La loi de Beer-Lambert : une loi méconnue du public et qui relativise l’effet du CO2 sur les océans

par Prof. Dr. Jean N, Faculté des Sciences, Université Européenne

La loi de Beer-Lambert est fondamentale en physique et également très utilisée en chimie et biologie car elle nous permet de décrire le phénomène d’atténuation des rayons lumineux lorsqu’ils traversent un milieu d’épaisseur donnée, qu’il s’agisse de liquides ou de milieux gazeux. Les chimistes et biologistes utilisent cette loi pour, par exemple, déterminer la concentration de diverses substances chimiques en solution.

En raison de l’hystérie climatique actuelle il est important de rappeler l’existence de cette loi. Car elle nous suggère que le CO2 atmosphérique ne peut pas réchauffer les océans, contrairement au soleil. Et comme notre planète est recouverte à 70% par des océans, si le CO2 n’a aucun effet sur eux il est fort probable qu’il n’ait qu’un effet marginal sur les climats terrestres.

Comme la plupart des climatologues se sont bien entendu rendu compte que le CO2 atmosphérique ne pouvait absolument pas réchauffer directement les océans, certains chercheurs ont pensé à un mécanisme indirect : le CO2 pourrait, selon eux, avoir un effet sur la microcouche de surface des océans (la « TSL »). Nous allons cependant montrer que cette hypothèse ne tient pas la route.

Pour être convaincu de tout ceci il suffit de lire la suite, la démonstration est simple et imparable. La loi de Beer-Lambert sera présentée après un bref rappel concernant la composition de la lumière solaire.

1. La lumière émise par le soleil

Comme chacun devrait savoir, la lumière visible provient du soleil et est composée de toutes les couleurs de l’arc en ciel, avec des photons présentant des longueurs d’ondes comprises entre ± 400 et 750 nm (Figure 1). Par exemple, les photons de longueur d’onde de 450 nm nous apparaissent bleus et la lumière rouge est faite de photons ayant une longueur d’onde d’environ 750 nm. L’ensemble de tous ces photons de longueurs d’ondes différentes donne la lumière blanche.

Figure 1. Les différentes couleurs de l’arc en ciel avec les longueurs d’onde correspondantes et le nom des couleurs.

A côté de ces rayonnements bien visibles, compris entre 400 et 750 nm, le soleil émet également des rayonnements invisibles pour l’œil humain. Il s’agit des ultraviolets (UV) dont la longueur d’onde est inférieure à 400 nm et des infra-rouges (IR) dont la longueur d’onde est supérieure à 750 nm.

Il faut également savoir que la quantité de rayonnements émise n’est pas la même pour les différentes parties du spectre solaire. Le soleil émet par exemple beaucoup plus de lumière visible que d’UV. La zone correspondant aux IR solaires est quant à elle très étendue et va de ± 750 nm à environ 4 μm (Figure 2).

Figure 2. Spectre du rayonnement solaire avant de traverser l’atmosphère et au niveau de la mer. Les zones grises correspondent aux rayonnements absorbés par l’atmosphère. Source : Hoffmann 2007.

2. La lumière entrant dans les océans

Comme la planète Terre est recouverte à 70% d’océans il est maintenant important de voir ce qu’il advient de la lumière solaire lorsqu’elle arrive à la surface des océans. La lumière est évidemment capable de pénétrer la surface de l’eau, mais la profondeur atteinte dépendra de la longueur d’onde. C’est un phénomène bien connu des plongeurs sous-marins : la lumière rouge ne pénètre pas très profondément, alors que c’est le bleu qui atteint les plus grandes profondeurs (Figure 3).

Figure 3. Pénétration différentielle des rayonnements solaires dans les océans en fonction de la profondeur (en mètres). C’est la lumière bleue qui pénètre le plus profondément (la profondeur donnée dans la figure est approximative).

