Des nouvelles de l’lslande d’après Vedur.is 27/02/24

Brigitte Van Vliet-Lanoë, Directeur de recherche CNRS, 
Emérite, Brest, France

Alain Préat, Prof. Emérite, Université Libre de Bruxelles

La réactivation volcano-tectonique de la péninsule de Reykjanes (suture plaque européenne / américaine) a commencé en décembre 2019 et a induit jusqu’à présent, quatre intrusions de dykes et trois éruptions dans la région de Fagradalsfjall, ainsi que quatre intrusions de dykes et trois éruptions dans le système volcanique de Svartsengi, de la zone à la rangée de cratères de Sundhnúkur jusqu’à Grindavík (voir figure 1). L’activité magmatique crustale dans les faisceaux de failles de Fagradalsfjall et de Svartsengi est alimentée à son tour par le flux de magma provenant du manteau ou de la limite de la croûte-manteau (Halldórsson et al., 2022 ; Sigmundsson et al., 2024).

 Lorsque les troubles ont commencé en 2019, une série de tremblements de terre ont été détectés dans la région de Fagradalsfjall à des profondeurs comprises entre 3 et 7 km. Cette reprise d’activité volcanique sur la péninsule de Reykjanes n’était pas inattendue, compte tenu données historiques, les crises étant séparées par environ 800-1000 ans. La période précédente d’activité éruptive, Reykjaneseldar, a duré de 950 à 1240. L’activité historique a également basculé entre les systèmes volcaniques voisins.

Cette reprise d’activité depuis 3 ans s’est manifestée entre les systèmes faillés et volcaniques de Svartsengi et Fagradalsfjall.  Bien que les éruptions volcaniques de ces dernières années aient été relativement faibles à ce jour, l’activité historique suggère que les éruptions futures ont le potentiel de produire de plus grands volumes de lave. 

Une reprise de migration de magma sous la péninsule a été détectée le 21 janvier 2020 avec une forte augmentation de la sismicité et une déformation crustale marquant le premier épisode de soulèvement dans la région de Svartsengi, indiquant une accumulation de magma. Le premier dyke avec activité éruptive de la reprise d’activité en cours a toutefois eu lieu dans la région de Fagradalsfjall de février 2021 à août 2023 (figure 1).  

Figure 1. A) Partie occidentale de la péninsule de Reykjanes, au sud-ouest de l’Islande, montrant les systèmes volcaniques Svartsengi, Reykjanes (R) et Fagradalsfjall (F), les fractures, les essaims de fissures, l’axe central des limites des plaques, les laves Fagradalsfjall 2021-2023, et les champs de lave de la période éruptive précédente se terminant au 13ème siècle de notre ère. L’encadré montre l’Islande avec des essaims de fissures (zones jaunes) des volcans centraux (ovales pointillés) et la direction de propagation du champ lointain et la zone de la carte principale. Reproduit avec la permission de Sigmundsson et al. (2024). B) Déformation de la croûte terrestre par rapport à l’intrusion majeure de dyke du 10 novembre 2023, enregistrée, dans un interférogramme basé sur les données du satellite italien COSMO-SkyMed. Chaque frange de couleur correspond à 1,5 cm de soulèvement.

Vu les gonflements importants, les Islandais s ‘attendent à une reprise d’éruption d’ici une semaine d’après les données géophysiques. La péninsule de Reykjanes est caractérisée par une infiltration résultant en un aquifère d’eau de mer, exploité pour son énergie géothermique et touristique (‘Blue Lagoon). Vu la quantité de vapeur dégagée lors des éruptions et son impact sur le démarrage des éruptions de Svartengi, lors des très forts coefficients de marée (remontée de la nappe) les 12-13/02/2024 (116), nous nous attendons dans ce contexte, à la reprise de l’éruption ces-jours-là. Ce ne seraient pas les premières éruptions déclenchées par un contrôle tidal, comme pour les évènements de Svartengi 2023 et 2024 (Van Vliet-Lanoë et Préat, 2024). Même faibles, les forces de marées, mis à part l’ouverture de fissures, compriment régulièrement le réservoir magmatique et sa poche de gaz (vapeur d’eau et autres), induisant selon un rythme bimensuel (pleine lune et nouvelle lune) l’accroissement de pression dans la poche de gaz et une activité sismique soutenue lorsque le bouchon retenant le gaz est assez étanche (Girona et al., 2018).

Bibliographie

Girona T., Huber C., Caudron C. 2018. Sensitivity to lunar cycles prior to the 2007 eruption of Ruapehu volcano. Scientific Reports, vol. 8, article 1476.

Halldórsson, S. A., Marshall, E. W., Caracciolo, A. et al. 2022. Rapid shifting of a deep magmatic source at Fagradalsfjall volcano, Iceland. Nature, 609 (7927), 529-534.

Sæmundsson K., Sigurgeirsson, M., Friðleifsson G.Ó.  2018. Geology and structure of the Reykjanes volcanic system, Iceland. Journal of Volcanology and Geothermal Research 391(9). DOI: 10.1016/j.jvolgeores.2018.11.022.

Sigmundsson, F., Parks, M., Hooper, A., Geirsson, H., Vogfjörd, K. S., Drouin, V. … & Ágústsdóttir, T. 2022. Deformation and seismicity decline before the 2021 Fagradalsfjall eruption. Nature609(7927), 523-528.

Van Vliet-Lanoë, B. et Préat, A.  2024 : L’Islande, l’île de tous les dangers  https://www.science-climat-energie.be/2024/02/08/lislande-l-ile-de-tous-les-dangers/

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