Optimisme du modélisateur, scepticisme de l’observateur

par J.C. Maurin, professeur agrégé de physique

Depuis le sommet de la Terre à Rio en 1992, l’ONU alerte sur une menace climatique. Ses mises en garde récurrentes auraient pour origine un consensus des scientifiques dont les rapports du GIEC (AR = Assessment Report) seraient la traduction.
Le sixième cycle d’évaluation du GIEC s’est terminé en mars 2023 avec la publication du ‘Rapport de Synthèse’. Ce cycle a duré 8 ans et produit plusieurs rapports correspondant à un total de ≈ 10 000 pages.
C’est le groupe de travail 1 du GIEC qui a évalué la science physique du changement climatique et qui a élaboré le rapport AR6 WG1 (WG1 = Working Group 1). Ce rapport est intitulé ‘The Physical Science Basis ‘, il comporte environ 2 400 pages. II a été rédigé par 234 auteurs assistés de ≈ 800 contributeurs [1] .
C’est le bureau du GIEC qui a sélectionné et supervisé les ≈ 1000 rédacteurs/ auteurs /contributeurs :
– à partir de statistiques, l’article montre que les modélisateurs semblent bien plus influents que les observateurs,
– avec un exemple pris dans le chapitre 5, l’article suggère que ce déséquilibre modélisation / observation tend à transformer de simples hypothèses en quasi certitudes.

Un lecteur intéressé par l’examen critique de l’AR6 peut consulter l’analyse de Clintel ou bien son compte-rendu par Alain Préat ici
Le lecteur trouvera ici et  les précédentes critiques de l’AR6 par SCE-info. 
Le présent article concerne seulement la publication AR6 WG1 parue en 2021, mais ce sont bien ces 2 400 pages de ‘The Physical Science Basis‘ qui justifieraient scientifiquement l’alarmisme des Nations Unies sur le climat. [1]

Deux fables de La Fontaine illustrées par Granville

INTRODUCTION

Il semble que le pouvoir politique exerce un contrôle sur la rédaction des rapports, si l’on en juge par les Principes régissant les travaux du GIEC dont on donne quelques extraits ci-dessous:
→ « Les  ‘Membres du GIEC’ sont des États, qui sont Membres de l’Organisation météorologique mondiale et/ou de l’Organisation des Nations Unies » (II définitions – Règle 2-6).
Les rédacteurs du rapport AR6 WG1 sont sélectionnés et supervisés par le bureau du GIEC, composé d’une trentaine de personnes qui ne sont pas nécessairement climatologues :
→ « Les candidatures à des fonctions au sein du Bureau du GIEC […] sont présentées par les gouvernements»  (règle 19).
→ « la composition du Bureau du GIEC […] doit refléter équitablement les diverses régions géographiques » ( IV Composition Règle 7).
→ « The IPCC Bureau provides guidance to the Panel on the scientific and technical aspects of IPCC assessments  […] The purpose of the Bureau is to provide guidance to the Panel on the scientific and technical aspects of its work» (ici).
→ « Son Bureau, élu par les gouvernements des pays Membres, fournit des orientations sur les aspects scientifiques et techniques de ses travaux et lui donne des conseils sur des questions de gestion et de stratégie » (ici).   
→ « Members of the Bureau have responsibility to […] advise IPCC Coordinating Lead Authors, Lead Authors and Review Editors » (annexe A règle 8).

1 ‘The Physical Science Basis ’: un titre qui reflète mal le contenu

1.1 Quelques statistiques sur AR6 WG1

1.1.1 Les 12 chapitres de l’AR6 WG1.

  • Le lecteur a la possibilité de télécharger ‘The Physical Science Basis’ = AR6 WG1 (ici) et de faire l’expérience suivante : rechercher le nombre d’occurrences du terme ‘model’ (model, models, modelling, etc.) et du terme observation’ (observation, observations, observational, etc.). 
    Dans les 12 chapitres de la version en ligne début 2023, on comptait 14 192 occurrences pour ‘model‘ et 3106 occurrences pour ‘observation’. Les ≈ 2400 pages du rapport  ‘The Physical Science Basis’ emploient donc le terme ‘model’ 4,6 fois plus souvent que ‘observation’.

Figure 1a : Un indice d’une domination des modèles sur les observations dans les 12 chapitres de l’AR6 WG1.

