 gCO2e/kWh
Pile à combustible 664 gCO2e/kWh
Centrale fioul-vapeur 730 gCO2e/kWh
Pétrole lourd 778 gCO2e/kWh
Centrale à charbon 1 058 gCO2e/kWh
Moi les bras m’en tombent; je vais remettre des poêles à bois partout et raser ma forêt
D’ailleurs je pense que ma prochaine voiture électrique marchera avec un four à bois qui émet 20 fois moins de CO2 qu’un four à pétrole pour la même production électrique
C’est en effet un constat qui est partagé. Sachez que vous n’êtes pas seul. Par contre en tant que homme curieux et toujours à l’analyse et aussi Ingenieur civil, une solution de maîtrise du stockage de l’énergie solutionnerait cette question et apporterait une vrai révolution dans ce domaine. Des pistes de solutions doivent être explorées encore faut-il que cette révolution ne soit pas entravée par des enjeux stratégiques géopolitiques … c’est un sujet crucial, passionnant mais mal jugé par les non sachants.
Merci pour votre article.
tout qui a une certaine idée de la gestion d’un réseau sait depuis… l’érection de la première éolienne que cela ne peut en aucun cas servir à qui que ce soit,
https://www.sauvonsleclimat.org/fr/base-documentaire/eolien-et-systeme-de-production-delectricite
tout ceci est connu, incontestable, mais chut,il ne faut pas en parler
Ce qui concerne nos voisins aura un retentissement évident sur la Belgique en 2025 !
Un même cirque idéologique de pays à pays et jusqu’au niveau Union Européenne ?
En FR ils subissent une psycho-rigide (Mme Pompili) dont tout rationnel reste absent.
En BE fédérale ils subissent la politique de sa parfaite clonée : une Mme Tinne VDS.
RTE ? Nos amis belges dresseront facilement l’analogie avec ELIA et ses ‘régulateurs’.
Lisons ainsi les news EuropeanScientist.com ? https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/production-electrique-nationale-au-pied-du-mur-sans-echelle-mais-dans-lincantation/
Auteur Gerard Petit – 10.01.2022
[[ PRODUCTION ELECTRIQUE NATIONALE:
>>> Au pied du mur, sans échelle, mais dans l’incantation]]
Alors que les périls montaient, beaucoup de propos publics ont été tenus destinés à rasséréner une opinion dont l’inquiétude pointait, mais ces arguments ont été jugés faussement rassurants, voire mensongers, par les professionnels.
Récemment, face à une réalité préoccupante, la Ministre de l’Environnement, dont l’autorité couvre aussi l’Industrie, a feint de s’étonner que le système de production électrique français, dévoyé depuis des années, soit arrivé au pied d’un mur infranchissable.
En réaction tragi-comique, la Ministre a tancé les acteurs du secteur, car ils seraient frappés de léthargie, mais pourtant dotés de « super-pouvoirs », qu’il suffirait juste d’activer.
Pensait-elle à ceux du « Passe muraille » de Marcel Aymé, dont on doit rappeler qu’à force d’user et d’abuser de la martingale, il a fini prisonnier d’un mur ?
>>> Intermittences renouvelables…. à l’envi !
Depuis de longues années, l’évolution de la structure de l’appareil de production électrique national a été guidée par une boussole idéologique, sans vouloir considérer qu’accroitre massivement les EnRi (0), tout en diminuant significativement les moyens pilotables, mettraient fatalement le système en état de grande vulnérabilité technique et économique. (suite sur le site)
>>> Nucléaire : reddition au-delà, résistance en deçà
En France comme en Allemagne, éoliennes et panneaux PV ont été présentés comme un moyen efficace pour faire reculer le nucléaire, car derrière les autres bonnes raisons avancées, c’est bien cet objectif qui est d’abord visé par les écologistes, les « vrai de vrai », dont c’est le signe de reconnaissance. (suite sur le site)
>>> On atteint l’acmé
Longtemps «château d’eau électrique de l’Europe », grâce à une forte base nucléaire, un appoint hydraulique souple et performant et des moyens de pointe thermiques bien dimensionnés, la France se trouve aujourd’hui en forte insécurité électrique, devenue largement dépendante de ses voisins. (suite sur le site)
>>> Eclipse nucléaire, mais pas seulement
Mais c’est indéniablement la faible disponibilité actuelle du parc de production nucléaire qui a mis en évidence la vulnérabilité de notre système électrique.