Pour avoir une idée précise de la profondeur atteinte par chaque longueur d’onde nous pouvons le calculer en utiliser la loi de Beer-Lambert. Il est donc grand temps de la présenter. Cette loi est très simple et comporte juste une exponentielle décroissante :

I = I0 exp(–k.x)

Ceci vient du fait que l’intensité de la lumière diminue exponentiellement entre la surface et la profondeur (Irvine & Pollack 1968). Les paramètres de la loi sont les suivants :

En remaniant la loi de Beer-Lambert nous pouvons isoler la profondeur x. On obtient ainsi un logarithme népérien (ln) et n’importe quel étudiant en fin de secondaire pourra retrouver l’expression suivante :

x = – ln(I/I0) / k

Nous pouvons maintenant facilement calculer la profondeur atteinte pour chaque longueur d’onde, à condition de connaître le coefficient k. Ce coefficient k dépend de la longueur d’onde et de nombreuses publications sont disponibles dans lesquelles les valeurs de k ont été déterminées. Vous trouverez ici toutes ces publications, et pour nos calculs nous utiliserons les valeurs trouvées dans Hale & Querry (1973).

Pour savoir à quelle profondeur d’eau 99,9% du rayonnement est absorbé il faut réaliser les calculs avec une valeur I/I0 valant 0,1/100 = 0,001. Il faut ensuite sélectionner une valeur de k qui correspond à la longueur d’onde souhaitée. En consultant les bonnes publications (Hale & Querry 1973) nous voyons que k = 0,00028 cm–1 pour le bleu (à 450 nm) et k = 0,0260 cm–1 pour le rouge (à 750 nm). La liste complète des valeurs de k (en cm–1) pour l’eau est donnée ici.

Nous pouvons maintenant calculer que la lumière bleue peu pénétrer jusque 246,7 mètres de profondeur (–ln(0,001)/0,00028 = 24 670 cm), alors que le rouge ne pénètre que jusqu’à 2,6 mètres (–ln(0,001)/0,0260 = 265 cm).

Bien entendu, en réalité, l’eau de mer est loin d’être de l’eau pure et contient toute une série de molécules organiques et minérales, sans compter les bactéries et algues unicellulaires. Tous ces éléments peuvent également absorber les rayonnements solaires pénétrant la surface des océans. En conséquence, la profondeur réellement atteinte par les rayonnements considérés sera plus faible que 246 et 2,6 mètres (Wozniak & Dera 2007).

3. Les infra-rouges entrant dans les océans

Comme mentionné au point 1, la lumière solaire comporte également des infra-rouges (IR) dont la longueur d’onde est supérieure à 750 nm. Les IR proches (au sens de proche du spectre visible) vont de 750 à 2 000 nm (2 μm) environ, les IR moyens s’étendent jusqu’à 20 µm, et finalement les IR lointains vont de 20 µm jusqu’à environ 1000 µm (c’est-à-dire 1 mm).

Presque tout le rayonnement IR de la lumière solaire est du proche IR, c’est-à-dire inférieur à 4 μm. Le soleil n’émet quasi rien au-delà de 4 μm et tout rayonnement de plus de 4 μm détecté dans l’atmosphère provient obligatoirement de le Terre.

En employant la loi de Beer-Lambert et les coefficients k provenant de la publication mentionnée ci-dessus, nous pouvons calculer que seuls les IR compris entre 750 et ± 1300 nm, c’est-à-dire les IR proches sont capables de pénétrer l’eau des océans de plusieurs centimètres, mais avec des valeurs inférieures à 20 cm. En effet, les valeurs de k sont ici comprises entre 0,02 et 1,11 cm–1 et le maximum de pénétration possible concerne les IR solaires de ± 1 μm pouvant atteindre 19,2 cm de profondeur.

Quant aux IR moyens et lointains, ils ne peuvent quasi pas pénétrer la surface de l’eau de mer, car leur coefficient k est trop élevé. La loi de Beer-Lambert nous montre par exemple que les IR de 15 μm (coefficient k = 3368 cm–1) ne pénètrent l’eau de mer que sur une distance de 18,9 μm. Environ 19 microns! Et encore, lorsque l’eau est pure!