À propos des observations, on trouve 170 occurrences du terme ‘unprecedented’ dans l’AR6 WG1. Mais l’analyse CLINTEL conteste le caractère ‘unprecedented‘ (relativement à l’Holocène) de la plupart des observations récentes. En effet, l’observation précise de l’ensemble de la planète (satellites) date seulement de quelques décennies et les données antérieures se fondent sur des proxies insuffisamment précis et donc toujours discutables …

À propos des annexes, on remarque que l’annexe 1 (Observational Product) comporte 28 pages alors que l’annexe 2 (Models) en comporte pas moins de 52.

  • Une autre recherche peut être faite sur les occurrences ‘Low confidence’  versus ‘High confidence’ ou bien ‘likely’ versus ‘unlikely’ (tenir compte que ‘likely’ est contenu dans ‘unlikely’).

Figure 1b : Deux indices de la grande confiance des rédacteurs des 12 chapitres de l’AR6 WG1.

Il semble donc que la rédaction des 12 chapitres de l’AR6 WG1 accorde une très large place à la modélisation (≈ 14 200 occurrences pour ‘model‘), et que les rédacteurs se montrent plutôt confiants dans leur compréhension du climat.

1.1.2 Le chapitre 5 de l’AR6 WG1.

La suite de l’article va s’intéresser au chapitre 5 de l’AR6, un chapitre qui concerne le cycle du carbone, sujet traité dans plusieurs articles SCE [2].
En téléchargeant le seul chapitre 5 (ici), on peut réaliser les mêmes statistiques que sur les 12 chapitres du rapport complet : les résultats (version en ligne début 2023) sont présentés ci-dessous :

Figure 1c : AR6  WG1 Chapitre 5 = cycle du carbone: En haut : indice de la prédominance des modèles sur l’observation. En bas : indices de la confiance des rédacteurs/modélisateurs de l’AR6 quant à leur compréhension du cycle du carbone.

De par la nature de son travail, un modélisateur est souvent optimiste, une qualité indispensable lorsque l’on espère modéliser le cycle du carbone alors que les flux principaux (flux naturels) sont très mal connus.

1.2 Quelques sujets d’étonnement.

1.2. Quelques sujets d’étonnement pour le physicien

Le GIEC caractérise ainsi la tâche du groupe WG1 : « The IPCC Working Group I (WGI) examines the physical science underpinning past, present, and future climate change » (ici).
L’alarmisme de l’ONU étant fondé scientifiquement sur le rapport ‘The Physical Science Basis’, on s’attend à un document quasi exhaustif, notamment sur les interactions du rayonnement infra-rouge avec CO2 et H2O.

  • Le physicien s’interroge alors sur la place bien trop modeste de la spectroscopie infrarouge dans l’AR6 WG1.
    Un rapport scientifique devrait illustrer (en fonction de la longueur d’onde) les grandeurs suivantes: 
    – absorption dans l’IR (infrarouge) pour CO2 et H2O.
    – rayonnement IR sortant (au-dessus de la TOA) du système Terre/atmosphère. 
    – transmission de l’atmosphère réelle (ou épaisseur optique) dans l’IR. 
    Il est très surprenant que ces illustrations soient absentes d’un rapport de ≈ 2400 pages, comportant ≈ 459 figures [1] , un rapport dont l’intitulé est ‘The Physical Science Basis’. 
  • Autre absence, autre sujet d’interrogation: parmi les 46 figures multiples du chapitre 5, aucune illustration ne rapporte, à propos du COatmosphérique, la corrélation croissance/température. 
    Cette corrélation constitue pourtant une des rares indications robustes (basée sur les mesures modernes) des phénomènes qui influencent la concentration du CO2 dans l’atmosphère.
  • On peut se demander si les absences relevées ci-dessus ne sont pas la conséquence du biais décrit au §1.1 : la place excessive des modèles (≈ 14 200 occurrences pour ‘model‘) dans ‘The Physical Science Basis’ .
  • Le lecteur trouvera d’autres sujets d’étonnement, non repris ici, au §4 de l’article de A. Préat

