2021  Les désastres dans les chiffres

par Ludwik Budyn, Licencié en Sciences Chimiques, Université Libre de Bruxelles

Le CRED (Center for Research on the Epidemiology of Disasters[1]) a publié, en avril dernier, un rapport analysant les conséquences des désastres naturels[2] survenus au cours de la période 2001-2021 : « 2021 Disasters in numbers[3] ».

S’y trouvent la figure et les commentaires suivants :

« Alors que le nombre de décès et le nombre de personnes touchées étaient inférieurs à leur moyenne sur 20 ans, l’année 2021 a été marquée par une augmentation du nombre de catastrophes et des pertes économiques[4] importantes » ;

« En 2021, un total de 432 événements catastrophiques a été enregistré, ce qui est considérablement plus élevé que la moyenne de 357 événements catastrophiques annuels pour la période 2001-2020 » ;

« Avec 252 milliards de dollars de dommages économiques signalés, 2021 est la quatrième année la plus dommageable enregistrée dans EM-DAT au cours des deux dernières décennies ».

Aux lecteurs de SCE ce dernier rapport n’apprendra rien de neuf. En effet, nous avons déjà présenté les données du CRED dans nos publications[5] précédentes.

C’est plutôt ce qu’il omet de dire qui est significatif.

Que dit le rapport ?

Si, en ce qui concerne les morts et les personnes affectées il confirme la diminution des chiffres au cours des vingt dernières années, au sujet du nombre des catastrophes naturelles, ainsi que des pertes économiques résultantes, il parle d’ « augmentations importantes » !

Commençons par la première de ces deux « augmentations importantes », celle du nombre des catastrophes naturelles.

Au vu du titre du rapport, et puisqu’il porte sur 20 ans, on se serait attendu à ce que le principal point abordé soit justement celui de l’évolution de la fréquence annuelle des désastres au cours de cette période.

Or, aucune courbe décrivant cette évolution n’apparaît dans le rapport et elle n’y est même pas évoquée. Étonnante absence…

Pallions à ce malencontreux oubli en présentant un diagramme réalisé par le CRED pour une étude[6] antérieure et qui nous dévoile cette évolution entre 2000 et 2019 :

On constate que l’« augmentation du nombre… considérablement plus élevé » des désastres naturels en 2021 s’inscrit, en réalité, dans une lente mais continuelle décroissance de ce nombre depuis le début du siècle[7], ce que le CRED oublie opportunément de rappeler !

Première omission donc.

Examinons maintenant la deuxième affirmation, celle de « pertes économiques importantes » survenues en 2021.

Munich Re[8] est un groupe d’assurance international, actif dans les domaines de la gestion des risques et de réassurance.

Bien qu’il adhère, dans son discours public, à l’idée d’un réchauffement climatique source de nouvelles menaces, il doit, dans la pratique, tenir compte des faits, notamment dans sa façon d’évaluer les dommages économiques et personnels engendrés par les désastres naturels. Une fois le tribut verbal au conformisme ambiant acquitté, la réalité des chiffres s’impose.

Car, contrairement aux organismes universitaires ou internationaux pour lesquels les prévisions catastrophistes constituent du pain béni sans lequel subsides et prestige se tariraient, l’assureur ne peut se permettre de couvrir biens et personnes sur la base d’hypothétiques projections échafaudées sur des modèles climatiques prévoyant des catastrophes sans fin.

Et la seule façon de le faire est de considérer l’impact passé des désastres, le seul dont on soit sûr, afin de déterminer des tendances et ajuster sa politique des prix.

S’il exagère cet impact, des primes trop élevées lui feront perdre des clients, mettant sa survie en jeu. Et s’il le minimise, des primes trop basses risquent de l’amener à la faillite.

Sa pérennité dépend donc d’une approche aussi objective que possible dans son évaluation de la réalité, ici les dommages économiques engendrés par les désastres naturels.