4. Effet des rayonnements solaires sur la température de l’eau de mer

Nous l’avons tous constaté en nous baignant pendant les vacances! Comme la lumière solaire pénètre l’eau de mer et est absorbée, l’énergie de certains rayonnements est transformée en chaleur. C’est ainsi que nous pouvons expliquer que l’eau de mer est plus chaude en surface et plus froide en profondeur (Wozniak & Dera 2007). Encore une évidence que les plongeurs sous-marins et les nageurs connaissent bien! Bien entendu, la chaleur générée en surface peut être transmise à de plus grandes profondeurs grâce aux turbulences (par exemple les vagues). Il en résulte une lente diminution de la température en fonction de la profondeur, particulièrement bien visible dans les régions tropicales ou le soleil est au zénith et ou les rayons solaires pénètrent très profondément (Figure 4). La chute de la température est appelée la thermocline.

Figure 4. Température de l’eau de mer en fonction de la profondeur en milieu tropical.

Tout ceci a bien évidemment été mesuré avec précision dans de multiples études. Par exemple l’équipe de Huang et al. (2018) a placé des thermomètres à 1 m de profondeur en divers endroits des océans et ont mesuré en même temps la variation de l’intensité des radiations solaires à la surface, et ce pendant une journée entière. Leurs résultats montrent clairement que le soleil réchauffe les premiers mètres des océans avec des variations journalières d’environ +1°C (Figure 5).

Figure 5. Résultats de Huang et al. (2018). La courbe rouge est la température de l’eau de mer à 5° de latitude nord au cours d’une journée. La courbe bleue représente l’énergie solaire reçue à la surface en W/m2.

Remarquons que c’est seulement récemment que le mécanisme de réchauffement de l’eau liquide par certains infra-rouges proches a été compris (Yu et al. 2020 et aussi ici).

Remarquons également que la plupart de l’énergie gagnée par les océans pendant la journée, grâce au soleil, est perdue en grande partie pendant la nuit par divers mécanismes de transfert de chaleur vers l’atmosphère (et même pendant la journée par évaporation de l’eau). En effet, le bilan doit être proche de l’équilibre sinon les océans seraient en ébullition depuis bien longtemps.

Pour plus de détails concernant le réchauffement de l’eau de mer par le soleil vous pouvez vous référer au livre de Wozniak & Dera paru en 2007 chez Springer : Light Absorption in Sea Water. Les deux premiers chapitres du livre sont disponibles ici.

5. Le rôle du CO2 atmosphérique

Comme nous venons de le voir au point précédent, nous pouvons considérer que le réchauffement des couches supérieures des océans est causé par le soleil. Mais le CO2 atmosphérique pourrait-il avoir un rôle? En effet, le CO2 gazeux est capable dans certaines conditions d’émettre des radiations, par exemple lors des chocs inter-moléculaires. Cependant, le CO2 n’émet essentiellement que des infra-rouges d’environ 15 μm (voir ici pour plus de détails). Et comme nous vous l’avons montré au point précédent, les radiations IR de cette longueur d’onde ne peuvent pénétrer les océans que sur une distance de 19 microns au maximum. Dix-neuf millièmes de millimètre! Ces rayonnements ne devraient donc pas réchauffer les océans. Cette remarque a également été faite par le physicien Fred Singer en 2009 dans une publication dont vous trouverez le résumé ici.

Venons-en maintenant à un paradoxe. Selon le GIEC, il est très probable que la température moyenne mondiale de la surface de la mer ait augmenté de 0,88°C entre 1850-1900 et 2011-2020, la majeure partie de ce réchauffement (0,60°C) se produisant entre 1980 et 2020 (Fox-Kemper et al. 2021). Comme le coupable préféré du GIEC est le CO2 nous voyons bien ici le paradoxe : le rayonnement éventuellement émis par le CO2 ne peut pas pénétrer les océans plus que 19 microns et les réchauffer. Comment alors expliquer le réchauffement de surface observé dans les océans si l’augmentation du taux atmosphérique de CO2 ne peut être évoqué? Il y a trois possibilités :

a) L’augmentation de température de la surface des océans pourrait être un artéfact. C’est ce que pensait Fred Singer (2009). Pour lui, les mesures de température de surface de l’eau de mer pourraient être biaisées, par exemple parce que de nombreuses mesures ont été réalisées à proximité des navires (voir ici). De plus, le nombre de bouées et de thermomètres placés dans les océans n’est pas homogène dans le temps. Il y avait peu de thermomètres dans les océans en 1700 et beaucoup plus aujourd’hui. En conséquence il n’est pas certain que la température des océans était significativement plus basse il y a quelques centaines d’années.