1.3. Quelques évolutions entre AR5 (2013) et AR6 (2021)

1.3 Quelques évolutions entre AR5 (2013) et AR6 (2021).

  • Le rapport AR5 WG1 comptait ≈ 1550 pages, alors que l’AR6 WG1 compte désormais ≈ 2400 pages.
    L’augmentation est considérable (+850 pages ou +55%), reflétant peut-être le progrès des simulations, mais rendant certainement la lecture plus ardue.
  • Dans l’AR5 WG1, les occurrences relatives des termes « model » et « observation » sont de 81 % vs 19 % (10 505 vs 2502).
    Mais dans l’AR6 WG1, les occurrences relatives deviennent 82 % vs 18 % → les rédacteurs de l’AR6 sont donc parvenus à légèrement augmenter la prédominance des modèles sur les observations.
  • On note surtout les grands changements (cycle du carbone Fig. 5.12 AR6 vs Fig. 6.1 AR5) apportés par les rédacteurs pour les flux naturels (remarques à suivre au § 3.22). Ces changements sont contradictoires avec l’affirmation ‘the science is settled’.
  • Certains éléments restent néanmoins immuables :
    – Dans l’AR5 WG1, on comptait zéro illustration pour la corrélation croissance/température du CO2 atmosphérique. Dans l’AR6 WG1, le nombre d’illustrations reste identique (fig. 5.12 AR5 et fig. 5.6 AR6 ne concernent pas la température).

– L’absence d’illustrations ‘spectroscopie IR’ dans le rapport AR5 WG1 se poursuit dans l’AR6 WG1.
Ces illustrations sont pourtant cruciales pour la compréhension scientifique des échanges radiatifs dans l’atmosphère.
Cette absence, persistante entre AR5 et AR6, semble fort inappropriée dans un rapport scientifique intitulé ‘The Physical Science Basis’.

2. Modèles versus observations

  • L’alarmisme de l’ONU/GIEC est basé sur une double hypothèse :
    a) la croissance du COatmosphérique serait exclusivement due à l’homme.
    b) la hausse du CO2 atmosphérique, interagissant avec le rayonnement infrarouge, provoquerait in fine la croissance des températures.
    On constate que les illustrations les plus pertinentes pour les hypothèses a et b sont absentes du rapport WG1, qui comporte pourtant pas moins de 459 figures multiples [1]. Ce rapport semble surtout largement dominé par la modélisation et non par la physique de base comme le suggère son titre.
  • L’un des fondateurs du GIEC est l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM ou WMO) qui en est également la cheville ouvrière.
    L’OMM fait grand usage de modèles informatiques qui tournent sur des ordinateurs parmi les plus puissants du monde. 
    Les résultats décevants des prévisions météorologiques au-delà de 2 semaines n’ayant pas découragé l’OMM, on peut alors se demander si l’OMM n’a pas transmis au GIEC sa fascination pour les modèles informatiques.
  • Avant la Renaissance, la connaissance de la nature passait par des discussions théoriques faisant intervenir l’autorité des Anciens ainsi que certains présupposés.
    Un progrès a eu lieu lorsque l’on a commencé à admettre la prééminence des observations sur les présupposés ou sur l’autorité d’illustres prédécesseurs. Le lecteur peut penser aux observations de la planète Mars par Tycho Brahé  pour la fin du géocentrisme selon Ptolémée (adieu épicycles, déférents, équants et autre harmonie des sphères).
  • Depuis quelques décennies, le calcul informatique facilite grandement l’élaboration de modèles : théorie, observation, et désormais modélisation participent toutes les trois à la connaissance de la nature. 
    Toutefois, en l’absence d’une attention suffisante aux données de l’observation, les modèles informatiques risquent de nous ramener aux errements et spéculations du passé. La croyance aveugle aux simulations informatiques pourrait jouer (pour les ‘Modernes’) le même rôle de blocage qu’avaient joué (pour les ‘Anciens’) l’autorité d’illustres prédécesseurs et leurs présupposés.
  • Les rédacteurs de ‘The Physical Science Basis’, qui font grand usage de modèles (≈ 14 200 occurrences pour ‘model‘), sont-ils suffisamment attentifs aux observations ? Un exemple, pris dans le chapitre 5, permet d’en douter.

3. Exemple de rédaction hasardeuse dans le chapitre 5

On reproduit ci-dessous un extrait du chapitre 5 de l’AR6 concernant le cycle du carbone et le COatmosphérique.
Le cycle du carbone a fait l’objet de nombreux articles sur SCE : voir référence [3].
Cet extrait (paragraphe 5.2.12) a été choisi, car il récapitule les 4 arguments principaux qui démontreraient (selon les rédacteurs/modélisateurs) l’origine anthropique de la croissance du CO2 dans l’atmosphère.