Munich Re décrit, dans un diaporama[9] dont la fiche ci-dessous est extraite, le fonctionnement de son système d’évaluation des risques :

Comme on le voit, intégrer uniquement l’inflation dans l’évaluation des dommages économiques consiste à croire que le nombre et le coût des infrastructures ne varient pas au cours du temps, c’est qui est évidemment absurde.

En tenant compte de l’augmentation de la population, de son urbanisation et du développement économique on constate qu’un désastre de même proportion causerait aujourd’hui beaucoup plus de dégâts, non parce qu’il se produit plus souvent ou est plus intense, mais parce que les biens susceptibles d’être détruits sont plus nombreux et plus onéreux.

La « normalisation », c’est-à-dire la prise en considération de l’évolution du PIB[10] dans l’évaluation des dommages économiques, tient compte de l’augmentation du nombre et du coût des cibles potentielles. Et en tenir compte est absolument nécessaire pour pouvoir comparer, valablement, les variations des données économiques au cours d’une période donnée.

Munich Re a réalisé, il y a quelques années, une étude[11] normalisée au PIB.

On voit ci-dessous l’évolution, entre 1980 et 2015, des dommages économiques causés par l’ensemble des désastres naturels :

On constate que les montants normalisés des dommages économiques causés par les désastres naturels ne montrent aucune augmentation au cours de la période envisagée, bien au contraire. Les quinze dernières années semblent même témoigner d’une diminution de ces dommages.

Cette diminution apparaît clairement lorsqu’on considère, dans le graphique suivant, uniquement les désastres météorologiques, hydrologiques et climatologiques, à l’exclusion des géophysiques, tels que tremblements de terre et volcanisme, qui ne semblent pas liés au climat :

Enfin, comme il est utile de confirmer des résultats en se basant sur différentes sources, on consultera le rapport[12] de 2021 de l’assureur Swiss Re, rapport dont est tiré ce graphique :

Aucune augmentation des montants normalisés des dommages économiques résultant des catastrophes naturelles au cours de la période considérée, 1990[13] – 2020. Et, à nouveau, les dix dernières années semblent plutôt indiquer une diminution par rapport aux décennies précédentes.

Malgré tout cela, le CRED s’obstine à produire études[14] et rapports[15] en utilisant des montants seulement ajustés à l’inflation. Il sait pourtant pertinemment qu’ils ne permettent pas de suivre l’évolution réelle des dommages économiques engendrés par les désastres naturels.

Grâce à cet artifice, on ne voit plus que les montants en question diminuent ou restent stables et le désagrément provoqué par la nécessité de se confronter à cette réalité, contraire à la « pensée » dominante, est ainsi évité.

Deuxième omission donc, clairement volontaire celle-là.

Demeure la question des raisons d’un tel comportement.

– – – – – – – – – –

En conclusion, les données du CRED montrent que depuis le début du siècle :

  • la fréquence annuelle des désastres naturels diminue de façon lente mais continue ;
  • le nombre de morts reste bas et stable, hormis les tremblements de terre qui ne semblent pas liés au climat ;
  • le nombre de personnes affectées dont font partie les fameux « réfugiés climatiques » ne présente aucun accroissement, bien au contraire ;

et les données des assureurs Munich Re et Swiss Re révèlent que :

  • les montants normalisés des dommages économiques, proportionnels au nombre et à l’intensité des désastres, ne montrent aucune hausse au cours des dernières décennies mais, plus vraisemblablement, une diminution[16] !

Tout cela remet les choses en perspective et enlève de leur sensationnalisme[17].

SOURCES

[1] Le CRED (https://www.cred.be/) est un centre de recherche de l’Université Catholique de Louvain. Il fait partie de l’École de Santé Publique située à Bruxelles, en Belgique. Il collabore à des études internationales portant sur les conséquences humanitaires et sanitaires des catastrophes naturelles. A cet effet, il gère une base de données, EM-DAT (https://public.emdat.be/), qui recense les désastres naturels survenant sur toute la planète. Les données du CRED sont reprises par Our world in data (https://ourworldindata.org/natural-disasters), une publication en ligne de l’Université d’Oxford.