b) Si l’augmentation de température de surface des océans n’est pas un artéfact, une autre possibilité serait l’augmentation de la quantité de rayonnements solaires atteignant la surface des océans. Dans ce cas le CO2 atmosphérique ne serait pas responsable. Si le soleil ne varie pas énormément en intensité, il est possible que la quantité de nuages aie varié significativement au cours du temps. En effet, il y a peut-être moins de nuages actuellement que par le passé, ce qui signifie plus de rayonnements solaires (et donc d’IR) atteignant les océans aujourd’hui. On explique ainsi la température de surface plus élevée des océans actuels.

c) Il existe une troisième possibilité dans laquelle le CO2 joue un rôle. Des IR émis par le CO2 pourraient en effet influencer la microcouche de surface des océans appelée « thermal skin layer » (ou TSL) et provoquer un ralentissement du flux de chaleur des océans vers l’atmosphère. C’est l’hypothèse de Wong & Minnett (2018) que nous allons présenter ci-dessous, ainsi que la TSL.

6. L’hypothèse de Wong & Minnett (2018)

Les chercheurs Wong & Minnett pensent que malgré la faible pénétration des IR émis par le CO2, ceux-ci pourraient néanmoins provoquer un réchauffement des océans de manière indirecte, en agissant sur la TSL (thermal skin layer). Pour bien comprendre leur hypothèse commençons par définir la TSL, également appelée « couche de surface froide » (cool skin layer). Il s’agit d’une très mince couche de surface qui ne fait que quelques dizaines de micromètres d’épaisseur et dont la température est inférieure de ± 0,2°C par rapport à l’eau de mer plus profonde (Figure 6). Peu importe le moment de la journée, cette fine couche d’eau froide se trouve toujours à la surface. Toute forme d’énergie et toutes les molécules (gaz, radicaux et particules) échangées entre l’océan et l’atmosphère doivent obligatoirement traverser la couche TSL.

L’existence de la TSL provient en partie du phénomène d’évaporation de l’eau de mer. En effet, lorsque de l’eau passe en phase gazeuse, les molécules d’eau emportent de l’énergie et provoquent ainsi une diminution de la température. Le vent a également son importance.

Figure 6. La « thermal skin layer » (TSL ou « cool skin layer ») des océans. Cette couche est très mince, au maximum 100 micromètres, et est systématiquement de ± 0.2°C plus froide que l’eau sous-jacente (Wells et al. 2009). SSTskin, température de surface de la TSL; SST0.1mm, température à 0.1 mm de profondeur; SSTsubskin, température de la sous-couche (« subskin »); SST5m, température à 5 m de profondeur. Wong & Minnett (2018).

Dans la Figure 6 nous voyons que :

                  ∆Tskin-0.1 mm = SSTskin – SST0.1 mm

                  ∆Tskin-5m = SSTskin – SST5m

Selon Saunders (1967), mais aussi Soloviev et Lukas (2014), le transfert de chaleur à travers la TSL de l’océan se fait principalement par conduction moléculaire. Comme la température diminue avec la profondeur au sein de la TSL, la chaleur s’écoule généralement de l’océan vers l’atmosphère.

Voici maintenant l’hypothèse de Wong & Minnett (2018) : comme nous l’avons vu, les IR émis par le CO2 atmosphérique ne savent pas pénétrer plus de 19 microns dans la couche SL des océans. Cependant, ces IR pourraient modifier le gradient de température observé au sein de la TSL (Figure 7).