3.1  Une traduction du texte original.

 (voir § 5.2.12, page 689 ou bien 17/144  ici)

Plusieurs sources de données établissent sans équivoque le rôle dominant des activités humaines dans la croissance du CO2 atmosphérique. 
Premièrement, l’augmentation systématique de la différence entre les enregistrements MLO et SPO (Figure 5.6a) est causée principalement par l’augmentation des émissions provenant de la combustion de combustibles fossiles dans les régions industrialisées situées principalement dans l’hémisphère nord (Ciais et al., 2019). 
Deuxièmement, les mesures de l’isotope stable du carbone dans l’atmosphère (δ13C–CO2) sont plus négatives au fil du temps parce que le CO2 des combustibles fossiles extrait du stockage géologique est appauvri en 13 C (Figure 5.6c ; Rubino et al., 2013 ; Keeling et al., 2017).
Troisièmement, les mesures du rapport d(O2 /N2) montrent une tendance à la baisse car pour chaque molécule de carbone brûlée, 1,17 à 1,98 molécules d’oxygène (O2 ) sont consommées (Figure 5.6d ; Ishidoya et al., 2012 ; Keeling et Manning, 2014). Ces trois sources de données confirment sans ambiguïté que l’augmentation atmosphérique du CO2 est due à un processus oxydatif (c’est-à-dire la combustion).
Quatrièmement, les mesures du radiocarbone (14C–CO2 ) sur des sites du monde entier (Levin et al., 2010 ; Graven et al., 2017 ; Turnbull et al., 2017) montrent une diminution continue à long terme du rapport 14C/12C. Les combustibles fossiles sont dépourvus de 14C et, par conséquent, les ajouts de CO2 dérivés des combustibles fossiles diminuent le rapport 14C/12C atmosphériques (Suess, 1955).

Figure 2 : Illustration par Grandville de la fable de La Fontaine « Le statuaire et la statue de Jupiter »

À la lecture de cet extrait, il semble que les rédacteurs/modélisateurs soient assurés du rôle dominant de l’homme.Le paragraphe à suivre montre que cette grande confiance des rédacteurs/modélisateurs résulte assez peu des observations mais plutôt de leur optimisme traditionnel.

3.2 Une autre rédaction est possible.

La compréhension du climat serait suffisante pour faire des prévisions et l’homme influencerait sensiblement le climat : voilà qui constitue une interrogation chez les observateurs, une opinion répandue chez les modélisateurs, une quasi-certitude chez les politiques.‌
Le rapport AR6 WG1 est largement marqué par la modélisation et sa rédaction est influencée politiquement (bureau du GIEC/ONU) : il n’est alors guère étonnant que ce rapport témoigne d’une confiance excessive, au détriment de la principale vertu du scientifique : le scepticisme.

3.2.1 Modélisateur optimiste vs observateur sceptique.

Une plus grande influence de rédacteurs /observateurs aurait-elle conduit à une rédaction plus prudente du § 5.2.12 ?
On propose, ci-dessous, de comparer l’actuelle rédaction (= modélisateur optimiste) avec une nouvelle rédaction plus prudente (= observateur sceptique).
→ En italique, le texte original (modélisateur optimiste).
→ En dessous, la proposition d’un texte plus prudent (observateur sceptique).

i. Plusieurs sources de données établissent sans équivoque le rôle dominant des activités humaines dans la croissance du CO2 atmosphérique


Plusieurs sources de données établissent un rôle des activités humaines dans la croissance du CO2 atmosphérique. 

ii. Premièrement, l’augmentation systématique de la différence entre les enregistrements MLO et SPO (Figure 5.6a) est causée principalement par l’augmentation des émissions provenant de la combustion de combustibles fossiles dans les régions industrialisées situées principalement dans l’hémisphère Nord (Ciais et al., 2019). 

Premièrement, l’une des causes possibles de l’augmentation systématique de la différence entre les enregistrements MLO et SPO (Figure 5.6a) est l’augmentation des émissions provenant de la combustion de combustibles fossiles dans les régions industrialisées situées principalement dans l’hémisphère Nord (voir §3 ici).

iii. Deuxièmement, les mesures de l’isotope stable du carbone dans l’atmosphère (δ13C–CO2) sont plus négatives au fil du temps parce que le CO2 des combustibles fossiles extrait du stockage géologique est appauvri en 13C (Figure 5.6c ; Rubino et al., 2013 ; Keeling et al., 2017).