Ce bas historique est la conjonction de plusieurs facteurs, certains inévitables et d’autres plus contingents.
Sans surprise, l’antienne « des œufs tous placés dans le même panier » n’a pas tardé à resurgir, sans plus de fondements que précédemment, l’origine du problème se situant basiquement dans une absence structurelle de marges, qui met immédiatement le système en tension (curieuse magie de mots…), dès que l’outil « cœur du système = le nucléaire», accomplit une moindre performance. (suite sur le site)
>>> Même dans l’hypothèse où….
Cependant, même en imaginant que l’ensemble des réacteurs soient disponibles en même temps, au moment des périodes de fortes demandes (l’un des objectifs clés des plannings de rechargement et de maintenance), et une situation qu’on pouvait rencontrer dans le passé, cela ne suffirait pas, loin s’en faut à combler l’important déficit qu’on a laissé se creuser. (suite sur le site)
>>> N’habite pas à l’adresse indiquée…
Préoccupée, à raison, par la situation actuelle, Madame Pompili s’est spontanément tournée vers EDF pensant y trouver les leviers qu’il faudrait activer pour sortir de l’impasse, mais c’est se tromper d’adresse. Nous ne sommes plus au temps où EDF avait, seule, la charge d’assurer l’équilibre production-consommation en temps réel et en prévision MT-LT, tâche dont elle s’acquittait fort bien. EDF n’est plus aujourd’hui qu’un des contributeurs, le plus gros certes, mais qui a été dépossédé par la loi (5) des missions précédemment décrites.
Aujourd’hui c’est RTE (6) qui a la charge d’assurer la continuité de la fourniture et de préparer l’avenir électrique et c’est donc vers cet organisme que la Ministre aurait dû se tourner. (suite sur le site)
>>> En guise de conclusion ?
Notre système est désormais dépendant de sources aléatoires, si le vent souffle, (comme en cette toute fin d’année) nous devenons même capables d’exporter, mais si le vent tombe (comme à la mi-décembre), il nous faut importer très significativement.
Longtemps, rapports annuels et communiqués réguliers de RTE, ont omis d’attirer l’attention sur ces périls qu’on pouvait augurer et ce n’est que récemment que la tonalité a changé, avec des alertes sur le passage des hivers à venir, sans qu’elles provoquent d’ailleurs aucune réaction pratique…jusqu’aux vains affolements récents.
…………………………………………………………………………………..
@Emmanuel qui a dit
« » » » » »En FR ils subissent une psycho-rigide (Mme Pompili) dont tout rationnel reste absent. » » » » »
Comment cela ?
lien laissé par mon ami Hug
https://www.hebergeur-image.com/upload/80.215.205.72-61ddb7854b433.jpg
Fritz
Je découvre ce document fort riche que je ne manquerai pas de faire connaitre.
Comme il est assez long ( ~25 pages A4) je me demande si sa lecture ne va pas rebuter ceux qui, de toute façon sont convaincus par des discours qui me semblent fallacieux ainsi ceux qui comptent sur le foisonnement pour l’éolien ou du solaire massif ( actuel x 43 d’ici 2050 !) sans solution de stockage « industrielle » de l’électricité.
Une synthèse en 3 pages me semblerait utile pour poser les quelques questions majeures pour animer le débat qui me semble encore plus nécessaire aujourd’hui, quelques mois après sa rédaction devenue encore plus pertinente à mon avis.
Par ailleurs j’ai été étonné par le chiffre donné dans un commentaire pour
Les émissions des énergies pour la production d’électricité en équivalent CO2 (CO2e) en gramme par kilowattheure d’énergie finale Pile à combustible 664 gCO2e/kWh
Soit 1,5 fois celui du Gaz naturel 443 gCO2e/kWh
C’est ce qui est affiché sur le site en référence, je m’interroge et conclus : nous avons besoin d’un site consolidant (avec éventuellement des plages de « confiance ») le chiffres clés afin que les débats ne soient pas dévoyés par des spéculations sur les fondamentaux.