Figure 7. Hypothèse de la perturbation du gradient de température au sein de la TSL (lorsque le vent est faible, <2 m/s). La courbe en pointillés représente le gradient de température non influencé par les IR atmosphériques; la courbe en trait plein représente le gradient de température influencé par les IR atmosphériques. La courbe avec les traits et les points représente la situation avec un vent fort, >2 m/s. Wong & Minnett (2018).

Comme le gradient de température serait modifié par les IR en provenance du CO2, il en résulterait une perturbation des échanges de chaleur entre l’atmosphère et les océans, ceux-ci ayant plus de difficultés à éliminer la chaleur vers l’atmosphère. La conséquence serait le léger réchauffement observé à la surface des océans.

L’hypothèse est cependant difficile à prouver car il n’est pas possible d’augmenter artificiellement le taux de CO2 de la planète afin de vérifier la forme du gradient de température. De plus, la quantité de rayonnements émis par le CO2 est très faible et difficilement mesurable. En effet, on estime qu’un doublement du taux de CO2 atmosphérique ne mènerait qu’à une émission IR de 3,7 W m–2 (IPCC, 2014; MacDougall et al., 2017; Ramanathan et al., 1979).

Pour appuyer leur hypothèse Wong & Minnett (2018) ont donc réalisé des mesures en utilisant les IR émis par les nuages. En effet, comme il ne leur était pas possible de comparer deux atmosphères différentes, comportant des taux de CO2 différents, ils ont simplement comparé des journées sans nuages (peu d’IR arrivant à la surface des océans) avec des journées nuageuses (beaucoup d’IR arrivant à la surface des océans). Ceci est illustré à la Figure 8. Lorsque des nuages sont présents la quantité de rayonnements augmente de 200 W m–2 en un court intervalle de temps.

Figure 8. IR détectés à la surface des océans par un interféromètre FTIR, en présence de nuages (courbe bleue) et en absence de nuages (courbe noire). Nous voyons que l’aire sous la courbe bleue est plus grande par rapport à l’aire sous la courbe noire. Il y a donc plus d’IR arrivant à la surface des océans en présence de nuages. Wong & Minnett (2018).

Voici maintenant les résultats principaux obtenus par les chercheurs : la variable ∆Tskin-0.1 mm est une caractéristique de la TSL. Et cette variable augmente en valeur absolue lorsque la quantité d’IR en provenance des nuages augmente (Figure 9, à droite). Par contre la variable ∆Tskin-5m ne change pas énormément, probablement en raison de la plus grande profondeur (Figure 9, à gauche). En d’autres mots, la forme du gradient de température de la TSL change. Remarquons également que les variations sont faibles.

Figure 9. Influence des IR de grande longueur d’onde sur les variables DTskin de la TSL. Wong & Minnett (2018).

Les chercheurs calculent ensuite que cette modification de la forme du gradient de température dans la TSL devrait affecter la quantité de chaleur Q échangée à l’interface eau-atmosphère (Figure 10).

Figure 10. Flux de chaleur net émit par l’océan vers l’atmosphère (Q en Wm–2), en fonction de la quantité d’IR de grande longueur d’onde reçus à la surface (LWin@zenith, c’est-à-dire en provenance des nuages). Les différentes couleurs représentent différentes vitesses de vent en m/s. La relation est particulièrement claire pour des vents de vitesse < 4 m/s. Wong & Minnett (2018).

En effet, nous voyons en Figure 10 que plus la quantité d’IR de grande longueur d’onde (LWin@zenith) reçus à la surface de l’eau augmente (IR en provenance des nuages), plus le flux de chaleur net est réduit; une plus grande quantité de chaleur est donc retenue dans les océans. CQFD?

7. Les (grandes) faiblesses de l’étude de Wong et Minnett (2018)

Le problème le plus important de l’étude de Wong & Minnett provient des IR utilisés lors de leurs mesures, c’est-à-dire des IR en provenance des nuages. Ces IR comportent toute une gamme de photons, allant de 3 à 20 microns (Figure 8), ils sont donc loin de représenter les IR émis par le CO2 (pour rappel, 15 microns)! Les IR produits par le CO2 sont représentés en rouge sur la Figure 8, et nous voyons clairement que les auteurs ont comparé deux situations qui ne diffèrent quasi pas dans la quantité d’IR de 15 microns.