Deuxièmement, les mesures de l’isotope stable du carbone dans l’atmosphère (δ13C–CO2) sont plus négatives au fil du temps parce que les apports nets de CO2 dans l’atmosphère sont appauvris en 13(relativement à l’atmosphère)Parmi les apports nets en CO2 , ceux issus des combustibles fossiles extraits du stockage géologique sont appauvris en 13C (Figure 5.6c ; Rubino et al., 2013 ; Keeling et al., 2017). 
Nota : les observations δ13C et [CO2] entre 1980 et 2020 montrent que l’apport net ne peut pas être uniquement anthropique (voir § 2,2 ici).

iv. Troisièmement, les mesures du rapport d(O2/N2) montrent une tendance à la baisse car pour chaque molécule de carbone brûlée, 1,17 à 1,98 molécules d’oxygène (O2) sont consommées (Figure 5.6d ; Ishidoya et al., 2012 ; Keeling et Manning, 2014). Ces trois sources de données confirment sans ambiguïté que l’augmentation atmosphérique du CO2 est due à un processus oxydatif (c’est-à-dire la combustion)

Troisièmement, les mesures du rapport d(O2/N2) montrent une tendance à la baisse car pour chaque molécule de carbone brûlée, 1,17 à 1,98 molécules d’oxygène (O2 ) sont consommées (Figure 5.6d ; Ishidoya et al., 2012 ; Keeling et Manning, 2014). La diminution de l’O2atmosphérique peut provenir de la combustion des fossiles, mais ceci ne constitue pas la preuve que le CO2 anthropique est prépondérant pour l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère.
Nota : Ces trois sources de données confirment seulement qu’il est nécessaire de combiner 2 atomes d’oxygène avec 1 atome de carbone pour obtenir la molécule CO.Cette conclusion correcte fut entrevue dès le XVIII e siècle par Antoine Lavoisier. Le chimiste Lavoisier fut guillotiné le 08 mai 1794. On peut y voir une incitation à la prudence pour tout homme de raison vivant dans une époque agitée : les doctrinaires apprécient d’autant moins la raison qu’elle s’oppose à leur folie.

v. Quatrièmement, les mesures du radiocarbone (14C–CO2) sur des sites du monde entier (Levin et al., 2010 ; Graven et al., 2017 ; Turnbull et al., 2017) montrent une diminution continue à long terme du rapport 14C/12C. Les combustibles fossiles sont dépourvus de 14C et, par conséquent, les ajouts de CO2 dérivés des combustibles fossiles diminuent le rapport 14C/12C atmosphérique (Suess, 1955). 

Quatrièmement, les mesures du radiocarbone (14C–CO2 ) sur des sites du monde entier (Levin et al., 2010 ; Graven et al., 2017 ; Turnbull et al., 2017) montrent une diminution continue à long terme du rapport 14C/12C. Les  ajouts de CO2 dérivés des combustibles fossiles diminuent le rapport 14C/12C atmosphérique (Suess, 1955). Mais les observations montrent que la diminution 14C/12C avant 1950 serait trop importante si la cause unique était l’ajout de CO2 issu des combustibles fossiles (voir § 5 ici). 

Figure 3 : Illustration par Granville de la fable de La Fontaine « Un animal dans la Lune »

3.2.2  Remarques 

  • Les rédacteurs/modélisateurs de l’AR6 ont fortement corrigé leurs précédentes estimations pour les flux naturels de CO2 (Fig. 5.12 AR6 vs Fig. 6.1 AR5 →  +15 % flux Biosphère/Atmosphère et -16 % flux Hydrosphère/Atmosphère). Ces 2 corrections sont supérieures aux émissions humaines = flux anthropique. 
  • Une autre correction (Fig. 5.12 AR6 vs Fig. 6.1 AR5) concerne les échanges océan de surface / océan profond : la correction porte sur pas moins de 174 Gt-C/an (16 fois le flux anthropique), les flux initiaux sont multipliés par 2,9 soit une correction de + 190 %.
    A propos des flux naturels, les rédacteurs de l’AR5 indiquaient prudemment (légende figure 6.1 AR5) une incertitude supérieure à 20 %, une prudence bien nécessaire car +190 % ±20 %.
  • Les rédacteurs de l’AR6 surpassent en prudence ceux de l’AR5 → à la figure 5.12, ils n’indiquent plus aucune marge d’incertitude. Sur le vaste sujet des incertitudes, le lecteur est invité à consulter les articles de SCE fournis en référence [3].
  • A la suite de toutes ces corrections supérieures au flux anthropique, un emploi plus économe (au moins dans le chapitre 5) des termes ‘very likely’, ‘High confidence’ serait bienvenu de la part des rédacteurs.
  •  À propos du rôle dominant des activités humaines dans la croissance du CO2 atmosphérique, l’emploi du terme « unequivocally » (sans équivoque), est un exemple de biais résultant de la combinaison (les modèles priment sur les observations + supervision du bureau du GIEC). 
  • On est finalement conduit à se demander si la rédaction de ce paragraphe du chapitre 5 ne reflète pas davantage les hypothèses des rédacteurs/modélisateurs plutôt que les observations. Dans l’opposition modélisateur optimiste vs observateur sceptique, on retrouve un peu l’idée à priori versus le réel, les principes avant les faits. Cette opposition classique est présentée dans les premières minutes de cette vidéo

Figure 4 : L’École d’Athènes  (Raphael).Platon (en rouge) désigne le ciel → le monde des idées ;  Aristote (en bleu) désigne le sol → le monde réel.