[2] Le CRED range généralement les désastres naturels dans cinq sous-groupes : biologiques, géophysiques, climatologiques, hydrologiques et météorologiques. Le rapport ne prend pas en compte les désastres biologiques.

[3] https://reliefweb.int/report/world/2021-disasters-numbers

[4] « Les chiffres des pertes économiques ont été ajustés en utilisant les données annuelles de l’indice des prix à la consommation (IPC) de l’OCDE ».

[5] Par exemple, la dernière en date : https://www.science-climat-energie.be/2022/02/12/%ef%bf%bcdesastres-naturels-2021-retour-vers-la-realite/

[6] https://www.undrr.org/sites/default/files/inline-files/Human%20Cost%20of%20Disasters%202000-2019%20FINAL.pdf

[7] Rappelons que selon le CRED lui-même, seules ces vingt-deux dernières années sont réellement représentatives de la réalité : https://www.science-climat-energie.be/2021/12/17/fake-news-a-lonu-2-la-saga-continue/

[8https://www.munichre.com/en.html

[9] https://www.slideshare.net/OECD-GOV/natcatservice-jan-eichner

[10] Produit Intérieur Brut : Le PIB est la mesure de référence de la valeur des biens et services produits par un pays au cours d’une période donnée minorée de la valeur des importations. Si le PIB est l’indicateur par excellence de l’activité économique, il ne mesure que partiellement le niveau de vie matériel des individus (https://www.oecd-ilibrary.org/fr/economics/gdp-and-spending/indicator-group/french_b20e9769-fr ).

[11] https://reliefweb.int/report/world/natcatservice-loss-events-worldwide-1980-2015

[12] https://www.swissre.com/institute/research/sigma-research/sigma-2021-01.html

[13] Les données antérieures à 1990 étant, comme indiqué sur la figure, de qualité médiocre.

[14] https://www.science-climat-energie.be/2021/11/05/fake-news-a-lonu/

[15] https://www.science-climat-energie.be/2021/12/17/fake-news-a-lonu-2-la-saga-continue/

[16] https://rogerpielkejr.substack.com/p/weather-and-climate-disaster-losses

[17] À ce sujet voici l’intervention de Stuart Kirk, directeur de l’investissement responsable au sein de HSBC, dans laquelle il démonte certains mécanismes destinés à effrayer la population. Suite à cette intervention il a été désavoué et suspendu par sa hiérarchie, a fait l’objet d’une enquête interne pour crime de « lèse-consensus » et a fini par démissionner : https://youtu.be/bfNamRmje-s

Une réflexion sur « 2021  Les désastres dans les chiffres »

  1. Subir ces « filtrages informationnels » pratiqués au sein de grandes institutions académiques et de recherches (subsidiées…) est intellectuellement dommageable pour leurs étudiants immatures ET – pire encore – pour le grand public qui tentent d’apprendre.
    D’autant pour nos décideurs POLITIQUES, inspirés par ces « chercheurs », qui engagent toute la société et des humains par millions dans des voies sans fondements !

    On en reste navré lorsqu’il s’agirait des « procédés » d’organismes internationaux (tels ONU – GIEC, l’UE, et consorts, dont c’est un « vecteur d’exercice de leurs POUVOIRS ».

    De là à ce que le CRED opère sous une subtile influence idéologique risque bien de les faire confondre avec du journalisme de bas étage qui nous encombre tant ! Navrant…

    J’ose espérer que des travaux plus pertinents viennent parfois de l’étranger, surtout aussi sur des périodes plus étendues que nos 22 dernières années « sous influence »…
    Un exemple parmi d’autres ?

    Historical Social Research / Historische Sozialforschung // Vol. 32, No. 3 (121), 2007
    Historical Disaster Research. Concepts, Methods and Case Studies / Historische Katastrophenforschung. Begriffe, Konzepte und Fallbeispiele
    Published by: GESIS – Leibniz Institute for the Social Sciences
    https://www.jstor.org/stable/i20762215

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