De plus, et ce point est reconnu par les auteurs, les deux situations comparées (avec et sans nuages) diffèrent d’environ 200 W m–2, alors qu’un doublement du taux atmosphérique de CO2 n’augmenterait le flux que de 3,7 W m–2

Autre problème, les auteurs considèrent que les pertes de chaleur sensible et de chaleur latente par les océans sont constantes, ce qui n’est peut-être pas le cas.

Et finalement, les résultats des auteurs ne sont probablement pas valables pour tous les océans car ils ont étudié une zone particulière, comportant une salinité particulière, une quantité donnée de matière en suspension, un pH particulier et une certaine concentration en phytoplancton.

En clair, l’hypothèse de Wong & Minnett (2018) n’a pas été démontrée pour le CO2 atmosphérique. L’effet est peut-être réèl pour les nuages, mais pas pour le CO2! N’en déplaise aux auteurs du blog RealClimate.

8. Si le mécanisme de Wong & Minnett (2018) n’est pas valable, qu’est-ce qui expliquerait alors le réchauffement des océans?

Si le taux de CO2 croissant dans l’atmosphère ne peut expliquer le léger réchauffement des océans par modification de la TSL, qu’est-ce qui pourrait l’expliquer? Puisque le soleil ne varie pas énormément en intensité une explication serait simplement la variation de la couverture nuageuse. Lorsqu’il y a moins de nuages un peu plus de rayonnements IR arrivent à la surface des océans ce qui les réchauffe directement. En se réchauffant un peu plus il en découle un réchauffement global car les océans réchauffent l’atmosphère. Lorsque les nuages sont plus abondants l’albédo de la planète augmente et plus de rayons solaires sont réfléchis vers l’espace.

L’hypothèse de la variation de la couverture nuageuse est soutenue par certaines publications. Le 22 janvier 2020 paraissait dans Scientific Reports, une revue du groupe Nature, un article en libre accès concernant le climat (Delgado-Bonal et al. 2020). Les 4 auteurs de l’article travaillent aux USA pour la NASA (NASA Goddard Space Flight Center). En employant des méthodes d’analyses assez sophistiquées, et sans faire intervenir le taux de CO2 atmosphérique, les auteurs démontrent que sur les 40 dernières années la quantité de radiations de courte longueur d’onde (SW) arrivant sur le sol de notre planète (donc en provenance du soleil) aurait varié de manière conséquente en raison d’un changement significatif de la quantité de nuages. Les résultats obtenus suggèrent donc que le léger réchauffement global observé depuis 40 ans (pour rappel, moins de 0,5°C) ne serait pas causé par une variation du taux de CO2 mais simplement par l’évolution de la couverture nuageuse! Comme nous vous l’avions suggéré à plusieurs reprises sur SCE (par exemple ici, ici, ici et ici) le CO2 n’a probablement qu’un rôle minime dans le réchauffement global constaté actuellement. Les résultats de Delgado-Bonal et al. 2020 soutiennent donc nos conclusions.

Pour expliquer les différentes hypothèses autres que le taux de CO2 nous renvoyons ici le lecteur à plusieurs de nos articles précédents :

• Berth P. Une autre hypothèse pour expliquer la hausse des températures. 12/2018

• N. Jean. Qu’est qui influence le plus la température en Belgique? 08/2020

• N. Jean. Les nuages ont plus d’effets que vous ne le pensez. 06/2020

9. Conclusions

• Le soleil émet de la lumière qui réchauffe la zone supérieure des océans, essentiellement sur les quelques premières dizaines de mètres. La chaleur produite en surface des océans est capable de pénétrer plus en profondeur en raison des turbulences. Il en résulte une thermocline bien connue des plongeurs. La chaleur est également capable de s’emmagasiner dans les océans car la capacité calorifique de l’eau est plus grande que celle de l’air;

• Les courants océaniques, composés d’eau chaude en raison de l’action du soleil, circulent ensuite sur la planète entière et y redistribuent l’énergie essentiellement accumulée sous les tropiques. C’est la circulation thermohaline bien connue des océanographes. Les courants marins chauds chauffent ensuite l’atmosphère qui à son tour réchauffe nos villes lorsque le vent nous vient de la mer.