  • Le paragraphe 1.11 du présent article a mis en évidence la prédominance de la modélisation dans les 12 chapitres de l’AR6 WG1. 
    Cette prédominance (≈ 14 200 occurrences pour ‘model‘) risque d’avoir le même résultat que sur l’extrait du chapitre 5 : les rédacteurs des 12 chapitres n’auraient-ils pas tendance à transformer en quasi certitudes, les simples hypothèses qui fondent leurs modèles ? L’alarmisme onusien ne reposerait-il pas davantage sur des modèles ad hoc plutôt que sur les observations ?

4  Conclusions

  • « Mal nommer les objets, c’est ajouter au malheur du monde ».
    Si le GIEC envisageait de suivre ce conseil d’Albert Camus, cet organisme lié à l’ONU devrait alors modifier l’intitulé du rapport AR6 WG1 (The Physical Science Basis) par un titre plus représentatif du contenu réel : « The Models and Projections Basis » (≈14 200 occurrences pour ‘model‘).
  • Une bien meilleure solution, aux yeux d’un scientifique, consisterait à faire coïncider le contenu du rapport avec son titre actuel : ‘The Physical Science Basis’. Un des moyens d’y parvenir serait de sélectionner, parmi les rédacteurs, bien moins de modélisateurs.
    Un autre moyen serait de rendre la rédaction indépendante des influences politiques. Mais une priorité à l’observation pourrait remettre en cause les présupposés de l’ONU : le climat serait prévisible et serait largement influencé par l’homme.
  • Les dangers de théories insuffisamment cadrées par des observations sont bien connus : on peut à tout moment délaisser la science au profit de la simple spéculation. C’est ainsi que des hypothèses, nécessaires pour modéliser, se transforment parfois en conclusions hasardeuses.
  • Les groupes, dont la composition trop homogène ne permet pas le débat contradictoire, sont sujets (lorsqu’ils se trompent) à des erreurs dont le développement est particulièrement durable. Les modèles peu cadrés par les observations et élaborés par des groupes trop homogènes, risquent de provoquer surtout une anesthésie de la raison.

Figure 5 : Illustration par Francisco de Goya, Los caprichos, gravure N° 43.

Références

[1] Procédures et Rapports IPCC
Appendice A des Principes régissant les travaux du GIEC   
Appendice C des Principes régissant les travauX du  GIEC
Terms of References of the Bureau  Annexe A
AR5 WG1 Full rapport :  https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/02/WG1AR5_all_final.pdf
AR5 WG1 All graphics    https://www.ipcc.ch/report/ar5/wg1/#
AR6 WG1 Full rapport    https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_FullReport.pdf
AR6 WG1 All Graphics   https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/figures

[2] Articles SCE à propos du cycle du carbone
Araignées, sols et CO2
Soleil, température et CO2
La géologie, la température et le CO2
La croissance du CO2 dans l’atmosphère est-elle exclusivement anthropique?
Evolutions récentes du CO2 atmosphérique
Covid-19 et émissions de CO2
Croissance du CO2 atmosphérique, deux nouvelles publications
Des réchauffements répétitifs sans CO2 ?
L’augmentation récente du taux de CO2 atmosphérique est-elle exceptionnelle ?

[2] Articles SCE à propos du cycle du carbone
Araignées, sols et CO2
Soleil, température et CO2
La géologie, la température et le CO2
La croissance du CO2 dans l’atmosphère est-elle exclusivement anthropique?
Evolutions récentes du CO2 atmosphérique
Covid-19 et émissions de CO2
Croissance du CO2 atmosphérique, deux nouvelles publications
Des réchauffements répétitifs sans CO2 ?
L’augmentation récente du taux de CO2 atmosphérique est-elle exceptionnelle ?