• Les infra-rouges produits par le le CO2 atmosphérique (pour autant qu’ils arrivent à la surface des océans) ne peuvent pas pénétrer l’eau de mer car ils sont arrêtés après 19 microns de profondeur. Ils ne peuvent donc pas réchauffer les océans qui recouvrent 70% de la planète! C’est la loi de Beer-Lambert qui le démontre.

• La théorie de Wong & Minnett (2018) ne tient pas la route et semble biaisée. Nous ne pouvons pas en conclure que les IR émis par le CO2 modifient la TSL des océans et provoquent une rétention de chaleur dans l’eau de mer.

• En conclusion finale, la théorie selon laquelle le CO2 est un gaz dangereux qui provoquerait un réchauffement des océans doit être abandonnée.

Références

Fox-Kemper, B. et al.( 2021) Ocean, Cryosphere and Sea Level Change. In Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Masson-Delmotte, V., P. et al.  (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, pp. 1211–1362.

Hale GM, Querry MR (1973) Optical constants of water in the 200 nm to 200 micron wavelength region. Appl. Opt. 12:555–563.

Hoffmann G (2007) Principles and working mechanisms of water-filtered infrared-A (wIRA) in relation to wound healing. GMS Krankenhaushygiene Interdisziplinär 2007, Vol. 2(2), ISSN 1863-5245.

Huang Y, Guo B, Subrahmanyam MV (2018) Shortwave Radiation and Sea Surface Temperature Variations over East and West Tropical Pacific Ocean. Open Access Library Journal, 5: e4839.

IPCC. (2014). In C. B. Field et al. (Eds.), Climate change 2014: Impacts, adaptation, and vulnerability. Part A: Global and sectoral aspects. Contribution of Working Group II to the fifth assessment report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge, UK: Cambridge University Press.

Irvine WM, Pollack JB (1968) Infrared optical properties of water and ice spheres. Icarus 8:324–360.

MacDougall, A. H., Swart, N. C., & Knutti, R. (2017). The uncertainty in the transient climate response to cumulative CO2 emissions arising from the uncertainty in physical climate parameters. Journal of Climate, 30, 813–827.

Ramanathan, V., Lian, M. S., & Cess, R. D. (1979). Increased atmospheric CO2: Zonal and seasonal estimates of the effect on the radiation energy balance and surface temperature. Journal of Geophysical Research, 84(C8), 4949–4958.

The Response of the Ocean Thermal Skin Layer to Variations in Incident Infrared Radiation

Saunders PM (1967). The temperature at the ocean-air interface. Journal of Atmospheric Sciences, 24, 269–273.

Singer SF (2009) How effective is greenhouse (GH) warming of sea surface temperatures (SST)? In : International Seminar on Nuclear War and Planetary Emergencies — 34th Session.

The Response of the Ocean Thermal Skin Layer to Variations in Incident Infrared Radiation

Soloviev A & Lukas R (2014) Near-surface turbulence. In: The near-surface layer of the ocean (pp. 153–224). Dordrecht, the Netherlands: Springer.

Wong EW, Minnett PJ (2018) The Response of the Ocean Thermal Skin Layer to Variations in Incident Infrared Radiation. Journal of Geophysical Research: Oceans, 123, 2475–2493.

Wozniak & Dera (2007) Light absorption in sea water, Springer.
ISBN-10: 0-387-30753-2. Les deux premiers chapitres sont disponibles ici.

Yu CC, et al. (2020) Vibrational couplings and energy transfer pathways of water’s bending mode. Nature Communications 11:5977.

14 réflexions sur « La loi de Beer-Lambert : une loi méconnue du public et qui relativise l’effet du CO2 sur les océans »

  1. «  » » » » le CO2 atmosphérique ne peut pas réchauffer les océans, contrairement au soleil. » » » »
    Eh oui pourquoi fait-il plus froid en hiver alors que le CO2 est plus abondant? et comme dit dans l’article , les terres sont plus abondantes dans l’hémisphère Nord

      1. C’est vrai, c’est à la fin de l’hiver et au début du printemps quand la végétation repart; mais puisque vous semblez bien manipuler ces courbes , vous pourriez retrouver celle de Pointe Barrow ? Cela m’intéresserait de la comparer à celle de Mauna Loa
        Merci d’avance !

  2. Je suis étonné du fait que cet article n’évoque pas la déplétion d’ozone comme le principal facteur de réchauffement des températures de surface océaniques.

    1. Le « trou d’ozone » concerne essentiellement le pôle sud. Et contrairement au réchauffement rapide de l’Arctique, la température de la surface de la mer (SST) de l’océan Austral (SO) a montré une tendance au refroidissement sur plusieurs décennies, et ce depuis le début des enregistrements par satellite en 1979. Le « trou d’ozone » provoquerait donc un refroidissement! Mais les choses sont bien plus complexes. Voyez par exemple cet article.

  3. Merci pour ces données ; mais j’attendais un graphique pour la dernière année d’enregistrement pour comparer à celui de Jean N

  4. L’élévation des températures depuis le milieu du 19e siècle jusqu’à nos jours ne serait donc pas due au CO2 de l’atmosphère, mais à une légère diminution de la nébulosité globale, ce qui est bien plus compréhensible et évident aux esprits simples avec comme comparaison les volets d’une maison qu’on ouvre ou qu’on ferme plus ou moins pour moduler la quantité de chaleur du soleil entrant dans la maison.
    Reste maintenant à expliquer les variations de la nébulosité globale. Je ne fais pas partie des carboréchauffistes forcenés, mais je ne doute pas un instant que parmi ces derniers beaucoup vont tenter de trouver un lien entre la hausse du taux de CO2 dans l’atmosphère et la baisse de la nébulosité globale.
    Qu’en pense l’auteur de cet article très pertinent ???

    1. Plusieurs paramètres ont été invoqués au sujet de la variation de la couverture nuageuse au niveau global. Nous avons par exemple les rayons cosmiques qui peuvent influencer la formation des gouttelettes d’eau dans l’atmosphère (nucléation). C’est la théorie de Svensmark :
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Henrik_Svensmark

      Citons également les effets gravitationnels dont les effets sont peu connus (position des planètes géantes par rapport au soleil), le vent solaire (nombreuses particules pouvant influencer l’atmosphère), et le champ magnétique solaire. A ce sujet vous pouvez consulter les publications de Nicolas Scafetta (2020) mais également celles de Stefani et al. (par exemple celle-ci : 2019). De nombreuses recherches sont encore nécessaire, et il n’y a rien de plus difficile à modéliser que la formation des nuages!

  5. Le 18 novembre 2024 à 13 h 57 min, frederic Sommer a dit :
    https://www.msn.com/fr-fr/actualite/technologie-et-sciences/pourquoi-l-effondrement-de-l-amoc-un-courant-majeur-de-l-atlantique-inqui%C3%A8te-les-scientifiques/ar-AA1t54Nl

    A lire absolument ou d’autres articles concernant cette réunion et ce sujet qui nous rappelle des perles laissées par Rahmstorf et Michael Mann qui ont participé à cette réunion ; sont-ils à Bakou en ce moment ?

    Le CO2 comme tous les GES ne fait plus que changer le gradient dans l’atmosphère , il modifie les courants océaniques ; et surtout , à écouter les deux climatologues ci dessus il ne faut surtout pas changer les décisions politiques tels que les accords de Paris ou les conclusions de la prochaine COP

  6. Quelle est alors la cause du réchauffement des océans si on retient l’hypothèse que le CO2 n’est pas impliqué par son rayonnement direct ?

    1. Et bien la réponse est dans l’article! Vous ne l’avez pas bien lu!
      C’est le soleil le responsable. Lorsque la couverture nuageuse varie (mécanisme encore inconnu), plus de rayonnements solaires peuvent atteindre les océans et les réchauffer.

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