[3] Articles SCE à propos des incertitudes
Le cycle du carbone selon l’AR6 du GIEC : au diable les incertitudes!
Impossible de dire si la toundra arctique sera un puits ou une source de carbone
Les incertitudes du cycle du carbone rendent sa modélisation hasardeuse
Le GIEC en est virtuellement certain…
L’art de gommer les incertitudes
Pas d’erreurs pour l’Arctique!
Carottes de glace, CO2 et micro-organismes
La biomasse globale : de larges incertitudes, également sur le cycle du carbone!

6 réflexions sur « Optimisme du modélisateur, scepticisme de l’observateur »

  1. Merci, Prof. Maurin, pour ce démêlage illustré de l’écheveau GIEC « milliers de pages se concluant ARx après ARx par l’inéluctable slogan : « sauver la planète »…

    Au-delà, l’observation d’articles et d’interviews publiés ad nauseam sur nos « médias ordinaires », m’interroge : Dans quel cloaque sont tombés certains ‘scientifiques dévoyés’ … dont certains, en affidés du GIEC…

    Un constat : chaque média (papier et tv/radio) dispose de personnages attitrés et ceux invités [1]. Suffit de suivre la théatralisation quotidienne d’événements qu’ILS nous imposent ! D’où une question liminaire : quels en sont les effets pervers (mentaux, psychiques, comportementaux) qu’ILS engendrent parmi des populations manifestement ignorantes sur ces matières complexes ?

    La diffusion sans honte de « fake news // slogans » par des activistes auto-déclarés (dont moult jeunes guère encore formés) [2] ne pose t-elle pas autant d’inquiétudes que l’effroi causé ..chez les seuls précédents nommés.. par nos centaines/milliers de scientifiques dits ‘réalistes’ qui se trouvent pour cela accusés de « déni » et sont ainsi des cibles à museler ou à abattre ?

    Flanqués par des politiciens influents et des scribouillards volontiers asservis, certains ‘titrés scientifiques’ sont ainsi devenus de pernicieux propagateurs d’absurdités intellectuelles. Serait-ce afin de préserver leur statut, ou de sauvegarder l’idéologie radicale dont ILS sont devenus les vecteurs de rayonnement, d’agir hypocritement en « personnages aveuglés par l’arrogance », sinon finalement pour préserver leur « aura social » dès lors qu’ILS restent conformistes à la doxa propagée par dito ?

    Ceci s’observe principalement – mais pas uniquement – en matière d’interprétation des « phénomènes climatiques ». [3] Comme naguère (et toujours d’ailleurs, lire encore l’OMS) en matière de virologie/pandémie à propos du virus SARS-CoV-2…
    Si ce dernier ravage de l’humain donne enfin lieu à des contre-études (menant jusqu’à des enquêtes judiciaires) qui permettent assez vite de rectifier le savoir et nos empreintes mentales, il faut s’inquiéter qu’en ce qui concerne les vastes disciplines relevant de physique du climat, apporter des correctifs scientifiques validés justifiera continûment d’études approfondies et de décisions rectificatrices portant elles sur le long terme (d’où des nécessaires correctifs aux leitmotivs très politisés d’objectifs 2030 – 2050 – 2100 ) !

    Jusqu’où mèneront les actuelles déviances intellectuelles et celles décisionnelles (avec de profonds aspects juridiques et socio-économiques) ? Avons-nous lu que des récents projets publics (français et européens) font virer toute l’U.E. vers une « censure institutionnelle » et vers d’autres élucubrations à caractère législatif qui en dérivent (décrets & Co), s’appliquant y compris et surtout au travers de « médias sociaux , trop vite qualifiés de séditieux » (mais toujours discutables) ! [4]

    Où restent dans cet ignoble fatras politico-médiatique :
    1° la liberté de penser / découvrir (c-à-d notamment la science) ; 2° celle de la liberté d’expression ; 3° donc – corrélativement – le droit de débattre et celui d’enseigner les sciences (exactes) plutôt que des fake news, dites sociétales ?

    Même en vacances, inquiétons-nous légitimement de telles « initiatives » !
    ………………………………………………………………………………………………………
    [1] Exemples récents d’une « paléoclimatologue GIECienne » dans un journal économique belge ?
    https://www.lecho.be/dossiers/climat/valerie-masson-delmotte-paleoclimatologue-je-reste-frappee-par-le-deni-climatique/10481921.html

    [2] Rubrique Au nom de la cause : « Il faut corriger les dérives d’un système (?) qui nous mène à la destruction »… par une des disciples belges de Greta Thunberg [journal Le Soir W-E 15-07-2023, p. 25-27]… dans la droite ligne des activistes de Greenpeace ou WWF

    [3] D’où les dérivés d’idées fausses telles : « zéro-émission CO2 à 2050 » ; l’aberration du full-électric pour la mobilité ; la fixation sur des « projections chiffrées »… par des modèles peu corrélés avec les faits observables ; les croyances dans le « tout au bio » ; la biodiversité qui irait à vau-l’eau ; le mix 100% d’énergies EnRI pour 2050 ; et ces leitmotive de la « sobriété » allant jusqu’à prôner la décroissance socio-économique … du seul continent UE ???

    [4] L’écologie punitive : misérable, contre productive et irrationnelle
    https://www.contrepoints.org/2023/07/24/460481-lecologie-punitive-miserable-contre-productive-irrationnelle?

    1. Merci pour votre commentaire
      Il existe probablement tout un ensemble de facteurs explicatifs pour le catastrophisme actuel et non pas UNE explication simple.
      PARMI les facteurs explicatifs, mon article pointe la tendance des modélisateurs à croire facilement en leur modèle (qu’ils ont pourtant eux-mêmes ajusté).
      Mais il n’y a pas nécessairement de la malhonnêteté de leur part.

      La figure 2 en donne une illustration : elle montre un sculpteur qui tremble au pied de sa propre création (Jupiter brandit la foudre). On peut y voir une similitude avec le modélisateur/rédacteur, fasciné par son modèle informatique, et donc terrorisé par un avenir qu’il s’imagine orageux.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Statuaire_et_la_Statue_de_Jupiter

  2. Effectivement, Professeur Maurin,
    plusieurs facteurs entrelacés et des effets désastreux qui se pointent pour les gens inconscients – influençables – intéressés …qui peuplent cette terre !
    …………………………………………………………………………………………………
    Ceci me rappelle une vidéo d’interactions (une altercation polie) entre V. Courtillot , J. Jouzel ( = GIEC) avec son style habituel « tortueux » et l’animateur de débats…
    Dans un cadre habituel, sortant de nos auditoires : c’était en 2010 !

    Le réchauffement climatique, vérité ou intox ? | Café Picouly | Archive INA
    https://www.youtube.com/watch?v=bC9Xdczv66E

    1. [[ Weather maps are among the most blatant forms of fearmongering deployed so far. ]]

      Basculant du débat hexagonal de 2010 vers les insulaires de UK, chez lesquels leur MET Office ne cesse de se contredire d’une semaine à la suivante, sinon en appuyant toujours vers le haut sur le style d’alarmisme METEO… il est heureux d’écouter (pour ceux qui arrivent à le suivre) ce billet de 10’50 » du journaliste écossais Neil Oliver (GBnews) au mois de juillet 2023 … repris ici via youtube :

      https://www.youtube.com/watch?v=lvvBp25eh0U
      Neil Oliver says weather maps are another example of fearmongering being exerted on the population.
      (( 293K views ; 4467 commentaries full of testimonies …))

      Là-bas, pas de langue de bois comme l’UE nous y a mentalement habitués via son  « Green Act »  et nos MSM (MainStreamMeteo) bafouant les conséquences !
      Lorsqu’il parle de « sheeps », c’est à la population moutonnière qu’il s’adresse !

      [[ Weather maps are among the most blatant forms of fearmongering deployed so far. ]]

    1. @ Mf Burg

      A propos des allusions aux fables de La Fontaine dans mon article :

      → La toute première figure illustre les rapports entre politique et science du paragraphe INTRODUCTION :
      a) Le loup et le chien : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Loup_et_le_Chien
      Le chien (la science au service du GIEC ?) est bien gras, mais il n’est pas libre.
      Le loup (la science hors le GIEC ?) est indépendant, mais il est fort maigre.
      b) Le loup et l’agneau : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Loup_et_l%27Agneau
      « La raison du plus fort est toujours la meilleure »
      Si la science a l’imprudence de côtoyer la politique de trop près, cette dernière dictera sa raison = la doxa.

      → Figure 2 : voir la réponse précédente à Emmanuel Simon.
      Les vers de La Fontaine me paraissent une bonne description de la modélisation au service du GIEC.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Statuaire_et_la_Statue_de_Jupiter

      → La figure 3 montre que l’observateur doit toujours rester sceptique devant les apparences; un modélisateur serait avisé de faire de même.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_animal_dans_la_Lune

      → La figure 5 renvoie à la formule bien connue, qui semble applicable à la situation actuelle :
      « Le sommeil de la raison engendre des monstres »

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